Automobile : Un Made In France de qualité discutable…

Une récente enquête d’opinion étrille constructeurs français. La presse ne relaie surtout pas l’information. Mais chut. Sachons vivre tranquille.

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Automobile : Un Made In France de qualité discutable…

Publié le 18 mars 2012
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Oooooh comme c’est dommage ! On apprend, à la suite d’une enquête auprès de 208.000 lecteurs dans seize pays du monde, que les automobiles françaises sont mal classées et que l’image des marques hexagonales oscille entre le médiocre et le mauvais. Voilà qui devrait susciter quelques commentaires dans l’actualité, surtout lorsqu’on se rappelle que le Made In France fait régulièrement parler de lui …

Le constat, en tout cas, n’est vraiment pas brillant : la fiabilité perçue sur les modèles français, tant par les Français eux-mêmes que par les conducteurs du reste du monde, est franchement basse. Citroën se classe ainsi au seizième rang, Renault deux places en dessous et Peugeot, deux places encore en dessous. La finition, elle aussi, est considérée comme médiocre ou mauvaise pour ces trois marques.

Normalement, un petit article de la sorte ne mérite pas qu’on s’y attarde vraiment. En outre, le fait de le commenter, surtout dans ces colonnes, me vaudra certainement les remarques acides habituelles sur le thème « Vous n’arrêtez pas de cogner sur la pôvre France qui n’en peut plus ».

Pourtant, il y a bien quelques raisons de commenter ce résultat.

D’une part, force est de constater que la presse française dans son ensemble, toute acquise au commentaire précis, pointu et d’une finesse exquise de la campagne présidentielle en cours, n’a apparemment pas de temps à consacrer à ces futilités. Et puis, elle aussi ne doit surtout pas participer au dénigrement français, comprenez-vous : lorsque Dassault finit par vendre son Rafale, chaque organe de presse peut se permettre de titrer la bonne nouvelle en gros, en gras, en cinq colonnes à la une. Mais lorsqu’on découvre, au détour d’une enquête, que les voitures françaises subissent une fort mauvaise réputation, on n’en entendra pas parler. Et puis cette enquête a été réalisée par des Teutons, qui sont des fourbes (au moins autant que les Chinois et certainement plus que les Anglais qui sont aussi perfides), chacun le sait. Bref : ne discutez pas, la presse, qui nous rappelle gentiment et à chaque occasion sa neutralité et de son devoir d’informer son public, n’est certainement pas cocardière. C’est juste que bon, là, tout de suite, vous comprenez mon brav’môssieur, y’a pas le temps.

La GS break. Tout un poème.

Bilan : on se retrouve à découvrir l’information au détour d’une brève sur internet, coincée entre les déboires de George Clooney et les rebondissements dans l’Affaire des Neutrinos Qui Vont Trop Vite (entre autres palpitances médiatiques indispensables à notre culture).

Seulement voilà : cette information, aussi désagréable soit-elle pour le patriote qui vibre joyeusement dans chaque petit Français, elle existe, et l’occulter ne sert à rien, et surtout pas à s’améliorer.

Car c’est ici le cœur du problème et le stigmate assez caractéristique d’un esprit français devant les problèmes de fond.

En effet, nous sommes en présence d’une enquête réalisée par un groupe de presse sur un nombre très représentatif de lecteurs (ici, on parle de plusieurs centaines de milliers). Les résultats obtenus sont, statistiquement parlant, significatifs non pas de la qualité réelle ou de la fiabilité réelle des voitures françaises mais bien de l’impression générale, du ressenti des consommateurs de ces marques.

En clair, les constructeurs français ont, au travers de ce genre d’enquête et sans débourser un rond, une idée assez précise de ce qu’ils devraient améliorer.

Aux États-Unis, au Japon, en Allemagne, ce genre d’enquête est pris très au sérieux, analysé, décortiqué, et commenté par une presse qui ne fait pas de cadeaux. La réaction des constructeurs est elle aussi analysée, et on attend même des prises de positions des firmes qui se doivent, au moins, d’expliquer ce qu’elles comptent faire pour remédier à la situation.

En France, l’inféodation de la presse avec le pouvoir et, partant, avec les grands groupes du CAC40 (qui leur achètent des encarts de pubs, par exemple) est telle que pas un bruit ne se fait entendre. Tout le monde doit penser la même chose, quitte d’ailleurs à ne surtout rien penser. J’en veux pour preuve la précédente enquête du même groupe, en 2010, parue elle aussi dans le silence feutré d’une presse française qui fait des prouts discrets dans son bain de subventions : elle n’avait déclenché aucune réaction, et très manifestement, les constructeurs n’en ont soit pas entendu parler (peu probable), soit pas tenu compte du tout.

