Je voudrais ajouter quelques compléments à la brillante analyse du rapport de l’académie des sciences par Jean-Michel Bélouve Mardi dernier, ou encore à celle de Drieu Godefridi, fondateur de l’institut Hayek. Ces deux analyses ont insisté sur les aspects positifs du rapport (le rapport, PDF). Factuellement, ils ont raison, mais dans un monde où la forme compte beaucoup plus que le fond, je crains que les passages « alarmistes » du rapport, qui, pris hors contexte, ont déjà conduit à des raccourcis de presse parfaitement lamentables, n’aient un impact bien plus fort que l’excellent exposé des réserves de l’académie sur la thèse officielle du GIEC.
Un rapport de compromis… Mais le compromis est-il scientifique ?
Comme Claude Allègre, JM Bélouve ou Drieu Godefridi le soulignent, le rapport est un « compromis » entre les opinions « réchauffistes-alarmistes, réchauffistes non alarmistes et non réchauffistes » des membres de l’académie. Comme l’éditeur du site Pensée unique, Jacques Duran (plus connu sous son ancien pseudonyme de Jean Martin), lui même scientifique émérite et connaisseur des arrières cuisines de la science me l’a confirmé par mel,
Et M. Duran de rappeler qu’une des rares fois, il y a bien longtemps où l’académie avait pris trop ouvertement position, sur la question de la dérive des continents, elle avait été désavouée avec le temps par de nouvelles découvertes.Voilà qui incite effectivement à la prudence. Bref, la question posée à l’académie était de nature politique, faisait suite à une véritable tentative de lynchage galiléen de quelques sceptiques de haut profil par la clique hystéro-réchauffiste, et l’académie, coincée, a essayé de ne faire de peine à personne.
Seul petit problème, les phénomènes scientifiques ne connaissent pas le « compromis politique ». Une loi physique ou chimique est ou n’est pas. Un système gouverné par des phénomènes naturels qui obéissent à des lois physicochimiques ne peut être décrit par un « compromis » entre les différentes hypothèses concurrentes à l’intérieur d’une zone d’incertitude.
En demandant à une instance scientifique de répondre en bonne « politicienne » à une question aux très fortes implications politiques, on prend le risque de faire dire à des scientifiques tout et son contraire, et ce qui est acceptable d’un blogueur sceptique ou d’un plumitif de libération devient problématique lorsque cela émane d’un organisme qui représente la science française. Il en résulte des divergences importantes entre le corps du rapport et la tonalité de sa conclusion, divergences qui posent problème.
Le corps du rapport est une gifle pour le GIEC
Je ne rappellerai pas toutes les incertitudes scientifiques rappelées par l’académie dans le corps de son texte, JM Bélouve les a brillamment commentées. Mais, comme le fait Drieu Godefridi, je noterais que l’académie a pris un soin particulier à ne JAMAIS évoquer le GIEC, qui aime à se présenter comme le détenteur de « LA » science dans le domaine climatique. En ce sens, on peut affirmer que le corps du rapport de l’académie est une motion de défiance envers l’arrogance du GIEC et sa prétention d’affirmer incessamment que « le débat est clos ».
L’académie le dit d’ailleurs très clairement:
« La diversité des disciplines représentées – mathématiques, physique, mécanique, sciences de l’univers, chimie, biologie et sciences médicales – reflète la complexité du sujet et la volonté de l’Académie de placer cette manifestation sous le signe de l’interdisciplinarité. Le débat, très riche et de haute tenue scientifique a porté sur les méthodes de prévisions climatiques ; il a permis de confronter les différents points de vue, de dégager des points de convergence et d’identifier les divergences et incertitudes qui persistent. »
L’académie affirme ainsi on ne peut plus clairement qu’il n’y a pas consensus et qu’il reste encore beaucoup à découvrir.
J’ajouterais également une remarque importante omise par JMB et Drieu:
« La libre mise à disposition des données est une recommandation unanime, même si la forme qu’elle doit prendre est débattue. La majorité des chercheurs, en climatologie comme dans d’autres disciplines des sciences de l’univers, recommande la distribution des données après que les spécialistes les ont étalonnées et en ont retiré les effets instrumentaux ou d’environnement. Certains demandent aussi la mise à disposition des données brutes. »
Les méthodes de rétention des données du CRU de Phil Jones, connues de longue date dans la sphère scientifique et dévoilées par le ClimateGate, sont ici soumises à la critique, même s’il est vraiment « étonnant » d’un point de vue strictement scientifique qu’il y ait des membres d’une académie de haut niveau qui affirment pouvoir se contenter des données corrigées. On peut aussi s’étonner que le rapport ne fasse pas mention de la mise à disposition des algorithmes et logiciels d’ajustement entre données brutes et corrigées, dont le climategate a souligné combien ils pouvaient être sujets à manipulation.
Une conclusion non cohérente avec le corps du rapport
Je reste toutefois dubitatif sur la façon dont l’académie, après avoir souligné tant d’incertitudes et de domaines où les connaissances sont insuffisantes, peut se permettre de rédiger ainsi sa conclusion:
Cette augmentation est principalement due à l’augmentation de la concentration du CO2 dans l’atmosphère.
