Nigeria: du pétrole mais pas de droits de propriété

Au Nigeria le Président Goodluck Jonathan a proposé la suppression des subventions au secteur pétrolier

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Nigeria: du pétrole mais pas de droits de propriété

Publié le 25 novembre 2011
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Au Nigeria, le Président Goodluck Jonathan a proposé la suppression des subventions au secteur pétrolier.

Par Giuliano Luongo
Article publié en collaboration avec UnMondeLibre

Nigerian National Petroleum Company

Le débat entre le Président nigérian Jonathan et l’opposition politique concernant la suppression des subventions au secteur pétrolier devient une bonne occasion de rappeler le problème du monopole d’État sur les ressources naturelles et de ses conséquences sur les droits de propriété des communautés locales.

Une histoire chaotique…

Indépendant en 1960, le Nigéria a hérité d’une structure économique solide mais très étatisée de l’ère coloniale. Malheureusement, l’instabilité socio-politique du pays (due aux rémanences des rivalités tribales et à la corruption gouvernementale) allait entraîner une vingtaine d’années de luttes et de guerres civiles qui ont détruit le système économique nigérien. Le Nigéria s’est donc concentré seulement sur l’exploitation de sa ressource principale, le pétrole : membre de l’OPEP dès 1970, le pays a cherché à se développer uniquement sur la base de ce secteur, totalement sous le contrôle de l’État. Actuellement, 45% du PIB national vient de l’exportation du pétrole.

L’étatisation de l’économie a une forte base déjà dans la Constitution, qui établit que toutes les ressources naturelles (gaz, pétrole, minéraux) sont propriété d’État, et que seules les entreprises d’État peuvent les exploiter. Il y a une seule compagnie pétrolière nationalisée, la NNPC (Nigérian National Petroleum Company), dérivée du vieux Ministère des Minières et de l’Acier, mais les autres compagnies désirant travailler sur le territoire – nationales et étrangères – sont obligées d’opérer en joint-venture avec elle (1).

Cette disposition génère deux types de problème.

En premier lieu, elle signifie que la plus grande partie des profits du secteur sont absorbés par l’État, se traduisant en une série incroyable de gaspillages : l’argent va se perdre dans les recoins de la bureaucratie et des « mauvaises habitudes » des agents de l’État. Mais les plus grands gaspillages se concrétisent dans le soutien au… secteur pétrolier lui-même. Le manque critique d’infrastructures et d’efficience de la production en aval forcent l’État à injecter des subventions à hauteur de 45% du budget national pour contenir le prix de vente et éviter la paralyse du pays.

Le deuxième problème concerne la création d’un régime qui ne permet pas la défense des droits de propriété. La Constitution donne le droit à la compagnie d’État – et à ses joint-ventures étrangères – d’exploiter une zone riche en ressources sans penser aux citoyens qui y habitent, et pour lesquels on ne prévoit aucun régime d’indemnisation. En outre, les excavations détruisent souvent l’environnement des zones limitrophes, avec bien sûr des conséquences négatives irréversibles sur les activités économiques – et donc, la vie – des habitants [2]. Amnesty International a rédigé un rapport [3] sur les désastres environnementaux et sociaux causés par les compagnies pétrolières (principalement la Shell, à coté de la NNPC), mais le gouvernement nigérian n’a jamais réagi. Cette situation a crée une grande instabilité dans les régions riches de pétroles, qui a souvent dégénéré en très graves émeutes [4].

À coté des violations du fondamental droit de propriété, cette situation mortifie les potentialités du même pétrolier lui-même et, en même temps, forme un cadre très déprimant pour toute l’initiative privée.

Quelle réforme ?

C’est dans ce cadre que le Président Goodluck Jonathan a proposé la suppression des subventions, pour contenir la dépense publique et avec l’objectif de créer un fond ad hoc pour le développement économique. L’opposition a tôt fait de dénoncer une simple manœuvre politique, en l’attaquant sur deux fronts : d’une coté, en disant que la suppression des subventions aura des effets dévastateurs sur le coût des carburants pour les citoyens ; d’une autre coté, en voyant que l’hypothèse de ce « fond pour le développement » serait l’excuse pour créer un autre organe d’État, source de gaspillages. Dans le débat est intervenue la Banque Mondiale, qui a appuyé de manière partielle la position présidentielle : la BM a principalement suggéré de supprimer ces subventions (mais graduellement), de travailler sur le développement du système d’infrastructures et d’ouvrir réellement le secteur au privé pour attirer plus efficacement les investisseurs étrangers.

Mais pour commencer à résoudre les problèmes il ne faudra pas seulement privatiser, mais d’abord créer le climat idéal pour le faire. Et dans un pays où la propriété privée – à plusieurs niveaux – n’est pas protégée mais, au contraire, sans cesse violée, il faut drastiquement réélaborer le cadre juridique. L’influence de l’État dans l’économie doit être recalculée à partir de la disposition constitutionnelle sur les ressources naturelles : il faut travailler pour la création d’un système efficient de protection des droits de propriété et d’un régime de responsabilité, pour défendre les droits et les activités des particuliers contre des dommages causés par les tiers.

