Le système privé de pension chilien sort indemne de la crise

À la fin de 2009, les fonds privés de pensions chiliens ont enregistré des bénéfices record, épongeant toutes les pertes de l’année 2008, quand explosa la crise financière

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Le système privé de pension chilien sort indemne de la crise

Publié le 23 septembre 2010
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À la fin de 2009, les fonds privés de pensions chiliens ont enregistré des bénéfices record, épongeant toutes les pertes de l’année 2008, quand explosa la crise financière. Depuis son implantation en 1981, la rentabilité moyenne du fonds principal est de 9,19% par an, plus de deux fois supérieure au rendement minimum nécessaire pour assurer le paiement des pensions des affiliés.

« Un spectre hante le monde : celui de la faillite du système de retraite de l’État. Le système de retraite par répartition qui règne en suprématie à travers la plus grande partie de ce siècle a un défaut fondamental enraciné dans une fausse conception sur le comportement de l’être humain : il détruit à un niveau individuel le lien essentiel entre l’effort et la récompense. En d’autres termes, entre les responsabilités personnelles et les droits individuels. Chaque fois que cela se produit à grande échelle et sur une longue période, le résultat est désastreux. » (José Piñera, « Une solution à la crise des retraites : le système chilien »)

Il y a maintenant presque 30 ans, quelques jeunes économistes – beaucoup formés à l’Université de Chicago où ils avaient suivi les cours de Milton Friedman et d’Arnold Harberger – réformèrent le système des pensions du Chili sous la direction de José Piñera – frère de l’actuel président chilien, Sebastián Piñera. Ils créèrent ainsi un modèle de pension basé sur des comptes individuels de capitalisation. C’était l’alternative au traditionnel système de répartition, où le travailleur ne cotise pas pour sa propre pension, quand viendra le jour de prendre sa retraite, mais bien pour payer celles des personnes déjà pensionnées. En 1981, fut ainsi offerte aux travailleurs la possibilité de continuer à cotiser à la caisse générale publique des pensions ou bien de se lancer dans l’aventure et de placer leurs économies dans des institutions financières privées qui investiraient sur le marché les fonds reçus.

Depuis cette date, le système privé de pension chilien fonctionne très bien. Les cotisants peuvent investir dans cinq types de fonds de pension, selon le risque, et choisir entre différents gestionnaires ou modalités de paiement. À leur mort, la famille continue de percevoir la pension ou le montant total en héritage. La couverture sociale est supérieure à ce qu’elle était du temps du monopole du système public de pension (51% en 1980 contre 70% aujourd’hui) et le nombre total des affiliés s’élevait à 8,5 millions en janvier 2009. Ce qui fait du Chili le pays latino-américain possédant actuellement la meilleure couverture après l’Uruguay. Les salariés, qui sont légalement obligés d’épargner 10% de leur salaire (+2,5% de commission et d’assurance), sont affiliés à 97% à un système privé qui leur coûte moins que le système par répartition (19%) ; les indépendants quant à eux sont libres de le faire.

Selon des projections récentes, un travailleur chilien ne devrait travailler que 28 ans pour obtenir une pension au montant égal à celui de ses derniers salaires, dès lors que la rentabilité moyenne réelle des fonds de pension se situerait à 6% annuel. La Superintendance des Pensions, l’organisme gouvernemental de régulation et de contrôle du système chilien table sur une rentabilité future de 5%, mais les administrateurs des fonds de pension estiment que le rendement se situera entre 5 et 8% pour les actions et 4% pour les rentes fixes. À ces chiffres, il faudrait probablement ajouter entre 1 et 1,2% dû à la rentabilité ajoutée des économies émergentes.