L’augmentation de CO2 et, à un moindre degré, des autres gaz à effet de serre, est incontestablement due à l’activité humaine.
Bref, malgré l’abondance des incertitudes décrites dans le rapport, l’augmentation de la température « moyenne » de 1975 à 2003 est imputée au CO2 dans la conclusion, sans que le rapport n’apporte la moindre explication sur la baisse des températures de 1945 à 1975 ou sur le plateau observé depuis 2003, et ce alors que les émissions et la concentration de CO2 augmentaient à ces périodes de la même façon qu’entre 1975 et 2003.
Si le CO2 est le principal vecteur d’augmentation des températures, comment expliquer que la corrélation ne soit valide qu’entre 1975 et 2003 ? Il y a là une incohérence majeure.
Il eut été plus précis d’ajouter que les variations de tendance entre 1945 et 75, 75 et 2003, puis 2003 et 2010, alors que la concentration de CO2 a augmenté quasi-linéairement dans cette période, indiquent que l’on ne sait pas déterminer avec précision quelle est l’importance de la concentration du CO2 vis à vis des autres paramètres dans les variations de la température.
Cette rédaction lacunaire est particulièrement fâcheuse. L’académie ne pouvait ignorer que les politiciens et la presse « mainstream » ne liront que les conclusions, et que ces deux premières phrases, « soigneusement sélectionnées » par tous les Foucard et Huet de la médiasphère alarmiste, feront l’objet d’effets de manche sensationnalistes. Ce traitement biaisé ne rendra aucunement grâce à la qualité du travail de l’académie, qui s’est ainsi condamnée à voir son travail caricaturé et dénaturé par tous les propagandistes du réchauffisme trop heureux de pouvoir trouver là l’occasion de rebondir après les désastres médiatiques de la fin 2009 (climategate) au printemps 2010 (les révélations successives sur les malfaçons du rapport du GIEC 2007).
Dérapage final
Enfin, l’académie dérape complètement en écrivant en fin de conclusions, que :
Là, les bras m’en tombent: voilà des modèles dont AUCUN n’avait prévu le plateau post 2003, qui nous prédisent des augmentations de température comprises entre 1.6° et 4.1°C (bonjour la précision) sur un siècle, dont on nous dit que les projections à 30-50 ans sont « peu affectées par les incertitudes » dont tout le rapport est pourtant truffé, alors même que le rapport, dans son corps, indique que:
En outre, considérer que « Ces projections sont particulièrement utiles pour répondre aux préoccupations sociétales actuelles, aggravées par l’accroissement prévisible des populations » alors que le rapport n’aborde aucunement ces « questions sociétales », qu’on ne le lui demandait d’ailleurs pas, est tout simplement incroyable, pour une institution si sérieuse.
Comment peut elle affirmer que des projections à 30-50 ans sont utiles pour répondre à des préoccupations sociétales actuelles ? Comment peut-elle se permettre de porter un jugement de valeur péjoratif (par le terme « aggravées ») sur l’accroissement des populations, ce qui est idéologiquement très connoté, alors que l’académie ne peut en aucun cas prédire quelles seront, conjointement, les progrès de la science et des technologies qui permettront de répondre aux défis qui se présenteront à l’humanité dans 30 ou 40 ans, quelle que soit son évolution démographique ?
Car une chose est certaine: dans 30 à 50 ans, quels que soient les changements climatiques réellement observés, et leurs effets bénéfiques ou négatifs, les technologies et moyens disponibles à ceux qui vivront alors pour s’y adapter n’auront rien à voir avec les nôtres. Dépenser des milliards pour savoir si la température aura alors augmenté de 0,6 ou 1,5°, sachant que les prévisions ainsi faites n’auront de toute façon aucune chance d’être exactes, vu les incertitudes qui demeurent, et pire encore, dépenser des dizaines de milliards dans des politiques « écologiquement correctes » juste parce qu’on à peur que les scénarios les plus extrêmes se produisent, et que l’on ne soit pas en mesure d’y répondre, est certainement la pire des façons d’affecter nos ressources.
L’académie légitime en quelque sorte l’action pro-active (le choix du terme « répondre » en atteste) en réponse à une hypothétique « menace » dont ni l’ampleur, ni la probabilité ne sont connues, ce qui sera évidemment pain béni pour les politiciens qui veulent, pour des raisons qui restent à élucider, nous forcer à supporter ces dépenses immédiates somptuaires profitant à des lobbies dont l’avenir lointain de la planète n’est sans doute pas la préoccupation principale. Voilà pourquoi je ne partage pas totalement l’optimisme de MM. Godefridi et Bélouve quant aux conséquences positives possibles de ce rapport.
Après un corps de rapport assez lourd de rappels à la modestie envers les thuriféraires de la science établie et des modélisateurs infatués, l’académie, sans doute pour arracher une signature commune, a parsemé sa conclusion de prêt à penser politiquement correct du point de vue de la doxa réchauffiste contredisant en bonne partie le corps de son texte. Une fois de plus, la politique flétrit ce qu’elle touche, en l’occurence, ici, la science.
——–
Retrouvez le dossier « Réchauffement Climatique » d’Ob’Lib’
Un article repris d’Objectif Liberté avec l’aimable autorisation de Vincent Benard.
Laisser un commentaire
Créer un compte