C’est seulement avec cette « révolution » que le Nigéria pourra créer des bases solides pour commencer un processus de privatisation sans distorsions, qui, à son tour, permettra de tirer le développement.

—-
Sur le web

Notes : [note][1] La JV principale est avec la Royal Dutch Shell, suivent Chevron, Agip et ExxonMobil.

[2] Du point de vue quantitatif, la Heritage Foundation donne au Nigéria une note de 30 sur 100 concernant le niveau de protection des droits de propriété.

[3] Cfr. http://www.amnesty.org/en/region/Nigéria

[4] Par ex., cette crise de la « propriété » a été reconnue comme une des causes de la grave crise du delta du Niger, commencée en 1992. [/note]

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  • Giuliano, je pense que vous vous contredisez vous même. dabord il n y a pas eu 20 ans de guerre civile, mais 3 ans de guerre civile. deuxième chose, nous savons qui était à l orginie de cette guerre. il suivi que vous alliez sur Wikipedia et dire BIAFFRA pour voir des énémies externes à la Guerre du Biaffra. seconde chose, la corruption au Nigeria est due en grande partie à des multinationales tel Halliburton qui verse les pôts de vin pour avoir des contrats. Dick Cheney, ancien Vice président des Etats Unis d Amériques a été reconnu coupable de corruption par une haute juridiction à Abuja, au Nigeria.
    lorsqu on ne sait rien d un pays, on s informe et ne pas recopier tout ce qu on te dit dans la presse occidentale. je vous remercie.
    si vous voulez, on peut avoir un debat sur ce thème: guerre de Biaffra.
    mail: edouarsen@yahoo.fr

    • Bien entendu, pour la corruption, il faut un corrupteur et un corrompu. Notons tout de même que les sociétés de service que vous accusez, telles Halliburton, Schlumberger, Baker Hughes, sont actives partout où il y a du pétrole. Or, le niveau d corruption est rarement aussi grave qu’au Nigéria, et même parfois bien moindre comme en Norvège, en Ecosse, aux Pays-Bas, au Texas (j’ai dit moindre, pas inexistant).

      Je ne dis surtout pas ça pour innocenter ces sociétés, mais ça n’empêche pas de réfléchir à des causes nigérianes de la corruption aussi. Ou gabonaises.

  • Au premier commentaire:

    Monsieur, merci pour vos observations. Concernant la première, je n’ai pas dit (ou je n’avais pas l’intention de dire) que le pays a eu 20 ans de guerre civile, MAIS que ses premier 20 annés d’indépendance ont étés très turbulentes, dont la guerre du Biafra (avec une « F » en français), les conséquences du recensement du 1973 et les coups d’état de 1975 et de 1976.

    Désolé, mais je n’ai pas l’intention d’utiliser Wikipedia comme source (je préfère les livres universitaires, dans ce cas un texte d’un prof. de l’université de Bologna). Merci en tous cas pour votre suggestion.

    Sur vos autres observations : le centre d’attention principal de l’article porte les problèmes du cadre économique-institutionnel du Nigeria et les besoins de réforme de celui-là. Votre critique tend, je pense, à être à côté du thème que j’ai tenté de développer.

    Merci d’avoir lu l’article et pour votre commentaire.

  • Bonjour,

    Je voudrais savoir s’il était possble de connaitre des informations sur l’auteur du dessin « l’or noi » où l’on voit un homme portant une arme puisque je doit réaliser un exposé sur l’exportation du pétrole nigérian.

    Merci d’avance pour vos précisions.

    Email : florian4207@gmail.com

  • Le Problème avec Vous, c est que votre regard sur le Nigeria est une regard occidental. c est à dire un regard pré conçu avec une mentalité que labà tout est pourri et que l Homme a l incapacité de faire bouger les choses.
    vous dites « je préfère les Livres universitaires,.. » vous ne saviez Qui Suis Je et quel Niveau d Etudes que j ai.Ainsi, je préfère le garder pour moi.
    Cependant, je pourrais bien vous faire un Cours sur les tenant et aboutissant des réalités Historiques, Politiques, économiques, Sociales et culturelles du Nigeria si vous le souhaitez. mais elle sont payantes, mes connaissances.
    Votre façon de penser me rappelle une histoire que j ai Lu dans le lesechos.fr . L histoire était une femme Norvégienne, qui devait aller faire 10 jours de vacances au Kenya, pays plutôt touristique. le regard qu elle avait sur l Afrique en générale et le Kenya en Particulier était que ces pays sont tous les mêmes, pourri, extrêmement pauvre, sans éducation, famine, etc etc. en partant pour le Kenya, est venu le CHOC. en descendant de l aeroport , elle voit les gens bien portant, bien habillés, parlant un excellent Anglais, ayant un visage joyeux. les jours après, elle voit plusieurs filles et garçons allées en boite, avec son air d étonnement, elle se demandait, mais qu est ce qu on nous raconte bien dans nos livres universitaires et médias sur l Afrique? cette pétite histoire recadre mieux ce que je pense de vous.

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