Avec la TVA sociale, nous nous dirigeons vers des empoignades aboutissant à une nouvelle usine à gaz dont les effets sur la richesse générale seront comme d’habitude négatifs.
Par Michel de Poncins
La TVA sociale est une de ces idées folles qui ressortent régulièrement comme un serpent de mer ; elle donne alors, le spectacle de beaux coups de mentons à couleurs électoralistes. Une analyse à son sujet doit tenir compte des deux aspects de la religion du « tout-État » : la folie dépensière qui conduit à la folie taxative.
Cette double folie mène à plusieurs calamités qui ont toutes leurs solutions; mais celles-ci ne conviennent pas aux dévots de la religion du tout-État. Elles offrent, en outre, aux bureaux l’occasion d’imaginer des « dispositifs » que les politiques s’empressent de saisir pour satisfaire leurs besoins électoraux. Ces dispositifs sont censés remédier aux calamités qu’ils ont eux-mêmes créés avec l’aide de ces bureaux.
Le projet de TVA sociale veut terrasser d’un seul coup plusieurs calamités : manque de compétitivité, délocalisations, chômage, déficit de la balance commerciale et déficit de la sécurité sociale. Si elle est mise en œuvre, elle créera à son tour une gerbe de nouvelles calamités.
En résumé, dans sa configuration présente, le projet est de majorer la TVA, ce qui frapperait financièrement les importations en particulier des pays à bas salaires ; ainsi la pression sur le travail pourrait être allégée et les importations amoindries, à condition évidemment qu’il n’y ait pas de mesures de rétorsion. L’argent récolté permettrait de baisser les charges sociales pesant sur ce travail, rendant ainsi nos industries plus compétitives. Elles seraient aidées à supporter notre modèle social que, paraît-il, « le monde entier nous envie » ! Cette idée, en clair, signifie de mieux financer ce que l’on dénomme le « trou de la sécu ».
Aggravation fiscale
Tout reposerait, en fait, sur une aggravation des impôts. Selon les annonces, la TVA de 19,6% serait augmentée pour tous les produits et services, qu’ils soient fabriqués en France ou à l’étranger. Nul ne peut dire aujourd’hui de combien elle serait augmentée ; des hypothèses multiples sont avancées : de 1 % à 2% au début et davantage après. Cette hypothèse d’une première période de rodage, suivie d’un niveau définitif, ouvrirait une période d’incertitudes pour les entreprises ; pour situer les chiffres, un point de plus « rapporterait » 7 milliards. La folie taxative étant omniprésente, il est même question de manipuler la CSG ce qui donnerait encore plus d’argent à la voracité étatique.
Les commentateurs avancent une contre-vérité évidente : les ordinateurs calculeraient la hausse, de telle façon qu’elle correspondrait aux allègements de charges sociales prévus. Ce n’est qu’une plaisanterie. Humainement parlant, le calcul est absolument impossible à faire. À cette impossibilité majeure, s’ajoute l’impécuniosité permanente des gouvernements de toutes sortes ; tous les programmes sont les mêmes à cet égard. Une fois la boîte de Pandore ouverte, il n’est pas possible que le pouvoir, quel qu’il soit au sortir des urnes, ne cède pas à la tentation de ramasser le maximum de sous à la faveur du grand chambardement.
Ce grand chambardement s’attaquerait donc directement au pouvoir d’achat, ce qui frapperait comme d’habitude sévèrement les plus modestes. L’amélioration toute hypothétique imaginée grâce à l’allègement envisagé des charges sociales est pour plus tard. On reconnaît les « lendemains qui chantent » refrain du marxisme, idéologie sous-jacente de la manœuvre.
Pour justifier cette attaque directe, il nous est proposé une chaîne de raisonnements fallacieux. La compétitivité en berne proviendrait exclusivement du coût excessif du travail dû notamment aux charges sociales ; il en résulte le projet d’alléger ces charges sociales. Certes le niveau excessif de celles-ci est un problème ; ce n’est pas le seul. Les entreprises affrontent la concurrence internationale dans le cadre de la mondialisation en traînant derrière elles un véritable boulet : c’est l’action étatique dans son ensemble qui est dirigée directement contre les entreprises et les chassent hors de France. Il s’ajoute la culture de la grève qui assassine littéralement l’économie au détriment d’ailleurs des grévistes eux-mêmes.
La taxation étant par hypothèse décidée, il s’agirait de choisir les charges sociales à supprimer. Les charges patronales seraient les premières à alléger pour donner de la souplesse aux entreprises. Beaucoup prêchent aussi pour l’allégement des charges salariales en vue de panser partiellement la plaie du pouvoir d’achat. Nous nous dirigeons, certainement, vers des empoignades aboutissant à une nouvelle usine à gaz dont les effets sur la richesse générale seront comme d’habitude négatifs.
Et la Sécurité Sociale ?
L’objectif énoncé officiellement est de sauver « notre » protection sociale sans nuire à la compétitivité : en clair il faut faire face au problème récurrent du « trou de la sécu ».
Le gouvernement veut faire croire que par cette mesure magique, la compétitivité accrue relancera la croissance et l’emploi ; ce vrai bonheur permettrait de supporter sans douleur le « modèle social ». En fait, cette perspective est si lointaine qu’elle s’apparenterait à des « surlendemains » qui chantent !
Le fameux trou de la sécu revient chaque année à la fin de l’été. Le déficit devrait être ramené à 13,9 milliards d’euros en 2012, contre 18,2 milliards en 2011 et 23,9 milliards en 2010. Il y a donc des promesses. Même en cas de réalisation, il s’agira toujours de déficit. La dérive financière est permanente et croissante : en 2002 le déficit était « seulement » de 3,50 milliards d’euros et, déjà, il inquiétait.
La Cour des Comptes, théoriquement chargée de surveiller, a écrit publiquement naguère qu’elle ne pouvait rien contrôler car il n’y avait pas de gestion. Dans les gènes de l’organisation et dès le début, le déficit était inscrit. En effet, c’était et c’est toujours comme un gigantesque baquet où l’argent arrive de toutes parts et sans beaucoup d’efforts puisque la force publique y veille ; cet argent sort au hasard de l’humeur des politiciens et syndicalistes momentanément aux affaires, c’est-à-dire sans une véritable gestion. Nous avons indiqué ailleurs le moyen de sortir de ce vrai guêpier, une des causes majeures de la paupérisation du pays et de la panne de croissance.
Ce n’est pas la TVA sociale qui la sauvera. Le grand chambardement prévu reste ce qu’il est depuis qu’on en parle : une posture médiatique dans le jeu perpétuel d’une démocratie frelatée.
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