En décrétant que l’approbation des Nations Unies est le critère suprême d’une guerre juste, nous déléguons notre jugement moral à Hu Jintao et Vladimir Poutine.
L’éditeur de blogs me harcèle pour écrire un autre article sceptique au sujet de l’intervention en Libye. Je suis réticent à le faire, pour la plus évidente des raisons : nos militaires sont engagés aujourd’hui et, quels que soient les torts ou les raisons de la décision initiale, je prie pour une victoire rapide. Il y a quelque chose de répugnant chez les commentateurs anti guerre qui, comme Matthew Parris dans ses colonnes de Samedi, espèrent à demi-mot qu’advienne le pire pour dire ensuite : « je vous l’avais dit ».
Aussi, pour lever tout doute, je souhaite que les actions militaires réussissent rapidement et complètement, que les pertes soient minimes, que la tyrannie de Khadafi tombe et que la Libye obtienne un meilleur gouvernement. « Gardez vous d’entrer dans une bataille » comme dit Polonius, « mais si vous y êtes, faites en sorte que l’adversaire se méfie de vous. »
Tout de même, je ne peux m’empêcher d’être troublé par le ton du débat d’hier à la Chambre des communes. L’avant et l’arrière banc des deux côtés ont brandi l’argument absolu : nous exécutons la volonté de l’organisation des Nations Unies. Cette affirmation semble extrêmement pertinente jusqu’à ce que vous réfléchissiez à ce qu’elle implique en pratique. Si l’approbation du Conseil de Sécurité est le critère suprême pour savoir si l’intervention armée est justifiée, nous déléguons en définitive notre politique étrangère à deux autocraties : la Russie et la Chine.
J’étais dans l’expectative qu’un membre du Parlement fasse preuve de sagesse pour construire des arguments convaincants, sur la base de ce premier critère, en faveur ou contre les frappes aériennes. Si un ou deux ont tenté de le faire, la grande majorité, en comptant l’ensemble des responsables des trois partis, en sont restés à l’argument de la Résolution 1973 des Nations Unies. C’est précisément ce genre d’abdication morale qui a mené à l’altération et à l’affaiblissement du Parlement. Est-ce que les A-levels (1) ont été dévalué ? Demandez au QCA (Qualifications and Curriculum Authority). Un nouveau médicament va-t-il être validé par la NHS (National Health Service) ? Laissez cela au NICE (National Institute for health and Clinical Excellence). Devrions-nous relever les taux d’intérêt ? Ce choix vous incombe, cher MPC (Monetary Policy Committe). Devrions-nous attaquer la Libye ? Laissez la décision à l’ONU.
Il y a vingt ans, il y a eu un profond débat pour un appui britannique contre Khadafi. Un agent de l’état Libyen avait tué l’une de nos policières. Le régime Khadafiste avait armé et soutenu une insurrection violente contre le Royaume Uni. Tripoli était derrière le plus atroce attentat terroriste jamais commis dans la juridiction britannique : celui de Lockerbie. Si nous avions frappé à l’époque, j’aurais applaudi cette initiative comme la plupart des gens du pays, je pense. Mais nous n’avons pas riposté. Au contraire, nous nous sommes égarés en réhabilitant le dément colonel. Nous avons embrassé et maquillé littéralement cet événement, comme le révèle la photographie révoltante de Tony Blair bavant sur le dictateur. Nous avons accepté des compensations pour les victimes de Lockerbie, pressé Khadafi d’abandonner son programme d’armement et honteusement encouragé notre économie et nos institutions à prendre son argent. Cependant, à présent, tout d’un coup, nous l’attaquons.
Qu’est-ce qui a changé ? Est-ce son régime qui est devenu trop répressif et encore moins démocratique qu’il l’était ? Est-il devenu une menace trop grande pour ses voisins ? Non. Ce qui a entrainé cette transformation, lorsque vous étudiez l’affaire en profondeur, c’est que la Ligue Arabe a demandé, et obtenu, une résolution du Conseil de sécurité autorisant des actions militaires.
En d’autres termes, après avoir refusé d’intervenir contre Khadafi alors qu’il y avait une justification évidente pour les Britanniques de le faire, nous intervenons maintenant à la demande d’une bureaucratie internationale.
Je ne suis pas un pacifiste. J’ai supporté par exemple la guerre des Malouines, la première guerre en Irak et la campagne au Sierra Leone. J’ai applaudi le renversement des Talibans, mais pas l’élargissement et la prolongation de notre mission en Afghanistan. En revanche, je me suis opposé à la seconde guerre en Irak parce que, dans la balance, je pense que les coûts de cette opération en dépassaient les bénéfices. Mes doutes à propos de la campagne actuelle sont similaires – notamment parce que l’action est difficile à concilier avec les coupures opérées dans la Royal Navy et la Royal Air Force – mais je reste ouvert à tout contre-argument.
Cependant, il y a une chose qui ne me convainc pas : l’idée de considérer l’action militaire comme bonne seulement lorsque Vladimir Poutine et Hu Jintao la permettent. Nous devrions sans aucun doute nous donner de plus hautes idées.
(1) NdT : Le A-level, abréviation de Advanced Level (Niveau Avancé), est un examen passé par les jeunes Britanniaques au cours des deux dernières années de leur éducation secondaire
Un article repris du blog de Daniel Hannan hébergé par le Telegraph, avec l’aimable autorisation de son auteur.
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