Encore de la propagande à l’Éducation Nationale

La propagande à l’Éducation Nationale continue joyeusement jusque dans les choix du ministère sur des manuels scientifiques.

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Encore de la propagande à l’Éducation Nationale

Publié le 3 mai 2016
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L’instruction est un véritable champ de bataille duquel il serait dommage de ne pas profiter pour pilonner consciencieusement nos têtes blondes avec de la bonne propagande étatiste. C’est exactement ce à quoi s’emploie l’Éducation Nationale par le truchement, redoutable, de petits manuels construits pour cette tâche discrète ô combien essentielle pour former notre future élite, celle-là même qu’on voit d’ailleurs déployer avec aisance ses raisonnements affûtés comme du beurre chaud, depuis un mois, tous les soirs, place de la République.

Ainsi avais-je noté, il y a quelques temps déjà, une nette tendance, dans certains manuels, à l’infiltration de messages assez orientés politiquement. Entre les manuels de biologie qui dégenraient à tout va ou ceux d’économie dont l’aspect alternatif des enseignements laissaient perplexes, il devenait difficile d’écarter d’un haussement d’épaule l’évident parti-pris des exercices et des textes fournis aux élèves de France.

Oh, bien sûr, on trouve toujours l’un ou l’autre exercice qu’on n’aura aucun mal à classer dans la catégorie, de plus en plus bondée, du WTF, cet aimable fourre-tout où viennent s’échouer les idées plus ou moins baroques de nos éditeurs de manuels qui n’hésitent pas, par exemple, à nous dépoter un petit Claude François pour un exercice SVT (sciences de la vie et de la Terre, apparemment) sur la résistance électrique et les évidents principes de sécurité avant de tripoter des trucs électriques dans son bain (fun et de bon goût, vous en conviendrez).

manuel scolaire - claude françois

Cliquez pour plus de Claude François électrique

Mais quand bien même : à côté de ces … disons trucs ludico-éducatifs pour les petits scholéronautes de l’improbable, on découvre régulièrement d’inquiétantes pépites prosélytes.

C’est donc sans grand étonnement mais avec toujours la même dose de consternation que j’ai appris d’un lecteur (qui se reconnaîtra et que je remercie) que la tendance, pour l’année 2016, ne se dément pas : on découvre, au détour d’une des pages d’un livre d’activités (i.e. un manuel contenant des fiches d’exercices) de Français, à destination des candidats au bac professionnel, une magnifique pleine double-page consacrée à une étude de cas étonnante.

Sous la question « Le progrès peut-il nous rendre malade ? » — déjà quelque peu chargée en elle-même — on peut lire l’interview de Catherine Grèze, député européenne Europe-Écologie, dont on ne pourra pas dire qu’elle soit particulièrement exempte de toute charge politique claire. En voici une petite copie d’écran :

manuel scolaire - électro sensibilité

Cliquez pour agrandir la propagande à sa taille risible

Et comme elle n’est pas forcément très lisible, je vous encourage à aller regarder de vous même sur le site de l’éditeur qui propose très aimablement de fouiller soi-même les pages du manuel.

Mais en substance, l’exercice proposé permet de faire passer un message clair : oui, le progrès peut rendre malade, c’est d’ailleurs une député qui le dit et qui, de surcroît, cite un cancérologue, donc c’est du sérieux, ça, mon brave monsieur, c’est du solide, et ça vaut donc le coup de lister les problèmes et dangers soulevés par cette élue, ainsi que les solutions qu’elle préconise évidemment. On pourra aussi résumer l’article en quelques lignes, transformer les phrases interrogatives directes en indirectes, surligner des chiffres, les classer, souligner des mots (pomme de terre par exemple) et en discuter avec son voisin.

Notez qu’il n’est absolument pas question d’analyser la solidité des éléments proposés ou de remettre en question les réflexions de l’élue. C’est normal, me direz-vous, puisqu’il s’agit d’un exercice de français, mais c’est aussi comme cela qu’on fait passer des idées, des concepts et des discours chez des élèves, même si ces concepts, ces idées et ces discours reposent sur du vent, des approximations ou des affirmations qui, scientifiquement, ne tiennent pas la route. Et justement : il n’est pas dans les attributions du professeur de français de discerner la véracité des discours proposés, ce qui fait de lui, a minima, un accessoire de ce genre de propagande à l’éducation nationale ou, pire, un complice. *

Eh oui : le manuel choisit ouvertement de relayer sans le moindre filtre une source indirecte (une élue dont le fonds de commerce, comme tout personnage politique, repose avant tout sur l’exploitation de l’émotivité et de la crédulité plus ou moins grandes des votants) qui base son discours sur les propos d’un cancérologue, lui-même largement sorti de son domaine d’expertise et qui ne fait pas mystère de ses positionnements farouchement anti-progrès.

