Lessons for the Young Economist

Ce livre de Robert P. Murphy est l’occasion rêvée de s’initier (ou d’initier un proche) à la science économique et à ses lois fondamentales

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Lessons for the Young Economist

Publié le 23 septembre 2011
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Marre de voir les prix grimper ou s’effondrer sans comprendre pourquoi ? Fatigué d’entendre des chroniques économiques au langage hermétique à la radio ? Angoissé à l’idée de devoir tenter de comprendre quelque chose au cours d’économie crypto-mathématico-keynésienne à la fac ? Énervé par votre ado rebelle qui rêve d’un monde meilleur sans argent, sans méchant capitaliste et tout plein de « tousssensemble » ? Alors pas de doute, Lessons for the Young Economist est fait pour vous !

Robert P. Murphy, Lessons for the Young Economist, Ludwig von Mises Institute, 2010.

Par Aurélien Biteau

Écrit par l’économiste « autrichien » Robert P. Murphy et édité par le Ludwig von Mises Institute (LvMI) dans un format très confortable, ce livre est l’occasion rêvée de s’initier (ou d’initier un proche) à la science économique et à ses lois fondamentales. Vous y découvrirez ce que signifie penser comme un économiste, les types de questions que la science économique peut aider à expliquer, pourquoi il est important pour quiconque de maîtriser les bases de ses mécanismes. N’ayez aucune crainte de l’anglais, il n’est pas nécessaire d’avoir un bon niveau pour achever sans souci de compréhension ce livre.

Pour cause, ce livre est d’abord destiné aux jeunes lecteurs et aux adolescents, ce qui explique le niveau de langue. Mais « jeune économiste » ne signifie pas seulement économiste jeune, l’expression peut aussi signifier économiste débutant. Là réside l’intérêt de Lessons for the Young Economist : ce livre est incroyablement pédagogique et clair. Composé de 23 leçons réparties en quatre parties bien pensées qui abordent tour à tour les fondements de la science économique, l’économie de marché, l’économie socialiste et l’économie mixte, et doté de glossaires reprenant le vocabulaire de chaque leçon à la fin de celles-ci, il permet de saisir rapidement les grands enjeux des questions économiques et les liens logiques entre les phénomènes, tout en favorisant le développement de l’esprit économique.

Tâchons de voir de plus près le contenu du livre. Comme annoncé, il est divisé en quatre parties.

Les fondements de la science économique

Robert P. Murphy commence bien sûr par le début : la première partie aborde donc les fondements de la science économique : pourquoi l’étudier ? Qu’est-ce qui justifie de l’appeler « science » ? Comment sont développés les principes économiques ?

Murphy rappelle d’abord à quel point il est important de maîtriser les bases en économie pour sa propre éducation. De même qu’il est capital de savoir compter et calculer, lire et analyser des textes, écrire et rendre des comptes, et connaître l’histoire pour comprendre le présent, maîtriser les principes de base de la science économique peut s’avérer être d’une grande utilité pour nous tous, ne serait-ce qu’en tant que citoyens qui devons voter pour des politiciens prêts à nous berner. Comme le dit si bien Murphy :

« The economic perspective is not useful in every situation. On the soccer field or at the prom, the lessons in this book will not prove as relevant. But in your life you will encounter many situations of critical importance when your decisions will need to be informed by sound economics. It is not necessary for everyone to become an economist. It is important for everyone to learn how to think like an economist. »

Mais qu’est-ce que la science économique ? Bien qu’elle ait beaucoup à dire sur ce sujet, elle n’est pas la science qui étudie la monnaie, contrairement à ce que pensent de nombreuses personnes. En vérité, les frontières de l’économie sont beaucoup plus larges : on pourrait la définir comme la science qui étudie les échanges. Mais les échanges de toutes sortes, et pas seulement les échanges monnayés, ni même seulement les échanges de biens. Ainsi les échanges de services ou encore les échanges réalisés par le troc s’intègrent très bien à la science économique.