Jusqu’au mois de septembre 2002, il n’y avait dans la pratique au Chili qu’un seul fonds (un second fonds ne représentait que 0,13% de l’épargne, plus conservateur et réservé aux personnes proches de la pension). Depuis, ont été créés quatre nouveaux fonds supplémentaires, deux plus risqué (A et B) et deux plus conservateurs (D et E). Au mois de septembre 2009, on observait que pour le fonds de type A, l’âge moyen était de 33 ans ; pour le fonds B, 31 ans ; pour le C, 45 ans ; pour le D, 57 ans et pour le E, 44. Ces chiffres indiquent que la majorité des affiliés aux fonds les plus risqués ont moins de 40 ans et que ceux qui sont le plus proche de la pension investissent leur épargne dans des fonds moins volatiles. D’un autre côté, les affiliés peuvent librement transférer leur épargne accumulée vers un autre fonds et même diviser leur épargne entre deux fonds distincts. Le fonds A regroupe 14% des affilés ; le fonds B, 38,5% ; le C 37,2% ; le D, 8,9% et le E 1,4%. À partir de mai 2009 a été enregistré un fort mouvement des affilés en direction des fonds plus risqués. Ainsi, en octobre 2009, 17.126 affiliés passèrent des fonds C, D et E (les plus conservateurs) vers les fonds A et B (au risque plus élevé), tandis que seulement 1.588 faisaient le chemin inverse.

La plus grande partie de cette épargne – qui représente plus de 100 milliards de dollars (l’équivalent de 70 % du PIB) – est investie au Chili (56,2% en décembre 2009, équivalent à 66 milliards de dollars). 71% de cet investissement se fait sous forme de rente fixe (principalement dépôt à terme, obligations et instruments de la Banque centrale), le reste, sous forme de rente variable. Les investissements étrangers composent 74% de cette rente variable. Lors des premiers mois de 2009, la rente fixe nationale a servi comme refuge face à l’incertitude provoquée par la crise, jusqu’à représenter 79% de l’investissement local. Tout au long de l’année, le pourcentage de la rente variable augmenta. Les dépôts à terme, par exemple, qui représentaient en janvier 2009 18,9% du total diminuèrent jusqu’à 7,2% en décembre.

L’augmentation de l’épargne et de l’investissement au Chili dérivé du système de capitalisation a contribué significativement au développement de son marché des capitaux. Au-delà de son influence sur le marché boursier, le système privé de pension chilien a favorisé les structures productives et contribué à une plus grande stabilité des prix grâce à une vision à long terme de la gestion ainsi qu’incité à l’ouverture de nouvelles entreprises ainsi que le financement des sociétés via l’augmentation de capital. Les investissements des fonds de pension dans les compagnies, au travers des actions, des obligations et des participations ont permis de doter de ressources de nombreux projets d’entreprises à long terme. On estime que, depuis 1981, un tiers de la croissance économique – à la base du « miracle chilien » – est due aux fonds de pension.

Toutefois, à l’occasion de la crise économique mondiale, nombreux furent ceux qui mirent en doute les garanties offertes par le système de pension par capitalisation qui, selon eux, serait moins sûr que le système public de pension par répartition. Cependant, les chiffres indiquent que ces doutes sont infondés. En 2008, ces fonds de pension avaient bien connu une forte chute suite à la crise économique mondiale et à la baisse des bourses : en moyenne, les fonds baissèrent de 22%, la valeur du fond de type A, le plus risqué chuta de 40,3%, celle du fonds de type E, le plus conservateur, baissa de 0,9%. Mais en 2009, la valeur des fonds de pension connut une augmentation moyenne de 27,7%. 43,5% dans le cas du fond A et 8,3% pour le fonds E.

