La crise est méchamment de retour

Pendant que la campagne présidentielle aborde des thèmes mineurs, la crise se développe de pire en pire.

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La crise est méchamment de retour

Publié le 16 février 2012
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Sarkozy est donc officiellement papa sur twitter candidalaprésidentielle. C’est, franchement, bouleversant tant on ne s’y attendait pas. Les socialistes officiels, pas du tout obsédés par le président sortant, ont donc passé tout leur mercredi à bombarder twitter et facebook de leur rage en découvrant qu’enfin, le candidat se déclarait. Pendant ce temps, Hollande et sa troupe se focalisent sur l’essentiel : les comptes de campagne du nouveau candidat et les déclarations de l’indispensable Vanneste, faire-valoir comique de toute la troupe de clowns UMP.

Pendant que ces importantes questions sont donc ouvertes dans le champ politique français, et que l’ensemble du pays ne palpite plus que sur ces sujets primordiaux, quelques broutilles occupent le reste du monde. Comme nos politiciens en parlent assez peu, je vais y consacrer un petit billet.

Sans même parler des tensions de plus en plus vives autour de l’Iran et alors que le bruit des pierres à aiguiser sur les lames multiples au Moyen-Orient perce difficilement le brouhaha de la (magnifique) campagne présidentielle française, la crise continue son développement vers un horizon de plus en plus sombre.

Ainsi, pour la troisième fois consécutive, les chiffres des ventes américaines au détail sont plus faibles qu’escomptés, alors que la période passée (fin d’année) est réputée favorable à la consommation. On comprendra ici que malgré les montagnes de cash injectées dans les banques, les consommateurs ne suivent pas et ont tendance à nettement réduire la voilure.

Réduction de la voilure qui se traduit aussi au niveau de la consommation énergétique puisqu’on constate, toujours aux États-Unis, que la consommation d’électricité et de pétrole est en baisse sur les derniers mois.

Ce qui se passe outre-Atlantique est intéressant parce que cela démontre assez bien le ralentissement notable de la croissance et met, assez clairement, une sourdine sur les chants joyeux de certains économistes et politiciens qui continuent à prétendre que la crise est finie, ou que le plus gros est derrière nous, que nous avons échappé à la récession ou que sais-je encore.

Il est en outre intéressant de constater que malgré ce ralentissement net de la croissance, les prix du baril ne descendent pas ; si l’on passe le caractère purement saisonnier de la vague de froid qui contribue à alimenter la consommation, les tensions iraniennes jouent, comme mentionné un peu plus tôt, pour beaucoup d’autant que l’Iran a, justement, répliqué aux sanctions européennes en décidant d’arrêter d’exporter son pétrole vers la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, les Pays-Bas et la Grèce. Quelle bonne idée ont eu nos dirigeants de se mettre à dos un fournisseur, en pleine crise, alors que les budgets se resserrent !

Au passage, on notera que la Grèce est dans les pays désigné par l’Iran, pour laquelle cette nouvelle arrive avec un timing diabolique, compte tenu de sa situation particulièrement tendue. On peut ici parier que le chef de l’État iranien n’a pas choisi ce pays au hasard, le coquin. Et on le comprend : appuyer ainsi là où ça fait mal n’est pas charitable, mais c’est le moyen le plus simple de faire comprendre à l’Europe qu’elle devrait se mêler d’abord de ses problèmes internes avant de regarder ceux des autres.

Et quels problèmes !

Non seulement, la situation grecque est maintenant incontrôlable, mais tout indique que les bricolages continuent de plus belle, avec un vaudeville qui évolue d’heure en heure, et pas franchement dans le bon sens ; ainsi, on découvre un article de La Tribune datant du 14.02 expliquant que l’accord bancaire est imminent, rapidement suivi d’un article du Parisien du 15.02 informant que ben non, l’accord n’est pas signé du tout.

Ce serait drôle si ce n’était pas des bidouilles infâmes réalisées sur le dos des Grecs et, dans une bonne part, sur le dos des autres Européens qu’on s’est empressés de ne pas consulter dans l’opération.

