L’Afrique, victime de la mondialisation?

Il ne faut pas se lamenter de la mondialisation, mais au contraire du manque de mondialisation en Afrique

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L’Afrique, victime de la mondialisation?

Publié le 28 décembre 2011
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Par Emmanuel Martin
Article publié en collaboration avec UnMondeLibre

Il est commun chez de nombreux dirigeants et intellectuels africains de blâmer la mondialisation pour nombre des maux du continent. Le raisonnement s’apparente très souvent au suivant : en partant de l’assertion, assez vraie, que quelques multinationales font « un peu ce qu’elles veulent » en Afrique, on en infère que la mondialisation est la cause du sous-développement africain.

Il ne fait aucun doute que certaines multinationales peuvent souvent exercer une espèce de monopole, s’acoquiner avec un pouvoir corrompu – notamment dans le secteur de l’exploitation des hydrocarbures, et ne sont pas disposées à rendre leur activité transparente. Pour conserver des contrats publics, elles doivent payer. Elles nourrissent ainsi une corruption au sommet d’États qui ne respectent pas l’état de droit, aidant à maintenir au pouvoir des régimes peu reluisants et suscitant le ressentiment légitime des populations. Pour autant est-ce là de la « mondialisation » ? La mondialisation c’est en réalité l’ouverture, la concurrence, les échanges libres, la liberté de mouvement et les opportunités. C’est bien le contraire du monopole de quelques multinationales.

Par ailleurs, arguer que la mondialisation exploite l’Afrique suppose qu’une partie considérable des capitaux internationaux s’y jettent pour « profiter » du continent. Or, que révèlent les chiffres ? La CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le Commerce Et le Développement) indique que le stock d’Investissements directs étrangers (IDE) dans toute l’Afrique en 2008 (avant la crise) équivaut à… 3,42% des IDE dans le monde : presque moitié moins que la destination France à elle seule ! Si ces chiffres indiquent quelque chose, c’est que l’investissement international ne se dirige pas assez vers l’Afrique. L’Afrique n’est en réalité pas véritablement mondialisée.

Certains s’en réjouissent et mettent, de manière assez paradoxale d’ailleurs, bien des maux de l’Afrique sur le dos de la mondialisation. Ils déclarent que les Africains ne sont de toutes façons pas prêts pour la mondialisation : ces derniers n’auraient « pas l’esprit du commerce » ! Quelle ironie : les racines historiques de l’Afrique sont celles d’un vaste marché libre ; les routes d’Afrique forment souvent un grand marché courant sur des kilomètres. À Treichville à Abidjan, un exemple parmi tant d’autres, il est impossible pour un étranger de se balader sans se faire aborder par des jeunes changeurs des rues, qui se comportent en véritables entrepreneurs. Cette idée – fausse – que les Africains n’ont pas l’esprit du commerce est en réalité véhiculée par une classe de bureaucrates africains – quand ce ne sont pas des professeurs d’économie (!) qui distillent ce complexe d’infériorité dans l’esprit des étudiants – légitimant ainsi un État soi-disant protecteur… et la bureaucratie qui va avec.

En réalité en Afrique, l’État et sa bureaucratie sont plus étouffeurs que protecteurs. Les entrepreneurs ne peuvent pas librement y faire prospérer leurs affaires et ainsi initier comme ailleurs le développement économique de leur nation. Il suffit pour s’en convaincre d’ouvrir le dernier rapport « Doing Business ». En Afrique sub-saharienne lancer une entreprise officiellement coûte 100 % du revenu annuel par tête. Un permis de construire ? Près de… 2000 % du revenu par tête : 20 ans de revenus. En Côte d’Ivoire il faudra attendre près de deux ans pour avoir ce permis… Voilà pourquoi la plupart des gens entreprenants sont forcés d’évoluer sur les marchés informels du fait de réglementations irrationnelles. Cette informalité forcée empêche le développement économique : les entreprises ne peuvent pas croître dans l’informel.

Ce n’est donc pas un hasard si en Afrique la mondialisation ne profite pour l’instant qu’aux riches et aux « gros » : dans un tel système, évidemment il n’y a que les grosses entreprises, souvent internationales, qui sont capables de payer de tels coûts. Elles peuvent ainsi donner l’impression de faire parfois « ce qu’elles veulent ». Les gens modestes sont exclus par définition par les règles bureaucratiques, et se trouvent donc dans l’impossibilité de faire des affaires sur une base officielle. Or, nombreux sont les Africains modestes qui voudraient bien pouvoir avoir leur entreprise formelle justement, et peut-être profiter – enfin ! – de la mondialisation et de ses marchés. Mais pour l’instant, on ne leur permet pas vraiment. D’où les chiffres : avant la crise, les exportations de marchandises et de services d’Afrique représentaient respectivement 2,87% et 2,52% des exportations correspondantes au niveau mondial.