Le point commun entre tous les échanges étudiés par la science économique, c’est la rareté. Alors que les ressources sont limitées, les désirs des hommes sont infinis. Même l’homme le plus riche du monde doit faire des choix et des compromis pour satisfaire ses désirs : il ne peut pas littéralement faire tout ce qu’il veut. Par exemple, s’il décide d’emmener sa femme au restaurant, il réduit ses possibilités (certes, très faiblement) d’acheter d’autres choses dans le futur.

La question centrale à laquelle permet donc de répondre la science économique est la suivante : nous qui constituons une société, comment devons-nous décider de produire, et quels biens et services devons-nous produire, avec les ressources limitées dont nous disposons ?

Il convient de réfléchir sur la méthodologie employée en science économique. Il existe une différence fondamentale entre la science économique (et avec elle les autres sciences sociales) et les sciences naturelles. Alors que les sciences naturelles s’intéressent aux interactions nécessaires d’objets dépourvus de conscience, les sciences sociales s’intéressent aux actions de personnes douées de conscience et de raison. L’action de celles-ci tend vers un but déterminé.

Dès lors, les sciences sociales ne peuvent pas, au contraire des sciences naturelles, reposer sur des expériences. L’idée qu’il faudrait employer la même méthodologie dans les sciences sociales que dans les sciences naturelles qui ont pu faire leurs preuves est une idée fausse. La très grande complexité des relations en jeu dans les sciences sociales, due précisément au fait que ces relations sont la conséquence d’actions réfléchies, empêchent toute expérience d’être valide.

En économie, les faits passés sont tenus par des corrélations. Il ne suffit pas de les observer pour en déduire un lien de causalité. Aucun test sur des variables n’est permis là où il est impossible que toutes choses soient par ailleurs égales. En vérité, l’économiste qui prétendrait trouver des liens de causalité par la simple observation des faits ne ferait qu’avancer ses propres préjugés sans rien démontrer, et ne serait donc pas véritablement un économiste. L’économie doit passer par d’autres voies que la méthode expérimentale pour découvrir des lois.

Alors quelle méthode adopter ? Murphy nous fait remarquer que l’économiste se trouve être une personne elle aussi douée de conscience et de raison : lui aussi agit en cherchant à réaliser des buts. C’est peut-être là la seule expérience certaine qui importe en science économique. Puisque l’économiste fait l’expérience immédiate de sa personne qui agit en fonction de buts, il lui suffit de penser d’autres personnes qui, comme lui, agissent en fonction de buts pour découvrir les implications logiques que cela peut avoir avec la rareté des ressources. Tout le savoir économique est déduit de cet axiome : plusieurs personnes douées de conscience et de raison agissent en fonction de buts qu’elles se sont données dans un monde où les ressources sont limitées. Dans un sens, la méthode qui a cours en science économique est la même que celle de la géométrie. Sauf que ce qui assure que l’axiome de départ de la science économique est vrai, c’est que l’économiste, ou toute personne qui pense l’économie, fait spontanément et immédiatement l’expérience de ce que décrit cet axiome qui est ainsi vérifié.

Au cœur de la science économique se trouve donc l’action humaine. Seuls les individus agissent. Le langage permet parfois des raccourcis : « Le Japon a attaqué les Etats-Unis en 1941 ». En vérité, ce n’est pas le Japon qui a agit, ce sont les soldats japonais qui ont lancé l’assaut contre des soldats américains. Ou encore « Staline a occupé l’Allemagne de l’Est » : en réalité Staline a donné des ordres à des subordonnés qui ont donné des ordres à des soldats qui ont occupé l’Allemagne de l’Est. Cette phrase recouvre une très grande quantité d’acteurs !

Si les individus ont des désirs infinis, aucune action ne peut permettre de les réaliser tous en même temps. Il est donc évident que les individus ont des préférences. Si les individus agissent tel qu’ils agissent, c’est parce qu’ils préfèrent agir ainsi plutôt qu’autrement. Par exemple, si Bill boit un soda parce qu’il a soif, on peut dire que Bill préfère ne pas avoir soif.