À ce sujet, si vous ne comprenez plus rien à ce qui se passe, rassurez-vous : c’est le but de la manœuvre. L’idée générale est qu’il faut à tout prix sauver l’Euro et que ce salut passe par une victime expiatoire qui pourrait être la Grèce mais sera plus probablement le moutontribuable européen. Il est vrai que les conséquences vaguement prévisibles d’une sortie de la Grèce de la zone euro peuvent faire frissonner plus d’un politicien même si elle permettrait pourtant de résoudre un certain nombre de problèmes en évitant la tonte complète et probablement ultime des autres citoyens européens.

Pendant ce temps, les banques de la zone euro continuent de stocker du cash auprès de la BCE, à hauteur de plus de 500 milliards. Très manifestement, la confiance inter-bancaire règne. C’est le bonheur. On peut parier que si tous ces banquiers ne se prêtent pas entre eux, c’est parce que ces établissements sont parfaitement sains et qu’il n’y a donc pas lieu d’en parler ni dans la presse, ni dans les débats entre candidats déclarés, putatifs ou sur le départ à une présidentielle dont tout indique qu’elle sera de haute volée.

Dès lors, pas étonnant que les agences de notation, à commencer par Moody’s, remettent la pression sur les notations des pays européens : même si ces agences sont la cinquième roue du carrosse et n’indiquent la fièvre qu’une fois la gangrène déjà largement diagnostiquée, là encore, l’appel du pied pas très discret ne peut pas faire penser à une fin joyeuse avec dénouement hollywoodien, bisous inclus.

D’ailleurs, Nigel Farage, le député anglais UKIP qui n’a pas franchement la langue dans sa poche, l’explique assez clairement : le chaos grec, ce n’est que le début.

Les libéraux (les vrais, les durs, les poilus) n’ont eu de cesse depuis le début de la crise de dire que non, les banques ne doivent pas être sauvées, qu’il existe des mécanismes de faillites ordonnées et rapides pour éviter la spoliation des déposants, et oui, il faut sanctionner les décisionnaires fautifs dans ces établissements, que la faillite, tant d’un établissement que d’un État, était l’une des méthodes les plus efficaces pour purger le marché de ses canards boiteux.

Mais au vu de ces éléments, on comprend l’importance des manœuvres frénétiques des politiciens pour camoufler leur incompétence, soit par des bricolages financiers de plus en plus hasardeux, soit par des polémiques futiles et ridicules comme en propose la campagne présidentielle française : non seulement, les peuples ne doivent plus avoir leur mot à dire, mais en plus, on va tout faire pour faire taire ces insupportables libéraux qui désignent les bons coupables et connaissent les bonnes solutions, malheureusement si défavorables aux oligarques et politiciens en place.

Et pour dénoncer l’ultralibéralisme, rien de mieux que les envolées lyriques d’un bobo que la cuistrerie et la mauvaise foi n’ont jamais gêné : le pauvre Cohn-Bendit explique ainsi que l’Europe est aux mains de « talibans néo-libéraux » qui poussent la Grèce dans ses derniers retranchements, faisant ainsi un assaut d’oxymore et d’incohérence que seul un fin connaisseur de son électorat peut se permettre : les libéraux prônant (c’est leur caractéristique principale) le moins d’État et le moins d’interventionnisme possible, on se demande comment on peut qualifier de libéral l’interventionnisme massif des 16 États dans la gestion d’un dix-septième, sans passer immédiatement pour un idiot dogmatique de première bourre.

En fait, le petit Cohn-Bendit illustre parfaitement tout le ridicule de l’attitude des socialistes devant la crise.

D’un côté, ils refusent d’admettre leurs erreurs : endettons-nous pour résoudre notre problème de dettes, l’euro doit survivre, un État ne peut pas faire faillite, les banques sont Too Big To Fail, désignons des dirigeants si la démocratie tourne au vinaigre pour les intérêts européens, etc.

De l’autre, ils refusent tout aussi catégoriquement, petits poings fermés et regard courroucé, de prendre en compte les remarques réitérés de ceux qui ont vu la crise venir, l’ont prédite, en ont expliqué les tenants, les aboutissants, et les méthodes pour en sortir, parce que ces solutions signifient, très concrètement, la fin de leurs privilèges, leurs pouvoirs et l’admission tacite et claire de leur incompétence crasse.

Cette attitude puérile ne conduira qu’à une unique issue, que Nigel Farage résume bien : le chaos.

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