Si l’on considère la rentabilité moyenne à long terme (l’épargne et la capitalisation des pensions ont un horizon de 30 à 40 ans), les résultats chiliens sont très positifs, et cela malgré plusieurs épisodes défavorables (crise des années 82 et 83, problèmes qui affectèrent les entreprises électriques et de télécommunications en 1995, la crise asiatique de 1998, les attentats du 11 septembre 2001 et la crise actuelle). Ainsi, le fonds C, continuateur du premier et unique fonds existant depuis 1981 et qui regroupe 37% des affiliés et représente 43% de l’épargne totale, enregistre une rentabilité moyenne annuelle de 9,19%. Ce résultat est plus de deux fois supérieur au 4% considéré comme nécessaire pour obtenir des pensions de retraite correspondant à 70% du montant des derniers revenus, en supposant que le travailleur ait cotisé durant 85% de sa vie active. Actuellement, et malgré le fait que le système n’existe que depuis 29 ans, deux tiers des pensions versées par les administrateurs de fonds privés sont des pensions de retraite anticipées – de 7 ans, en moyenne, pour les femmes et de 9 ans pour les hommes. Dès lors, on peut considérer que le système privé de pension chilien a parfaitement rempli ses deux grands objectifs, malgré les crises économiques : augmenter la valeur attendue des pensions et réduire le risque sur l’épargne des personnes prêtes à prendre bientôt leur retraite.

Peu à peu, l’expérience chilienne fructifie dans d’autres pays. Les Suédois ( !) l’ont déjà adopté, après la faillite de leur système public dans les années ’90 et les Allemands l’étudient. Au total, le système privé de pension par capitalisation a été introduit totalement ou partiellement dans près de 30 pays à travers le monde et a permis à plus de 100 millions de travailleurs d’être propriétaire de leur compte d’épargne-pension, selon des portefeuilles distincts et différentes limites pour investir dans des rentes variables. En Amérique latine, le Chili et le Mexique présentent cinq possibilités distinctes, tandis qu’au Pérou, le nombre de fonds autorisés est de trois. En Europe de l’Est, la majorité des pays offrent trois fonds de pension, à l’exception de la Lituanie qui en propose quatre. Au Chili, au Pérou et en Hongrie, la stratégie la plus conservatrice permet qu’un pourcentage des actifs soit investi dans des rentes variables. Dans les autres pays, la stratégie conservatrice n’autorise que des investissements dans des rentes fixes. L’investissement en rente variable des fonds plus risqués va de 30% au Mexique et en Lettonie à 100% en Hongrie et Lituanie. Au Chili, au Pérou et en Slovaquie, l’investissement maximum autorisé en rente variable est de 80%.

La réforme lancée en 1981 par José Piñera démontre que les gens savent défendre leurs intérêts mieux que l’État. Elle démontre que l’entreprise privée est plus efficace que le secteur public. Elle démontre que ceux qui prétendent défendre les intérêts des travailleurs, généralement, ne leur portent que préjudice. Le système de pension par répartition, bien qu’on tente de le décrire comme une tendre option solidaire, est en réalité une transaction qui frise l’escroquerie. Durant des décennies, le travailleur apporte une partie non négligeable de son salaire au système public des pensions ; c’est-à-dire qu’il livre à l’État un argent qui est sa propriété (souvent son unique propriété), gagné à la sueur de son front. Mais à partir de ce moment, il perd tout contrôle sur son ancien bien. Il ne peut décider qui va l’administrer, ni comment. Il ne peut modifier l’institution, bien que, constamment, on l’informe que le système public des pensions est en faillite ou en passe de l’être, ce qui ajoute incertitude et anxiété à ce qui devrait pourtant être une simple et transparente opération d’épargne, d’investissement et d’accumulation d’intérêts et de bénéfices. Dans le système par répartition, si le travailleur décide d’arrêter de travailler, il ne peut récupérer son argent. S’il meurt célibataire avant d’arriver à la pension, cet argent n’ira pas à sa famille, mais sera confisqué par l’État. S’il meurt marié, son conjoint recevra bien la pension, mais pas ses enfants adultes. En fait, l’idéal pour l’État serait que le pensionné meure le premier jour de sa retraite.

Hélas, le prisme idéologique empêche souvent d’analyser de manière dépassionnée ce qui s’est passé et se passe au Chili. En effet, beaucoup de gens ne veulent pas admettre que la discussion est close : le système de pension basé sur les comptes personnels de capitalisation est très supérieur, matériellement et moralement au système public de pension par répartition.

Ite missa est.

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