Constatons que si Bill boit un soda pour résorber sa soif, c’est aussi parce qu’il croit lui-même qu’une telle action peut lui permettre de réaliser son but. Si ne sachant pas ce qu’est un soda, il était tombé dessus par hasard, il ne l’aurait jamais bu même si son but fut de résorber sa soif. Peut-être aurait-il pris la canette pour réaliser un autre but, comme jouer de la musique. En philosophie, on dit que Bill utilise des moyens pour parvenir à ses fins. En économie, on préférera dire que Bill utilise des biens et des services pour satisfaire ses préférences.

De même que l’action humaine est individuelle, les préférences sont subjectives. Elles dépendent de la personne seule. Même si Staline impose ses préférences à ses soldats, l’action des soldats (obéir) est motivée par leur propre préférence : éviter toute sorte de désagréments.

Les préférences sont hiérarchisées entre elles, mais n’ont aucune unité de mesure objective. On peut déterminer si la préférence « résorber sa soif » est première ou seconde sur la préférence « résorber sa faim » chez Bill. Mais on ne peut pas dire que la préférence « résorber sa soif » vaut 10 et celle « résorber sa faim » 2. Contrairement à ce que l’on peut (mal) apprendre dans les mauvaises classes, aucune fonction d’utilité n’existe. Ce concept n’a aucun sens en économie. Les préférences ne se mesurent pas, elles se hiérarchisent.

Afin d’établir une hiérarchie, Bill peut parfois donner une valeur à ses préférences. Il peut par exemple dire que sur une échelle de dix, « résorber sa soif » vaut 10 et « résorber sa faim » vaut 2. Mais que peut en tirer l’économiste ? Si Marie dit que sur une échelle de 10 elle place ces préférences respectivement à 6 et à 1, peut-on pour autant dire que Bill veut plus résorber sa soif que Marie ? Absolument pas, puisqu’il n’existe aucune mesure objective des préférences. Il est donc idiot de chercher à « maximiser des utilités », puisque rien de tel n’est mesurable.

Terminons-en avec les fondements de la science économique. Afin d’établir les lois économiques ayant cours dans les sociétés, il est important de comprendre ce que l’action humaine implique comme concepts dans un monde aux ressources limitées. Pour cela, l’économiste fait l’hypothèse d’un homme vivant absolument seul dans un tel monde, comme Robinson Crusoé.

On appelle biens les choses utilisées par Robinson pour satisfaire ses buts. Les choses qui satisfont directement ses buts s’appellent biens de consommation. Les biens qu’il utilise de façon indirecte pour réaliser ses préférences s’appellent facteurs de production. Parmi ceux-ci, on distingue entre les objets naturels, appelés ressources naturelles ou nature, et les efforts productifs de Robinson appelés travail. On trouve enfin les capitaux, qui sont des facteurs de production résultant de la combinaison de travail, de ressources naturelles, et d’autres capitaux.

Le revenu est le flux de nouveaux biens de consommation que Robinson acquière durant une période donnée. L’épargne est la différence entre le revenu et les biens consommés. L’investissement est l’utilisation de biens dans la production de revenus futurs plutôt que dans la consommation immédiate.

Murphy détaille ces différentes définitions au fur et à mesure de l’évolution de son personnage. Ces concepts sont les concepts centraux de la science économique. On les retrouve toujours, quelque soit la doctrine envisagée (capitalisme, socialisme, interventionnisme).

Maintenant que les fondements de l’économie sont compris, Murphy peut nous faire entrer dans le dur du sujet.

Laissons Robinson quitter son île et revenir dans la société. Un problème immédiat se pose : qu’est-ce qu’il se passe lorsque deux personnes veulent se servir d’un même bien pour satisfaire des buts différents ? Le fait économique de la rareté conduit nécessairement à des conflits. C’est pourquoi différents types d’institutions peuvent être pensés pour prévenir ces conflits : la propriété privée qui débouche sur l’économie de marché ; un gouvernement possédant tous les facteurs de production qui mène à l’économie socialiste (du moins appelée « socialiste » par Murphy) ; ou encore un gouvernement qui interfère activement dans l’économie de marché et qui a pour conséquence l’économie mixte.