Certes, on étudie du Victor Hugo alors qu’il fut député et certes, on pourrait m’objecter qu’alors, l’étude en cours de français d’un texte politique n’a rien de choquant. Mais voilà : n’est pas Hugo qui veut, et ce dernier, depuis longtemps mort, enterré et panthéonisé, a largement gagné sa place dans la littérature. L’étude d’une interview politique d’une élue d’une formation actuelle ne peut en rien se comparer à ses vibrantes prises de positions engagées, et représente bien un moyen, sous couvert d’exercice de français, d’enfoncer des idées politiques dans le crâne malléable des élèves.

Et c’est tellement vrai que si le texte n’était pas issu d’une député Europe-Écologie, mais – au hasard – d’un député d’extrême-droite, vous pouvez parier gros que l’exercice de français aurait immanquablement porté sur le démontage en règle des bobards proférés, avec analyse des procédés de langage mis en place.

Autrement dit, si le sujet de l’exercice avait été sur les questions rhétoriques, celle en tête de chapitre aurait alors constitué un parfait exemple tant il semble évident, pour les auteurs du manuel qui n’hésitent absolument pas à faire une agréable publicité – très visible sur la double page – pour l’association des Robins des Toits, que oui, tout à fait, « le progrès peut nous rendre malade »

dr house ondes homeopathieEnfin, on ne pourra que s’étonner du double langage officiel de l’Éducation Nationale qui entend combattre, par la voix même de sa ministre, les méchantes théories du complot, mais n’hésite pas à relayer les incroyables allégations qui voudrait que soient biaisé, faux ou trompeur l’ensemble des recherches menées jusqu’à présent et qui n’ont jamais réussi à prouver le moindre effet ionisant des ondes radios utilisées dans différents procédés de communications actuels. En somme, en vertu du momifiant principe de précaution, comme on n’a pas réussi à prouver – et pour cause ! – qu’il n’y avait aucun risque dans nos technologies, considérons-les par défaut comme délétères et n’en parlons plus, ou plutôt, relayons avec gourmandise dans des manuels de français.

Non, vraiment aucun doute n’est permis : la propagande à l’Éducation Nationale continue joyeusement jusque dans les choix du ministère sur de pareils manuels.
—-
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  • On confond cause et conséquence. La finance n’est pas la cause de nos problèmes mais la conséquence de nos mauvaises politiques économiques. Si la finance internationale ( agences de notation, fond de pension, banques d’investissement etc ) a acquis autant de pouvoir, si elle nous dicte la marche à suivre c’est bien parce que la France s’est outrancièrement endetté, se jettant ainsi dans ses griffes. La domination mondiale par la finance vient du choix des États de s’endetter un maximum pour mener des politiques non pas libérales mais keynesiennes au mieux, marxistes au pire. Dans la réalité ce sont des politiques irrresponsables, clientélistes, démagogiques visant à faire élire des vendeurs de rêve qui pousse à l’endettement et donc à devenir dépendant de la finance. Un État dont les finances sont bien gérées ne doit rien à la finance, et peut établir le rapport de forces à son avantage avec celle-ci.

  • Vécu au début des OGM, ma prof de français qui m’explique que les OGM vont changer mon ADN, et moi à 12 ans qui m’efforce de lui expliquer que non…

    • Mon fils lycéen applique la Taqiya version libérale. Quand les tempêtes de bullshit passent il ploie comme le roseau (non OGM) et écoute juste assez pour régurgiter correctement l’étron la prose officielle.

      Il faut avoir du métier et des billes pour lutter avec succès et trouver la pique innocente qui décrédibilise le stormshit, sinon on se fait juste assassiner sans aucun bénéfice.

  • A partir d’un manuel de physique de 3e, j’ai constaté que les cours de physique sur l’énergie sont aussi un cas effarant: aucun recul, aucune analyse objective. Un slogan: les énergies renouvelables, c’est formidable car le vent et le soleil sont gratuits. Tout le reste n’a que des inconvénients. On peut se poser des questions sur la formation scientifique des professeurs qui acceptent de traiter ce sujet tel qu’il est présenté dans le livre.
    Au-delà, ce n’est pas avec ce genre d’approche que l’on va former des chercheurs, des inventeurs, des penseurs qui ne soient pas que des agitateurs d’idées.
    Autre conséquence, très grave, à mon avis: une culture du slogan ne peut qu’engendrer l’obscurantisme et l’intolérance, et donc la violence.

