Peter Thiel, le fondateur du service de paiement en ligne PayPal, développe une idée contre-intuitive intéressante : l’esprit de compétition inhérent au capitalisme pourrait parfois miner la créativité, pourtant essentielle à ce système économique.
Par Michel Kelly-Gagnon, de Montréal, Québec.
Publié en collaboration avec l’Institut économique de Montréal.

Le chroniqueur David Brooks, du New York Times, a récemment écrit un texte fort intéressant à propos de Peter Thiel, fondateur du service de paiement en ligne PayPal.
L’idée centrale de Thiel, telle que rapportée dans cette chronique, est que nous avons tendance à confondre le capitalisme avec l’idée de concurrence. Nous croyons généralement que pour gagner, il faut « compétitionner » plus fort que les autres. Or, bien que cela soit parfois vrai, il s’agit au fond d’une vision assez restrictive des choses.
En effet, cette course à la compétitivité peut nous faire perdre de vue l’essentiel : la création de valeur et l’innovation. En effet, au lieu de chercher à être « un peu meilleur » que tout le monde dans un domaine établi, pourquoi ne pas essayer de créer un nouveau marché, et, ensuite, de le dominer complètement ? Les marges de profits seront plus grandes, mais surtout, la valeur pour la société sera également, souvent, plus grande.
L’idée de Thiel est contre-intuitive à première vue : l’esprit de compétition inhérent au capitalisme pourrait parfois miner la créativité, pourtant essentielle à ce système économique.
Brooks donne ensuite en exemple le cheminement d’un étudiant. À l’école, celui-ci doit jouer selon des règles bien établies. Il réussira s’il devient un « étudiant professionnel ». Autrement dit, s’il récolte de bonnes notes dans toutes les matières, peu importe que ces dernières l’intéressent vraiment. Ensuite ‒ et c’est encore plus vrai aux États-Unis ‒, l’étudiant entre dans un système hiérarchisé de collège, de programme universitaire, de perspectives d’emploi et de statut. Finalement, une fois à l’emploi d’une entreprise, le but premier sera, encore une fois, de « battre la compétition » provenant de ses collègues, et ce quitte à mettre de côté presque tous les autres objectifs.
Vue de cette façon, cette obsession de la concurrence peut nuire plus qu’aider. Il ne faut pas toujours seulement « compétitionner », mais aussi inventer !
Ces réflexions de Thiel s’inscrivent parfaitement dans la philosophie plus large, le libertarianisme.
Thiel est un investisseur et un philanthrope, mais aussi un libertarien proclamé. Il croit au libre marché et à la responsabilité individuelle. Dans une entrevue, il a déjà déclaré qu’il faut se battre pour la liberté individuelle. Parce que dans un monde sans elle, la personnalité, la créativité et les idées des gens ne peuvent émerger.
Pour Peter Thiel, c’est la créativité qui est au cœur de la prospérité d’une nation. C’est d’ailleurs un de ses chevaux de bataille : dans son domaine ‒ la technologie ‒, ses concitoyens ne rêvent pas assez grand, selon lui. Il aimerait voir des entrepreneurs plus ambitieux. Une expression bien connue de Thiel est d’ailleurs : « Nous voulions des autos volantes, au lieu de cela nous avons eu 140 caractères. » (En référence, bien sûr, à Twitter.)
J’ai trouvé cette intuition fondamentale également fort instructive en tant que parent. Étant père d’un petit garçon je réalise que j’ai moi-même tendance à tomber trop souvent dans la « trappe de la compétition » décrite dans l’article de Brooks.
Nous voulons tous que notre enfant soit bon, et si possible le meilleur. Chercher à développer chez l’enfant un certain désir d’excellence n’est en soi pas mauvais, mais il est peut-être encore plus de développer sa fibre entrepreneuriale et sa créativité. De renforcer ses forces et ses (bonnes) tendances naturelles plutôt que de seulement l’inciter à « piocher dur ». À long terme, sa contribution à la société et sa satisfaction personnelle en tant qu’individu n’en seront que plus grandes.
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Sur le web.
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« il faut se battre pour la liberté individuelle. Parce que dans un monde sans elle, la personnalité, la créativité et les idées des gens ne peuvent émerger. » C’est tout à fait juste, et c’est même un fondement de la philosophie libertarienne.
Mais les schumpéteriens vous rétorqueront que le génie entrepreneurial finira par décliner, que la mollesse vitale l’emportera, et avec elle le socialisme. Les tocquevilliens affirmeront que la poursuite des intérêts privés conduit inévitablement au repli sur soi, au détachement à l’égard de ses semblables et au choix d’une petite vie tranquille, même si peu enthousiasmante. Outre que cela, selon les tocquevilliens, favorise l’Etat Providence, le dynamisme entrepreneurial des sociétés libres serait par conséquent fortement compromis.
Je n’adhère pas à ces assertions, et mon objet n’est pas de démontrer qu’elles ne sont pas valides (il faudrait tout un article, et même toute une série d’articles, pour proposer une démonstration pertinente). Je tenait seulement à préciser que votre argument en faveur de la liberté individuelle sera jugé invalide par beaucoup, à tort, certes; qu’il ne suffit pas, sous sa forme actuelle, pour convaincre.
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« […] Il se bat pour la liberté individuelle… » La liberté de bloquer le compte PayPal de Wikileaks par exemple, sur simple haussement de soucils etatsuniens ?
Je pense que derrière le haussement de sourcil devait se cacher un M16
Rappelons simplement que dans le cas de Wikileaks, c’est la CIA, la NSA, le FBI et le Pentagone qui sont venus ensemble faire les gros yeux.
Et vu le sens de l’humour « très développé » de tous ces clowns en puissance, je doute que le refus eut été accepté comme une réponse valide.
certains ont le courage d’aller jusqu’au bout de leur idées, d’autre non
Sauf que d’une manière ou d’une autre, wikileaks aurait été dans la merde.
Petite question: vous auriez fait quoi à sa place? Si l’Etat menace des gens qui vous sont proches si vous ne « coopérez » pas, vous dites « non j’ai des principes !! » ?????
Bref, il faut des fois savoir se la fermer car entre 4 murs ou 4 planches, on ne sert pas à grand chose, et surtout pas lutter contre ce même Etat-Nounou.
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Pour moi, le problème ne se situe pas dans la compétition mais surtout de l’horizon de temps qu’on se donne.
Ce que dénonce Thiel, c’est la compétition à courte vue ou court terme.
Certains pensent gagner le match, mais il ne joue pas sur le bon terrain.
Mais sur un marché, la compétition permet de faire émerger les entreprises qui trouvent les meileures solutions. Parler de compétition entre des personnes est un autre débat.
À mon avis les grandes innovations sont faites de passion et de rigueur. C’est la passion qui fait rêver, qui rend audacieux, qui découvre de nouveaux domaines. Mais être passionné ne suffit pas. Presque simultanément un deuxième mécanisme doit entrer en œuvre : la rigueur qui viabilise la démarche. La rigueur transforme le rêve en projet… ou le rejette.
L’idée que la compétition, pour les étudiants comme pour les salariés, porte surtout sur la meilleur manière de prendre la forme d’un moule, parait fondée. La scolarité travaille en premier lieu sur la rigueur et c’est déjà beaucoup.
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