L’économie de marché

L’économie de marché est fondée sur l’institution de la propriété privée. Le propriétaire d’un bien détient l’autorité légale pour décider comment ce bien doit être utilisé. L’esclavage, qui est la possession légale par un individu du corps d’un autre, est exclu de l’économie de marché : tous les individus, capables de l’action humaine, sont libres d’utiliser leurs forces, leur corps, leurs idées de la manière qu’ils le souhaitent, comme s’ils en étaient propriétaires.

Murphy rappelle qu’il n’existe aucune économie dans le monde qui soit purement fondée sur la seule propriété privée : dans presque tous les pays, on trouve un gouvernement ou bien un secteur public. Mais il entend bien traiter le cas d’une pure économie de marché. L’intérêt est d’établir les lois propres au fonctionnement du marché, afin de comprendre plus tard quelles sont les conséquences des interventions du gouvernement dans l’économie mixte (type d’économie le plus répandu au monde).

Le marché n’est pas une entité qui pense et agit. Le marché n’est qu’un concept descriptif qui réfère au réseau de tous les échanges que peuvent faire des individus avec leurs propriétés.

Mais pourquoi les individus font-ils des échanges entre eux ? On a vu que les individus agissent en fonction de préférences et que dans l’économie de marché, nul n’est contraint par les autres à agir. Tout échange résulte donc des préférences des individus. Si deux personnes décident d’échanger des biens qu’elles possèdent, c’est parce qu’elles préfèrent le faire. En un mot : elles attribuent personnellement plus de valeur au bien obtenu qu’au bien échangé. Elles sont toutes les deux gagnantes à l’échange.

Tout échange détermine un prix. Un prix est un ratio des unités de biens échangés. Par exemple, si Bill échange une banane contre deux canettes de soda avec Marie, on peut dire que le prix payé par Bill pour les deux cannettes de soda est 1 banane, et inversement, le prix payé par Marie pour la banane est 2 cannettes de soda. Cela est très simple à comprendre lorsque l’échange n’implique que deux personnes. Les choses se compliquent lorsqu’interviennent trois acteurs, et pire encore quand il s’agit de millions de personnes. Cependant le principe reste exactement le même. Ce n’est pas parce que multiplier des milliards est plus difficile que multiplier deux par deux que le principe de la multiplication change dans les grands ordres de grandeur.

Tous les acteurs d’un échange ont des préférences hiérarchisées. La façon dont s’effectue l’échange est déterminé par toutes ces préférences, chaque acteur cherchant à réaliser sa préférences la mieux classée dans sa hiérarchie. Et à défaut de pouvoir réaliser la toute première préférence, un individu cherche toujours à réaliser sa préférence la plus haute parmi celles qu’il est possible de réaliser en fonction des préférences (et donc des actions) des autres. Si finalement aucune préférence supérieure à la préférence « conserver son bien » ne peut être réalisée, alors l’acteur sort du marché et ne réalise aucun échange.

Le prix d’équilibre du marché est atteint lorsqu’il est impossible pour tous les acteurs d’atteindre une meilleure situation que celle obtenue à ce prix. Dès lors, les acteurs n’ayant pas trouvé leurs comptes à ce prix parce que leurs préférences sont autres sortent du marché.

Bien sûr l’économie est en perpétuel changement parce que les préférences changent sans cesse et évoluent en fonction des contextes qui se présentent. Mais cela ne change rien à ce fait : tout échange sur un marché rend au mieux gagnants les acteurs qui y prennent part, au pire les laisse au même niveau de satisfaction.

Murphy emploie de nombreux tableaux avec des exemples très simples pour illustrer ce principe tout à fait logique.

Les prix sont l’élément clé du marché. Ils permettent la coordination de tous les acteurs, qui poursuivent pourtant des buts différents, et un usage optimal des ressources disponibles.

Ce qui vient ici d’être rappeler est le fondement-même de l’économie de marché. Tout ce qui peut y être étudié ensuite fonctionne sur ce même mécanisme, qu’il s’agisse de la monnaie et des relations offre/demande qu’elle détermine, de la division du travail, des intérêts et des dettes, ou des profits et des pertes des entrepreneurs, que Murphy aborde par la suite.