Ce qui n’est pas étonnant : le marché français a été très habilement rendu captif aux constructeurs du cru dont les entrées dans les parloirs gouvernementaux sont multiples, renouvelées et largement utilisées. Les différentes primes, depuis 2010 justement, permettant de maintenir leurs ventes à flot (et, a contrario, leur disparition les fait s’effondrer). C’est la même chose au niveau des pièces détachées, partie la plus lucrative de la vente automobile en elle-même : depuis combien de temps le monopole des fabricants dure-t-il ?

En clair : les constructeurs sont plus que certainement au courant de la situation et savent parfaitement que leurs voitures sont perçues comme des chignoles douteuses qu’ils ont du mal à vendre sans aide d’état en France et n’arrivent pas à écouler ailleurs dans le monde. Or, plutôt qu’utiliser les enquêtes d’opinion (qui pointent pourtant des problèmes récurrents de finition, de services après-vente catastrophique, par exemple), on a cette confuse impression d’une volonté de toucher le moins possible au status quo.

Tuner une GS, c'est possible !

Cependant, ce n’est pas si étonnant. En effet, si l’on se rappelle que la moindre modification de la façon de travailler dans une usine automobile française peut déclencher un mouvement syndical d’ampleur et une crise ministérielle, on comprendra bien que la tâche d’une remise en question est une bataille quasiment perdue d’avance, ou alors, qu’elle doit se mener sur des décennies, avec toute la souplesse que cela implique.

En outre, remettre en cause sa méthode de travail, c’est admettre, en creux, que ce qu’on faisait n’était pas bon. Et là, c’est l’horreur absolue de devoir accepter qu’on ait pu commettre des erreurs, qu’on ait subi un échec. Et ça, en France, c’est une abomination.

Moyennant quoi, les seules enquêtes d’opinions qui soient bruyamment relayées sont celles qui portent sur des politiciens, surtout lorsqu’il s’agit de les débiner. Et bien sûr, comme pour les enquêtes automobiles, absolument aucun effet, aucune prise de conscience, aucune remise en question n’est perceptible après ces enquêtes.

Et tout continue donc exactement comme avant.
—-
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  • Disons que la grosse différence entre la R12 et la Laguna est qu’au moins la R12, le bon bricoleur pouvait la réparer lui-même. Ca, le constructeur LADA par exemple l’a parfaitement compris et, sans chercher à améliorer la qualité fondamentale de ses voitures, a eu l’intelligence de les laisser réparables par le quidam éclairé.

    On se retrouve un peu dans la situation où Renault veut faire du Audi, mais sans les moyens… et surtout à des tarifs de moins en moins concurrentiels…

  • Il y a quelques années Renault s’est rendu compte que ses plus gros modèles (Vel Satis) n’avaient pas d’ acheteurs.
    Personne n’a eu l’idée de comparer l’accueil et l’efficacité des concessionnaires Mercedes et Renault alors que les allemandes avaient à cette époque autant sinon plus de pannes que Renault.
    Que voulez vous ? Celui qui a les moyens d’acheter à ce niveau de prix a aussi l’envie d’être considéré comme un client et choyé en conséquence. Le sens du service ne fait pas partie du génie français.

  • C’est une conséquence du choix des constructeurs Français il y a des années de cela. En effet, elles ont choisi un positionnement clairement bas-de-gamme à moyenne-gamme, au détriment du haut-de-gamme.
    Aujourd’hui, elles en paient le prix…
    Et les constructeurs auront beau sortir des voitures fiables ou de qualité, les gens percevront que les Allemandes sont « meilleures ».

    Quant au service, autant dans un certain nombre de domaines, les Français ont bien souvent un contact exécrable (la preuve par l’exemple de la « société de défiance »), autant je n’ai jamais eu l’impression que ce soit le cas chez un concessionnaire.

  • Attention tout de même : « les sondés sont plutôt des passionnés d’automobile, qui ne reflètent pas forcément l’exacte opinion des acheteurs moyens ».

    Autrement dit, les personnes qui ont répondu à l’enquête ne possèdent pas forcément le véhicule de la marque sur laquelle ils ont donné leur avis…

    Ça vaut quoi alors ?

    A mon avis, rien.

  • Il ne faut cependant pas confondre perception et réalité. L’opinion sur la qualité est longue et fastidieuse à faire évoluer. Rares sont les personnes qui changent de voiture tous les ans et possèdent suffisamment de marques pour les comparer entre elles.

    Un parc automobile met dix ans à être renouvelé. Une opinion qui change radicalement en moitié moins de temps est improbable.

    Cependant, considérer que les constructeurs ne sont pas à l’écoute de cette opinion et ne font donc rien en conséquence est naïf (et c’est un euphémisme poli).