Point important : les organisations internationales ont-elles une part de responsabilité dans les maux de l’Afrique ? Elles sont en effet très souvent synonymes, dans les mentalités, de « mondialisation » parce qu’elles en ont fait la promotion depuis les années 80, bien qu’elles ne soient pas la mondialisation elle-même (et très souvent d’ailleurs, pas si « libérales » que ça.) Il est vrai que les institutions de Washington, et notamment le Fonds Monétaire International, ont demandé par le passé des réformes dans le sens de la libéralisation et de politiques budgétaires restrictives. L’idée était que le secteur privé prenne la relève. Malheureusement l’erreur a été que ces réformes du FMI ne pouvaient justement aboutir à rien sans les réformes de fond complémentaires, en amont, se concentrant sur la facilitation des affaires. En réalité le travail n’avait été fait, en quelque sorte, qu’à moitié.

Il ne faut donc pas se lamenter de la mondialisation, mais au contraire du manque de mondialisation en Afrique. S’il y en avait « davantage », il y aurait davantage de concurrence, davantage d’entreprises locales, davantage de richesses produites et partagées. Cela suppose libérer les énergies et dynamiques africaines qui ne demandent qu’à s’épanouir en dehors de l’informel, par un climat plus propice aux affaires. Les africains ont besoin de plus de mondialisation, pas de moins.

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  • Il y a aussi le problème du comportement des états occidentaux.

    A Abidjan, des éleveurs de poulets s’étaient mis à faire de l’élevage industriel. Très bonne idée ! Le poulet est un des animaux les plus dégusté dans cette région, il y aura donc des consommateurs à coup sur, et ça fera baisser le prix de la nourriture !
    Mais sauf que les pays occidentaux subventionnent comme des dinges leurs agriculteurs. Ceux ci exportent en afrique, et malgré le coût du transport, vendent des poulets MOINS CHERS. Banqueroute des éleveurs à abidjan.

    Et là, clairement, la mondialisation nuit à l’afrique. Mais c’est à cause de l’intervention de l’état.

  • Ils seraient déjà moins dans la m…e s’ils maîtrisaient leur démographie. Globalement la population africaine est passée de 220 millions dans les années 50 au milliard aujourd’hui. Mécaniquement les famines ne peuvent qu’empirer et les conflits inter-ethniques devenir plus sensibles et violents.

    Et puis il faut bien avouer que l’Occident à une part de responsabilité dans ce foutoir. Depuis l’accès à l’indépendance nous avons déversé environ mille milliards de dollars, pour quel résultat ? Les populations commencent à regretter le temps des blancs. Sans compter l’effacement des dettes qui intervient en général tous les 10/15 ans. Tout est fait pour entretenir non seulement une forme de dépendance, mais également l’attitude victimaire permettant au méchant blanc de chercher l’absolution à travers des envois de fonds toujours aussi débiles qu’inutiles.

    Il appartient à l’Afrique de trouver sa voie vers une certaine forme de développement à la fois économique et politique qui ne sera pas nécessairement celui considéré par les blancs comme le summum du bien sur terre. Les africains ne sont pas des blancs et ne le seront jamais, laissons les se prendre en main et se débrouiller et surtout oublions toute idée imbécile d’ingérence.

  • « Ils seraient déjà moins dans la m…e s’ils maîtrisaient leur démographie. Globalement la population africaine est passée de 220 millions dans les années 50 au milliard aujourd’hui. Mécaniquement les famines ne peuvent qu’empirer et les conflits inter-ethniques devenir plus sensibles et violents. »

    => Non mais le malthusianisme c’est terminé. Une telle situation peut être évitée via la hausse de la productivité.

  • En attendant que les populations soient à même de produire plus, il faut disposer d’un savoir pour ça, il va bien falloir maîtriser la démographie. Et puis produire plus, c’est déforester, appauvrir les sols, les gorger de saloperies tels nitrates etc., foutre en l’air des espaces naturels, des paysages, une faune, une flore. Tout ça pour quoi ? Le plaisir d’être nombreux, de se foutre encore plus sur la gueule pour des problèmes ethniques, de ressources ? Parce que tous les pays ne sont pas égaux devant le climat.

  • C’est nier qu’il existe différentes plantes s’adaptant aux différents climats.

    Le gros problème de l’afrique aujourd’hui, c’est la corruption et les problèmes ethniques. Sinon, ce continent aurait largement les capacités de s’enrichir…

  • Pour y avoir travaillé et voyagé je peux dire aujourd’hui que le plus grand mal de l’Afrique c’est l’occident (USA+Europe) et la Chine. C’est comme la guerre, de l’interventionnisme. Plus on essayera de les « aider » (ahaha ça me fait bien rigoler quand les églises évangéliques vont poser leurs graines au Togo, après ils arrosent avec une pompe 5000 nouveaux « croyants »…) moins ils seront indépendants.

  • Effectivement l’aide a posé problème. Voir les travaus de Easterly, Moyo, C. Williamson, Hancock…

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