Que faut-il penser de la polémique concernant les déclarations de Lionnel Luca, député UMP, et l’édition du Canard Enchaîné du 7 septembre consacrée au passé de son père.
Par Aurélien Véron
Le canard Enchainé a révélé dans son édition du 7 septembre que le père de Lionnel Luca s’était engagé dans la « garde de fer », la fameuse légion roumaine dont s’est inspiré Lionnel Luca sur le perron de l’Élysée lorsqu’il a déclamé : « La droite populaire est la garde de fer de l’UMP ». Je ne peux qu’être surpris de ne pas entendre les journalistes creuser et apporter des documents attestant ces faits. En attendant, Lionnel Luca a assuré une communication sur la question totalement contraire à ce que raconte le Canard Enchainé. Qui a raison ? En 1940, le père du député avait 15 ans. Son engagement était donc, s’il a eu lieu, celui d’un adolescent pris dans le tourbillon de la guerre.
Quoi qu’ait pensé son père, quoi qu’ait fait son père, Lionnel Luca ne peut en être tenu responsable. Mais à partir du moment où ce député UMP reprend le label « Garde de fer » pour en faire un élément de communication, il s’associe à l’histoire de cette légion d’assassins antisémites. Il est vrai que l’accusation est grave, j’espère que le canard Enchainé dispose d’éléments convaincants avant d’en avoir fait le point clef de sa tribune « Le barde de fer » couvrant une demie page, soit 1/16eme de l’ensemble du journal.
Pour info, la Revue Parlementaire indique :
En particulier à un père roumain à l’histoire aussi incroyable que mouvementée, qui après avoir quitté la Roumanie pour travailler « légalement en France dans les années 1930 » précise-t-il, fuit le régime nazi en 1942 pour se réfugier en Roumanie d’où il repart en 1946 après l’invasion soviétique. Ce père qui s’engage dans la Légion étrangère, fait l’Indochine, sort sergent-chef avant de devenir ajusteur et qui n’est naturalisé Français qu’en 1958, lui tient de mentor politique. « Pour mon père, le personnage sacré c’était De Gaulle. » À table, les débats tournent constamment autour de la politique contre l’incapacité du régime de la IVème République, contre la « fourberie et la supercherie du système communiste. »
Sur le site Wikipédia, à la page de Lionnel Luca, la garde de fer suspecte même son père d’être communiste, il doit fuir :
Son père, roumain, né en 1925, suit ses parents qui sont travailleurs immigrés en France dans les années 30. Il retourne en Roumanie en 1941 avec eux pendant la 2ème guerre mondiale. Ouvrier, suspect de sympathie communiste, il est interpelé par la garde de fer. L’évolution du régime roumain, contrôlé par l’armée rouge, déçoit ses espoirs et pour pouvoir revenir en France, il s’engage dans la Légion étrangère en 1946, et sert en Indochine.
Pour terminer, Lionnel Lucca sort les griffes et répond au canard Enchaîné :
D’origine Roumaine, mon père a servi la France en Indochine de 1946 à 1952, comme Sergent Chef de la Légion Étrangère. C’est dire s’il est particulièrement malhonnête, de vouloir m’attribuer un père « Légionnaire » du mouvement fasciste Roumain de la garde de fer durant la seconde guerre mondiale lorsqu’il était encore mineur et suspect de sympathies communistes. Cette mise au point faite, quiconque désormais salira l’action de mon père pour mieux me dénigrer en rendra compte devant les tribunaux.
Si le canard Enchaîné s’est planté, cela exigera des excuses publiques de sa part. Mais que le père de Lionnel Luca ait fait ces bêtises pendant la guerre ou non, la reprise du terme « garde de fer » sur le perron de l’Élysée mérite une mise au point sérieuse. Un responsable politique ne balance pas ce genre d’affirmation sans raison. S’il s’agit d’un lapsus, il est gravement révélateur. S’il s’agit d’un « élément de langage » de la droite populaire, pourrions-nous avoir des précisions sur les perspectives qu’elle nous propose dans ce sillage ?
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Sur le web
Je signale que sur le site Wikipédia de Lionnel Luca, le texte a été modifié le 10 septembre par un inconnu (IP 83.201.27.15). Voici la version antérieure :
Lionnel Luca naît à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) de parents ouvriers. Son père, roumain, s’installe en France pour fuir le régime [[Charles II de Roumanie|carliste]] de [[Royaume de Roumanie|son pays]], qui réprime les »[[Garde de Fer|Légionnaires]] » (Garde de fer). Il retourne en Roumanie lorsque les »Légionnaires » y prennent le pouvoir, en octobre [[1940]], mais il est interné en janvier [[1941]] par le régime d’[[Ion Antonescu]] (que les »Légionnaires » avaient essayé de renverser) et revient en France en [[1946]], pour échapper au [[République socialiste de Roumanie|régime communiste]]Nicolae Niţă: »Biografii legionare » et »Însemnări pe răboj », Editura Mişcării Legionare, sur [www.miscarea.net/]. Il s’engage alors dans la [[Légion étrangère]] et sert en [[Guerre d’Indochine|Indochine]]. Il est naturalisé en [[1958]] et devient un grand admirateur du [[Charles de Gaulle|général De Gaulle]]http://www.larevueparlementaire.fr/pages/RP885/RP885_portrait_lionnel_luca.htm.
Source : http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Lionnel_Luca&diff=69431997&oldid=69426532
Ça ressemble à une tentative d’étouffement, ça.
Sur une IP niçoise.
C’est énorme ! Une IP niçoise 🙂
Il a peut-être utilisé cette expression sans penser à mal, tout simplement. « Garde de fer », ça sonne comme une garde prétorienne particulièrement fidèle, si on n’en sait pas plus. C’est probablement le message qu’il voulait faire passer.
Moi-même, je ne savais pas ce qu’était la « garde de fer » avant de regarder sur Wikipedia.
En ce qui me concerne, je ne comprend pas qu’on s’associe ainsi aux procès en sorcellerie du Canard Enchaîné.
Un Français d’origine roumaine qui utilise publiquement l’expression « garde de fer », c’est comme un Français d’origine allemande qui évoque « les SA du sarkozysme » ou un Espagnol qui parlerait des « phalangistes du sarkozysme ». Pur hasard.
Et s’il s’agit vraiment d’un lapsus, cela montre dans quelle estime il tient cette légion qui avait l’ambition de prendre le pouvoir par un putsch, si on regarde bien. C’est un peu ce que la droite populaire a fait avec l’UMP. Reste l’Elysée. ;-))
Hmm, « prendre le pouvoir par un putsch », c’est ce qu’a fait De Gaulle en 1958. A l’époque des légionnaires anticommunistes venus de l’est (le Hongrois Lajos Marton, par exemple, futur membre du commando du Petit-Clamart…) se tenaient en embuscade près de l’Hôtel de Ville.
Ce genre d’histoires est parfaitement connu du « Canard », et le seul résultat de cette polémique est que tout le monde est désormais au courant des origines étrangères de monsieur Luca. Toujours bon à prendre, ça a bien servi un autre Hongrois pour se faire élire.
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