L’économie socialiste

De même que Murphy a étudié la pure économie de marché, fondée seulement sur la propriété privée, il envisage dans la troisième partie de son livre d’étudier la pure économie socialiste. Dans une telle économie, le gouvernement possède toutes les ressources et prend toutes les décisions. Peu importe pour l’économiste sur quoi se fondent les décisions du gouvernement : celui-ci peut décider de chercher sa propre satisfaction ou de réaliser celle des travailleurs qu’il prétend connaître, il peut être méchant ou alors avoir les meilleures intentions possibles. Peu importe la façon dont a été déterminé le gouvernement, que ce soit par voie démocratique ou par un coup d’Etat. Ce qui importe pour l’économiste, c’est que ce soit le gouvernement qui assigne les rôles des travailleurs et donnent des ordres aux usines et aux fermes.

Le premier problème auquel doit se confronter l’économie socialiste est un problème d’incitation. Si l’on devait appliquer le slogan marxiste « de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins », les incitations à produire seraient affaiblies, tandis que les incitations à consommer seraient augmentées (rappelez-vous, les désirs des hommes sont infinis).

Dans l’économie socialiste, les individus ne travaillent pas pour leur compte. Ils travaillent pour une caisse commune détenue par le gouvernement qui décide de quoi il faut la remplir et comment elle doit être consommée. Si les individus ne peuvent profiter directement des fruits de leur travail, et à l’inverse, si les individus reçoivent quelque chose de la caisse commune sur la base de leurs besoins et non de leur travail, alors il est évidemment plus intéressant pour eux de travailler le moins possible et d’avoir le maximum de besoins à satisfaire. D’où un effondrement de la production au profit d’un accroissement inconsidéré de la consommation, eu égard aux ressources disponibles.

Puisque ce que les individus consomment n’est pas en relation avec ce qu’ils produisent, qui se porterait volontaire pour réaliser les tâches ingrates ? On peut bien imaginer que des individus acceptent de réaliser volontairement de telles tâches, mais rien ne permet d’affirmer qu’il y en aura un nombre suffisant et que le travail sera de qualité. Dans une économie de marché, le prix du travail est une incitation à réaliser des tâches correctement, prix qui s’adapte aux variations de la demande et de l’offre. Mais rien de tel n’existe dans une économie socialiste. On pourrait imaginer deux socialistes se faire des promesses : « je nettoie tes poubelles si tu me soignes. » Mais cela, c’est un échange marchand, doté d’un prix !

L’emploi de la force et de la contrainte peut être une solution. Remarquons d’ailleurs qu’elle a été la solution employée par les régimes socialistes qu’a connu l’histoire – ce qui ne doit rien au hasard. Mais la force est à l’opposé d’une coopération volontaire des travailleurs, qui ont d’ailleurs plus à y gagner à faire s’effondrer un tel régime qu’à l’aider à s’accomplir. La force n’a jamais sauvé le moindre régime socialiste de la ruine.

L’autre grand problème de l’économie socialiste est un problème de calcul économique. Même la promesse d’un homme nouveau porté par le socialisme, capable de produire en grande quantité et dépourvu de tout intérêt personnel n’empêche pas le socialisme d’échouer. Il n’y a aucun marché et donc aucun échange dans une économie socialiste. Mais sans les prix qui permettent aux individus de planifier leurs actions, leur niveau de production, de consommation ou d’investissement, le gouvernement socialiste ne dispose d’aucune information sur les coûts de ses projets. En planifiant, il ne peut pas savoir s’il fait un bon ou un mauvais usage des ressources dont il dispose. En un mot : il planifie à l’aveugle. Le gouvernement pourra planifier les moyens technologiques qu’il devra employer pour son action. Il pourra étudier la faisabilité de ses projets. Mais en aucun cas, il ne pourra planifier et prévoir les coûts et les gains que lui rapportera son action.