    Le travail est constant, d’ailleurs il commence à payer. Pour s’en convaincre une petite étude de l’ADAC, la référence allemande en matière de tests automobiles, et pas besoin de parler allemand pour voir que les françaises sont en progrès. http://www.adac.de/infotestrat/unfall-schaeden-und-panne/pannenstatistik/suchergebnis.aspx?pklid=3&pstatid=3&ReturnUrl=5uEyBA6KBgNKCARK55ZyBARCzNqr0u23BTXFzyqpzAcxCLRyzAa1CLRyzAZyC5X3xLErxLEz5uXFBARpzocy0gN8ym68C5X3xLE4HeN_

    De là à dire que c’est suffisant ou assez rapide, pas forcément, à chacun de se faire son opinion…

  • Bel article comme d’hab. Le problème des constructeurs français, c’est leur collusion avec l´état et la violation de toutes les règles de concurrences sur les marchés. Cela se perçoit très clairement en prenant 2 principes de base du management et du marketing automobile, pour constater les inepties les plus totales que nos constructeurs.
    + Innovation technologique
    Audi qui n’avait pas d’image de marque dans les années 70 a sorti la Quattro en 1980. Ils ont patiemment construit leur image de marque là-dessus. Ils ont utilisé les rallyes pour établir la crédibilité envers le publique. Maintenant, ils ont peaufiné leur innovation sur la répartition de puissance, les moteurs et peuvent revendiquer le label marketing Quattro pour toujours.
    Qu’on fait nos connos de chez Peugeot, ils ont rivalisé (ce qui est la moindre des choses), mais nous ont sorti des modèles de merde et, de plus ils n’ont pas été foutu de capitaliser sur leur investissement ni en technologie innovatrice ni en marketing de la marque. Même chose chez les pauvres pommes de chez Renault qui ont fait de la formule 1. Mais je ne vois pas une once d’innovation technologique sur lequel Renault aurait basé son image. En gros ils font de l’esbroufe pour les média, mais cultive une incapacité viscérale á parlé « au péquin de base » (la première activité demandant d’exclure hermétiquement la deuxième).
    + Des prototypes de salons : le principe c’est de pouvoir industrialiser les modèles, pas de faire baver les « clients / pardons « les péquins de base »). Ca fait rire nos blaireaux de constructeurs mais en attendant les autres pays se foutent de leur gueule pour de vrai (en sortant des modèles novateurs pour le public).
    Cela démontre que les constructeurs français ont : 1- un dédain total pour le péquin de base qui paye leur voiture, 2- vu leur importance, ces même constructeurs jouent un rôle actif dans la collusion du monde industriel avec les politiques (j’attends toujours Carlos Ghosn disant á Sarko de s’occuper de ce qui le regarde concernant la délocalisation de Renault sur le Maroc ) et 3- la collusion indus-pouvoir-media, c’est le marketing de salon de l’industrie automobile merde-in-France (oú ils se font mousser entre eux) (voir ce beau film primé dans les festivals de films http://www.youtube.com/watch?v=TJsHlugRls4 , si vous le l’avez pas vu c’est normal, vous êtes un « péquin de base » suivant la définition de nos constructeurs).
    Ccl : je ne veux pas entre parler de ces dégénérés et encore moins leur donner mon argent.

  • La France d’après guerre a eu la volonté politique de démolir son automobile de qualité et de luxe, avec les fameux chevaux fiscaux et la vignette.

    Avant, on avait Hispano, Delahaye, Delage, etc., et même Renault avec la 40 CV. Après guerre, il y a eu la belle tentative Facel.

    Alors que tout pays normalement constitué comprend l’intérêt d’une industrie du luxe, très intensive en emploi artisanaux très qualifiés, et même la France pour d’autres secteurs du luxe, pour l’automobile, ça a été démolition systématique.

    Désormais, l’Italie a Ferrari, Lamborghini, Maserati et Pagani, L’Allemagne Porsche, la Grande-Bretagne Bentley, Rolls, Jag et Land Rover (même avec actionnaires d’autres pays), et la france, bah, la DS5, la Laguna et la 508.

    Triste.

    Pour enfoncer le couteau: la Hollande a Spyker et la Suède a Koenigsegg, nous n’avons même pas autant que ces nains en luxe automobile, alors que nous étions le premier pays du monde.

    Une vraie tragédie industrielle, mais aussi artistique et culturelle (non pas que les milieux de la « culture » aient les capacités de comprendre ça).

  • Ne vous laissez pas enbobiner par les allemands. Le rapport qualité/prix joue nettement en faveur des voitures françaises
    De nombreuses voitures allemandes présentent de gros défauts (Audi, Mercedes, BMW, Opel)
    J’ai abandonné Renault, véhicules trop polluants, même les modèles récents, pour Citroën depuis appprox 20 ans. Elles n’ont vraiment rien à envier aux allemandes. Freinage et tenue de route parfaite pour tous les modèles achetés. Pour ce qui est de la qualité, je suis aux anges.
    Il faut juste savoir qu’en matière automobile comme dans tous les autres domaines, il ne faut pas jouer les pionniers en achetant des modèles trop récents. Toute nouveauté présente des défauts, mais ce qui est étonnant, c’est que les voitures allemandes conservent leurs défaut bien plus longtemps que les voitures françaises
    A bon entendeur !

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