Laïcité : Don Camillo et les touristes

En 2004, le Don Camillo local, desservant de l’église des Saintes-Maries, auquel s’est jointe l’association diocésaine de l’archidiocèse d’Aix en Provence, demande au Peppone des Saintes-Maries de mettre fin aux visites de son chemin de ronde qui, selon eux, entravent l’exercice du culte. Le Conseil d’Etat a tranché.

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Laïcité : Don Camillo et les touristes

Publié le 26 juin 2012
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En  2004, le Don Camillo local, desservant de l’église des Saintes-Maries, auquel s’est jointe l’association diocésaine de l’archidiocèse d’Aix en Provence, demande au Peppone des Saintes-Maries de mettre fin aux visites de son chemin de ronde qui, selon eux, entravent l’exercice du culte. Le Conseil d’État a tranché.

Par Roseline Letteron.

Don Camillo & Peppone (1952)

La décision rendue par le Conseil d’État le 20 juin 2012 aborde le principe de laïcité par l’un de ces conflits locaux entre le maire et le curé, identique à ceux qui ont fait le triomphe du « Petit monde de Don Camillo« . L’action se passe aux Saintes-Maries-de-la-mer, cité touristique, dont l’église est fort réputée dans le Guide Vert pour son toit-terrasse et son chemin de ronde. Conformément au principe posé par la loi de 1905, l’édifice appartient à la commune, et des visites payantes à caractère touristique y sont organisées depuis 1963. A partir de 1985, la commune a confié cette mission à une société d’économie mixte locale, dans le cadre d’une délégation de service public.

En décembre 2004, le Don Camillo local, desservant de l’église des Saintes-Maries, auquel s’est jointe l’association diocésaine de l’archidiocèse d’Aix en Provence, demande au Peppone des Saintes-Maries de mettre fin à ces visites qui, selon eux, entravent l’exercice du culte. Cette demande se heurte à une décision implicite de rejet du maire, décision confirmée par le tribunal administratif de Marseille. La Cour administrative d’appel annule cependant ce jugement, et enjoint au maire de faire cesser ces visites intempestives.

Affectation au culte et responsabilité du desservant

Devant le Conseil d’État, juge de cassation, le débat porte sur la notion d’affectation au culte.  Il n’est pas contesté que l’édifice, appartenant à la commune, n’a pas fait l’objet d’une mesure de désaffectation au culte, au sens de l’article 13 de la loi de 1905. La messe y est célébrée régulièrement, et les fidèles des Saintes Maries viennent y prier. Or, les dispositions combinées de la loi de 1905 et de la loi du 2 janvier 2007 énoncent qu’en l’absence d’association cultuelle, et c’est le cas aux Saintes Maries, les biens affectés au culte sont laissés à la disposition des fidèles et du desservant pour en organiser l’exercice. La Cour administrative d’appel en déduit que si l’église est laissée à la disposition du desservant, son toit et son chemin de ronde le sont aussi.

Les éléments de l’édifice « fonctionnellement dissociables« 

C’est précisément ce point que censure le Conseil d’État. Il énonce, pour la première fois, un principe de détachabilité des éléments de l’édifice qui en sont « fonctionnellement dissociables« . S’il est vrai que la toiture sert d’abord à protéger les fidèles des intempéries, et est donc, à ce titre, affectée au culte, il n’en est pas de même de la terrasse qui la surplombe. Cette dernière, comme le chemin de ronde, est accessible de l’extérieur du bâtiment, et la visite ne peut donc déranger la pratique religieuse.

Cette jurisprudence impose aux juges du fond une décision totalement dépendante des circonstances de l’espèce, ou, plus exactement, de la topographie des lieux. Le toit en terrasse de l’église des Saintes Maries peut désormais être visité par une nuée de touristes payants, ou utilisé pour un festival de musique organisé par la mairie. En revanche, les vitraux d’une église gothique, visibles de l’intérieur, seront accessibles gratuitement, mais en dehors des offices.

Considérée sous cet angle, cette décision du Conseil d’État constitue une incitation à la conciliation, à la gestion concertée d’un patrimoine commun. On se souvient que, tout récemment, dans un arrêt du 19 juillet 2011, la Haute Juridiction a admis la légalité de la construction d’un ascenseur par la ville de Lyon, dans le but de permettre aux personnes handicapées la visite de la basilique de Fourvière. Pour le juge, le concept d’intérêt général est au cœur de la mise en œuvre de la loi de 1905. A Lyon comme aux Saintes Maries, il s’agit de répondre à un besoin touristique, et chacun sait que le tourisme est une ressource vitale pour beaucoup de communes. Sur ce plan, Don Camillo et Péppone doivent pouvoir trouver un terrain d’entente.

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