On pourrait croire que pour résoudre ce problème, il suffirait d’employer des systèmes de vote un peu complexes ou bien de judicieuses statistiques pour déterminer les besoins de chaque foyer, afin d’établir le nombre de produits nécessaires, puis le nombre de travailleurs qu’il faudra employer pour cette production, puis le nombres de spécialistes utiles à l’élaboration des techniques de travail et de la quantité d’heures de travail, puis le nombre de travailleurs nécessaires à la coordination des différents secteurs de travail, puis le nombre de fonctionnaire nécessaires à la diffusion et à la bonne tenue du plan, etc, travail humainement impossible de toute façon. Mais ce serait ignorer précisément le problème inhérent à l’économie socialiste : le gouvernement ne peut même pas organiser correctement de tels votes ou de telles recherches statistiques puisque toutes ses actions ont un coût qu’il ignore.

Ainsi l’économie socialiste ne peut en aucun cas prétendre améliorer la situation des personnes et satisfaire leurs préférences. Les exemples historiques montrent assez qu’aucun homme nouveau n’est apparu, qu’aucun gouvernement socialiste n’a pu se retenir d’employer la force et qu’aucun régime socialiste n’est parvenu à satisfaire les besoins des populations.

L’économie mixte

Finissons cette présentation de Lessons for the Young Economist avec l’économie mixte. En économie mixte, le gouvernement n’abolit pas complètement la propriété privée. Mais il se donne pour but de réguler le marché par des réglementations, des impôts, des taxes ou encore des politiques budgétaires et des politiques monétaires, et toute sorte de mesures prétendument correctives afin d’en éliminer les « excès ».

Prenons un exemple. Lorsque le gouvernement intervient sur les prix du marché, il prétend protéger les plus faibles, améliorer leur situation et améliorer l’offre disponible. Mais en réalité, le raisonnement économique prouve qu’il empêche nécessairement les acteurs du marché de se rencontrer. Un prix minimal comme le SMIC sort du marché tous les individus prêts à travailler à un prix inférieur et tous ceux n’étant pas prêts à payer plus en salaire : cela provoque du chômage. Un prix maximal comme un plafond pour les loyers sort du marché les individus prêts à louer leur logement à un prix supérieur et raréfie l’offre. Quant au pur contrôle des prix, déterminés par le gouvernement lui-même, il chasse tous les producteurs insatisfaits par ces prix et qui ne peuvent s’y adapter, ce qui provoque un effondrement de l’offre. C’est d’autant plus dramatique que le contrôle des prix est invoqué dans les situations de pénurie (« Cendres volcaniques et rapacité des spéculateurs »).

Ce que ne comprend pas le gouvernement, c’est que si des individus n’avaient aucun intérêt à accepter des salaires plus bas ou des loyers plus hauts, ils sortiraient d’eux-mêmes du marché, comme on l’a vu tout à l’heure. De fait, toute intervention sur les prix est, ou bien inutile parce que pour de tels prix, les acteurs n’échangeaient déjà pas eux-mêmes, ou bien néfaste parce qu’elle interdit à des individus prêts à échanger à le faire au prix qu’ils le souhaitent.

Murphy entreprend d’expliquer les conséquences logiques de toutes les autres sortes d’intervention du gouvernement : taxes sur la consommation, impôt sur le revenu, tarifs douaniers, monopoles publics, prohibition, inflation ou dette publique. Il serait trop long de les reprendre, et un sens, il suffit de regarder l’actualité pour en voir les désastres et de lire Contrepoints pour obtenir des explications théoriques justes.

La toute dernière leçon du livre aborde le plus grand enseignement de l’économie autrichienne : les cycles économiques sont considérablement amplifiés par le gouvernement, qui, en plus de cela, aggrave leurs conséquences en cherchant à empêcher à tout prix les individus, par leurs succès et leurs échecs, à corriger les dérégulations qu’il a provoquées. Toute ressemblance avec la dernière crise financière n’est que pure coïncidence.

Lessons for the Young Economist a l’avantage de la clarté. Les exemples sont faciles à comprendre et rendent directement intelligibles les théories avancées. Si von Mises ou Rothbard vous semblent trop difficiles à lire, n’hésitez à faire confiance à ce livre. Cependant, les avantages du livre sont aussi ses défauts : dépourvu du moindre exposé d’histoire de la pensée économique et donc de la moindre approche dialectique, il pourra s’avérer nécessaire de compléter cette lecture par d’autres livres comme, pourquoi pas, 39 leçons d’économie contemporaine de Philippe Simmonot.

