Mali : vers une sortie de crise proche ?

Même si l’intervention militaire est désormais certaine, qu'en est-il de ses modalités et de ses risques ?
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Mali : vers une sortie de crise proche ?

Publié le 30 octobre 2012
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C’est désormais officiel : les Nations Unies ont donné leur aval à une opération militaire internationale pour la pacification et la réunification du Mali contre les terroristes établis au nord. Même si l’intervention est désormais certaine, qu’en est-il de ses modalités et de ses risques ?

Par Giuliano Luongo.
Publié en collaboration avec UnMondeLibre.

Quelle intervention ? Quelle armée ?

La résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU du dernier 12 octobre à donné l’aval attendu aux appels français pour une intervention militaire multilatérale en territoire malien. Les Nations Unies ont adopté un texte qui invite les pays africains à travailler ensemble durant 45 jours afin d’organiser une stratégie commune d’intervention qui ne devra pas seulement concerner le cadre militaire, mais aussi politique. Le texte invite aussi les autorités du Mali et les « groupes rebelles » à s’engager au plus vite dans un processus de négociation crédible.

Les premières réactions internationales notables sont arrivées de la France et du Mali. Le Ministre de la Défense français Le Drian a très tôt déclaré que l’intervention sera « question de quelques semaines », vue l’importance de cibler le « sanctuaire des terroristes » qui contrôle le Nord-Mali. Il a souligné que la France n’enverra pas de troupes, se limitant à fournir une aide logistique. Du coté malien, le capitaine Sanogo – actuellement président du comité de réforme de l’armée – a admis le besoin d’un soutien extérieur [1]

La réponse des institutions africaines a été rapide. Les chefs d’État de l’Afrique de l’ouest, à coté des représentants de l’UA, de l’ONU et français, se sont réunis à partir du 19 octobre à Bamako pour accorder la stratégie pour la reconquête du Nord Mali [2]. Le sommet a eu les effets diplomatiques espérés, incluant de nouveau le Mali dans la diplomatie multilatérale africaine après sa « sortie » en mars dernier à cause du putsch des militaires de Sanogo. En outre, il y a eu une première réponse aux demandes de solution « aussi politique » : la déclaration finale du sommet appelle les autorités maliennes à travailler pour la restauration de l’autorité et la cohésion entre les institutions, afin de créer les conditions pour tenir des élections libres et transparentes au cours du 1er trimestre 2013. La déclaration devient ici bien moins précise, indiquant seulement que le Mali doit définir un plan détaillé pour atteindre ces objectifs et faciliter l’aide de la communauté internationale. À coté de ça, on a parlé encore de l’utilisation d’une force commune CEDEAO de 3000 hommes avec l’aval de l’ONU et des États-Unis : en tous cas, il n’y a encore aucun détail sur sa composition. La communauté cherche encore à mener en parallèle des négociations avec les différents groupes terroristes – sauf avec le Mujao, avec lequel les négociations ont été déjà fermées.

Quels ennemis ? Quels défis ?

Si les autorités ont encore des doutes sur comment procéder, les djihadistes ont eux déjà les idées claires. Le progrès vers une opération militaire les a poussés à améliorer leur organisation. Le 22 octobre Aqmi et le Mujao ont reçu de nombreux renforts [3] provenant des camps algériens et sénégalais, et arrivés dans les villes de Gao et Tombouctou. Selon Habib Ould Issouf, leader Mujao, l’arrivée de ces milices est la réponse à la « volonté de guerre » des autorités. Même si les trois groupes restent divisés sur des points programmatiques et idéologiques [4], cette dernière nouvelle démontre leur capacité d’organiser logistiquement une défense rapide de leurs territoires ; ça modifie la donne quant aux tensions entre les différents groupes terroristes (en particulier entre Mujao et Aqmi) : devant un danger tangible, les cellules djihadistes sont capables de s’organiser et de profiter de la présence d’autres cellules actives dans les pays voisins au Mali [5]. En plus, même si les habitants des régions sous leur contrôle cherchent à manifester leur dissension, les terroristes affirment que la population est avec eux. Si ça s’avère être vrai – au moins en partie – il sera encore plus difficile d’éradiquer les djihadistes.

Ce dernier point sera très important, vu que le Sud Mali a également assisté à des réactions mixtes à l’appel à une action militaire. La manifestation en faveur de cette dernière à été tôt suivie par une manifestation (d’environ 2000 personnes) contre la force d’interposition internationale, perçue comme une force d’invasion non intéressée à la liberté du peuple malien.

Sur ces bases, même si au moins le Mali a récupéré son statut de pays intégré dans la communauté internationale, toutes les problématiques anticipées quand l’intervention militaire était seulement « une » option parmi d’autres sont toujours là. Et surtout l’armée « légitime » a montré qu’elle n’existait pas encore quand les terroristes sont bien organisés, facteur qui écorne la crédibilité des autorités.

Les autorités maliennes et internationales ont jeté des bases à Bamako, mais il faut travailler vite sur le plan militaire et appliquer les principes de « restauration de l’état de droit » : l’armée doit agir selon des règles bien précises et éviter dans tous les cas des dommages collatéraux (et d’externalités négatives dans les pays limitrophes), vu que chaque erreur se transformera en « atout » pour les terroristes. Enfin, pour gagner en crédibilité, il faudra que le gouvernement réussisse à agir avec la même réactivité que ses ennemis pour démontrer avoir la force nécessaire de les combattre.

—-
Sur le web.

Notes :

  1. Précisément, il a admis le besoin de  « toute aide ou compétence extérieure pouvant amener à l’accomplissement de la mission régalienne de l’armée » et aussi de l’intervention de milices civiles si « utilisées dans un cadre bien défini ».
  2. Parmi les participants, à coté de la nouvelle présidente de l’Union Africaine Dlamini-Zuma et du président malien par intérim Traoré, il y avait aussi l’envoyé de l’ONU au Sahel Romano Prodi et les représentants de l’Algérie et de la Mauritanie.
  3.  300 selon les premières sources, « des centaines » selon d’autres.
  4. Notamment, Ansar-Dine pousse pour la promotion de l’Islam radical au Maghreb, pendant qu’Aqmi suit la vision de l’extrémisme “mondialiste” d’Al-Qaïda. Le Mujao, composé par des ex-membres d’Aqmi, s’éloigne de ce dernier pour des raisons principalement d’organisation.
  5. Des témoins indiquent que les terroristes sont d’origine sénégalaise, algérienne, tunisienne et nigérienne, entre autres.

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