Quand on observe le temps long, les défauts de paiement des États font davantage figure de règle que d’exception. La volonté actuelle d’éviter à tout prix la mise en défaut des États insolvables est une nouveauté à l’échelle de l’histoire. Loin de n’être que bénéfique, elle porte en elle de lourds dangers.
Par Guillaume Vuillemey.
La succession des crises des finances publiques (Islande, Grèce, Irlande, Portugal) a brutalement jeté bas ce dogme. Mais l’analyse, pour être complète, mérite d’être poursuivie plus avant.
Quand on observe le temps long, les défauts de paiement des États font davantage figure de règle que d’exception. La volonté actuelle d’éviter à tout prix la mise en défaut des États insolvables est une nouveauté à l’échelle de l’histoire. Loin de n’être que bénéfique, elle porte en elle de lourds dangers.
Un regard sur le passé n’est jamais inutile pour juger de l’instant présent. Comment les États, au cours des siècles écoulés, ont-ils géré leurs errements en matière de finances publiques ? Par le défaut de paiement. Dans un ouvrage récemment traduit en français, deux économistes américains de renom, Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff jettent un nouvel éclairage sur le sujet. De nombreuses statistiques appuient leur thèse, qui revisite huit cents ans d’histoire des six grands continents.
Quels enseignements tire-t-on ? Partout autour du monde, les défauts de paiement des États ont été chose commune au cours des derniers siècles. Si leur fréquence a diminué dans les pays développés au XXème siècle, elle a augmenté dans les pays en voie de développement. Concernant l’Europe, la France détient un record avec huit défauts entre le XIVème et le XVIIIème siècle. Au cours du seul XIXème siècle, l’Espagne a fait sept fois défaut. La Grèce se distingue également. Elle a été en défaut pendant plus de la moitié des années écoulées depuis son indépendance en 1830. Au début des années 1930, pendant la Grande Dépression, de nombreux États européens n’ont pu faire face à leur dette : l’Allemagne, la Grèce, la Hongrie, la Roumanie.
La leçon de l’histoire, nous disent Reinhart et Rogoff, n’est pas celle que l’on aimerait entendre. Non seulement les États peuvent faire faillite, mais ils ne s’en privent pas pour liquider des obligations devenues trop lourdes. Ce n’est pas tout. Quand elles ont été remboursées, les dettes l’ont souvent été grâce à une monnaie dévaluée du fait de l’inflation. La planche à billets, au XXème siècle, a remplacé – avec un immense gain d’efficacité – le rognage des pièces d’argent. Le pouvoir d’achat des monnaies s’est immuablement érodé depuis le Moyen-Âge, et continue à baisser aujourd’hui. Dans le même temps, les banques qui prêtaient aux États se sont vu conférer des privilèges croissants. Elles sont, in fine, devenues les banques centrales, dotées du monopole d’émission de la monnaie. Un exemple suffit : quand Napoléon confère une série de privilèges à la Banque de France, ce n’est pas pour garantir la stabilité macroéconomique, mais pour financer les guerres européennes.
Une conclusion s’impose : si l’on s’attache au temps long, l’histoire des États apparaît comme étant celle de promesses financières rarement honorées. Quelles leçons tirer pour la crise actuelle ? A l’échelle européenne, la volonté martelée de refuser tout défaut est une nouveauté radicale. Pour préserver sa monnaie, la zone euro tourne le dos à la procédure de liquidation la plus simple. Est-ce là une avancée bénéfique ? Rien n’est moins sûr.
Des siècles durant, les défauts de paiement ont été un garde-fou efficace contre la montée en puissance de l’État : parce qu’ils doutaient des remboursements à venir, les créanciers hésitaient à prêter. Seule une discipline budgétaire solide permettait d’établir la confiance. Comme la faillite pour une entreprise, le défaut de paiement d’un État joue un rôle économique essentiel. Non seulement il est une sanction pour ceux qui ont mal utilisé des ressources, mais aussi pour ceux qui ont apporté des capitaux sans prendre suffisamment de précautions. En l’occurrence, de nombreuses banques ont prêté de manière inconsidérée à la Grèce ou à l’Irlande. En sauvant ces pays, on subventionne avant tout leurs créanciers, c’est-à-dire les banques qui ont commis une erreur en mésestimant les risques portés par ces obligations d’État.
Créer un fonds européen pour se prémunir contre tout défaut d’un État supprime une discipline essentielle pour les détenteurs de capitaux comme pour les gouvernements concernés. Le risque est collectivisé et la responsabilité individuelle diluée. A cet égard, le FMI est un précédent illustre. Ainsi que le note Kenneth Rogoff, ancien directeur des études de cette institution, la création du Fonds après la seconde guerre mondiale « a coïncidé avec une plus grande fréquence des épisodes de défaut souverain ».
Les garanties européennes pourraient produire des effets similaires. Quant au problème de fond – la discipline des emprunteurs et des créanciers – il n’est pas réglé, seulement transféré à un niveau plus élevé. Considérés à l’aune de l’histoire, les défauts de paiement, malgré toutes les perturbations dont ils s’accompagnent, demeurent la sanction et l’incitation les plus efficaces pour permettre une gestion saine.
RT @Contrepoints: Les faillites d’Etats, une constante dans l’histoire: http://t.co/z7Je7UjB
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Il aurait été intéressant de souligner le lien entre dette publique et démocratie.
http://www.wikiberal.org/wiki/Dette_publique
Deux remarques et deux conséquences.
Les banques ont été en grande partie contraintes d’acquérir des titres souverains, d’une part légalement pour couvrir leurs activités privées dans leurs différents pays d’activité, par nécessité liée au marché interbancaire européen d’autre part, parce que c’est un marché de gré à gré notoirement opaque. Avant de parler de responsabilité des créanciers, il est nécessaire de faire la part entre la prise de risque volontaire et les contraintes imposées par les Etats.
Il est facile d’agiter la responsabilité des créanciers, énièmes boucs émissaires des politiciens, alors que ces derniers sont eux-mêmes parfaitement irresponsables, puisqu’ils peuvent décider souverainement de faire ou non défaut. Irresponsabilité sans limite, incroyable mauvaise foi et étalage de malhonnêteté de la part des gouvernants !
Puisque leurs activités ne produisent aucune richesse nette, les Etats n’ont jamais besoin de s’endetter. La dette publique est une illusion politico-économique imposée par les collectivismes, notamment socialiste, et non par la démocratie elle-même.
Le collectivisme n’est pas compatible avec la démocratie.
Il convient d’interdire définitivement aux Etats d’accéder aux marchés financiers ou de sanctionner les investisseurs qui se laisseraient tenter, assurances-vie et Livret A compris, avec des taux négatifs élevés.
« Les faillites d’États, une constante dans l’histoire » http://t.co/uG1dH9if via @Contrepoints
Ludwig Ehrard a refusé le défaut pour son Etat, l’Allemagne, dans les années 60. Il a fait de la stabilité monétaire sa priorité.
Résultat :
Les entreprises en ont pleinement profité et ont pu investir. Son pays a connu une croissance continue, comme la France mais a de plus réévalué plusieurs fois sa monnaie par rapport au Franc, d’où un gain de pouvoir d’achat pour les consommateurs allemands.
On peut critiquer ce pays et le qualifier de « rentier » mais il me semble que payer ses dettes à son créancier est la première des règles en droit contractuel.
répudierla dette publique est toute à fait acceptable d’un point de vue libérale: http://www.contrepoints.org/2013/09/01/137162-repudier-dette-publique