Note :

Pour éviter de lourds frais de port, il est possible d’acheter le livre dans sa version numérique sur le LvMI à un prix dérisoire.

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  • Dans l’ensemble, je suis d’accord avec vous.
    Mais je bute sur un raisonnement: «  » si les individus n’avaient aucun intérêt à accepter des salaires plus bas ils sortiraient d’eux mêmes du marché ».
    Mlaheureusement la réalité est un petit peu différente.
    Comment faire face à un employeur qui face à une offre de travail conséquente, tirerait les rémunérations le plus bas possible? Si je tente de négocier ma rémunération, cette tentation sera vaine, puisque d’autre personnes seront prêtes à travailler pour ce salaire. Et comme vous l’expliquez très bien, mes besoins alimentaires, vestimentaires, domiciliaires se feront de plus en plus pressant, et insatisfaits. La je bloque…

    • C’est une question classique mais qui n’a pas de sens, en réalité.
      On peut le formuler de différente façon toutes équivalentes.

      * qui êtes vous pour juger autrui ? L’employeur n’a-t-il pas autant le droit de juger que vous exigez trop que vous même pouvez en avoir de juger qu’il offre trop peu ? qui saura qui a raison de vous deux ?

      * pourquoi vous plaindre de cet employeur hypothétique plus que des autres, qui offrent encore moins, comme votre voisin par exemple (qui lui ne propose même pas un travail du tout, c’est à dire qu’il propose 0 comme rémunération) ?

      * vous oubliez que vous-même êtes potentiellement votre propre employeur. Soit vous pouvez vous offrir plus que tout autre employeur, et juste faites le ; soit vous ne pouvez pas, c’est à dire qu’il existe au moins un employeur qui offre plus, et même si il offre peu vous faites une bonne affaire en bossant pour lui, donc de quoi vous plaignez vous, au juste ?

      * on ne peut pas comparer les « besoins », qui sont illimités, aux ressources, qui sont limitées. Vous ne pouvez comparer que les différents usages que vous pouvez faire de vos ressources (dont votre force de travail, votre temps etc.). Si vos besoins ne sont pas couvert, vous êtes mort, et ça arrivera tôt ou tard. Si vos « besoins » peuvent être réduit sans que ça vous tue, vous avez à arbitrer entre leur satisfaction et celle du travail que ça réclame (directement en faisant le travail vous même ou par un intermédiaire qui vous offrira des choses en échange de votre travail)

      * de deux choses l’une : soit l’employeur en question vit raisonnablement en vous versant la rémunération de misère de votre hypothèse : c’est qu’il ne peut pas faire mieux et si vous exigez plus, l’affaire ne se fera pas, il ferme boutique. Soit cet employeur se dore la pilule avec des profits monstrueux : alors c’est qu’il y a de la place pour un concurrent qui offrirait de verser un peu plus tout en se faisant un bénéfice encore bien suffisant. A vous de le trouver, voire de le devenir, ce concurrent, si nécessaire avec des associés.

      • Permettez moi d’ajouter quelque chose à tout ce que vous dites :

        Dans une économie de marché, le capital ne cesse de s’accumuler de façon exponentielle. Plus les capitaux augmentent, plus la demande de travail augmentent, et donc plus l’offre de travail est rare. Conséquence : les salaires augmentent.

        Je ne sais plus dans quel texte Bastiat disait que pour améliorer le sort des classes les plus pauvres, il fallait faire en sorte non pas que deux ouvriers courent après un patron, mais que deux patrons courent après un ouvrier.

    • Solution simple : la coalition des travailleurs

      Syndiquez vous. Les syndicats annoncent aux patrons que leurs adhérents refuseront de travailler en dessous d’un montant donné. Si ce montant est supportable pour le patron vous l’obtiendrez très probablement (parce qu’il vaut mieux renoncer à un peu de bénéfices en augmentant les salaires plutôt que de n’avoir aucun bénéfices du tout faute d’activité). Si ce montant n’est pas supportable, et bien le travail en question n’aura jamais lieu, parce que le coût pour les individus n’est pas compensé par le produit créé en retour.

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