    • Le niveau scientifique des enseignants est en moyenne très mauvais.Des évaluations devraient être faites au niveau national pour décider des plans de formation correctifs à appliquer.Ils restituent un cours qu’ils ont appris sans nécessairement le maîtriser et le comprendre. En plus de ceci il y a de l’idéologie sur certaines matières ( biologie/écologie, chimie/pesticides etc…);Il paraît que de jeunes profs ont été admis avec des notes de 4 / 20 ( malgré le faible niveau d’exigence) : c’est scandaleux.Ne parlons même pas des matières où la science a évolué fortement en 10 ou 20 ans ( génétique etc….) Pourtant , avec le numérique, il serait facile de donner des cours d’excellence à tout le monde en montrant des vidéos des meilleurs

      • En quoi est ce scandaleux ? offre et demande , vous connaissez ?
        Le niveau scientifique des enseignants est en moyenne très mauvais : sources ? comparaison avec le niveau des enseignants d’autres pays de l’OCDE ?
        Ne parlons même pas des matières où la science a évolué fortement en 10 ou 20 ans ( génétique etc….) : que voulez-vous dire ?

        • @ gil : les classements PISA, vous connaissez ?

          Si l’enseignement était libre en France, peu d’écoles libres accepteraient des gens avec 4/20.

          avec 4/20, chiffre officiel des derniers concours, on peut affirmer que le niveau est très mauvais non ?

          un concours sert à prendre les moins mauvais, pas ceux qui ont la moyenne pour info…

    • Dominogris: « c’est formidable car le vent et le soleil sont gratuits. »

      Ah ça vient de là, l’afflux récent de gens qui pensent que ce n’est pas l’extraction et la transformation qui coûte ?

      En général un « le pétrole aussi est gratuit » suffit à figer les plus futés, pour les autres plongés dans leurs cantiques, il faut rajouter quelques lignes.

  • ça me fait penser à un documentaire vu hier à la TV ; ça se passait sous hitler , et l’on imposait déjà à l’école primaire le fait que la race harienne valait toute les autres …..il n’y a rien de plus facile et de plus manipulable que le cerveau d’un enfant …..ce que font les socialiste est dangereux et complêtement irresponsable ;

  • Mais la propagande est bien la seule chose que sache faire le gouvernement élu par des gens qui n’ont aucun sens critique et qui donc ne connaissent que ça, la propagande, sinon ils n’auraient jamais voté pour le « Bon à rien » du Palais, que même les moins aveugles de ses « pairs » déclaraient incompétent.

  • Les manuels sont faits par des éditeurs privés.
    Ils sont choisis par les profs
    Une étude du marché qui permet à ca d’arriver aurait été plus pertinente.
    Les manuels ne sortent pas du ministère.

    • Les directives sur le contenu de l’enseignement proviennent bien du ministère !

      Ce qu’il y a de bien avec l’EN et sa ministre, c’est qu’ils ont tout compris de la société actuelle et de l’évolution de celle-ci et que donc il savent parfaitement ce qu’on doit apprendre à nos enfants. Mais alors qu’attend-on pour nommer Najat présidente à vie et promouvoir les élites de l’EN en remplacement des technocrates en place ?

  • Vous confondez contenu et forme.
    Questionner la science dans ses applications est une chose (le nucléaire pour faire une bombe ou pour soigner les cancers ?), faire passer des lubies écolos en est une autre.

    Sur la forme.
    Le choix de l’éditeur privé n’est pas dicté par le ministère mais plutôt par sa clientèle (ici les profs) qui les font acheter parmi les 4-5 éditeurs du marché (dont les sensibilités existent et ont été déjà analysées).
    En dernier ressort c’est le prof qui choisit d’utiliser ou pas cet exercice (aberrant).

    Sur le fond.
    Les programmes sont fixés par une commission (comme la France sait les faire). Elle inclut les représentants des parents d’élève, les profs, inspecteurs et le ministère.
    Réduire cet exercice à un choix imposé par une personne unique (najat) ou l’institution est très réducteur.

    Ceci dit je trouve ça aberrant aussi. C’est juste que cet article ne permet pas de comprendre comment cela est possible. Il réduit le processus à des antiennes dont le 1er commentaire donne le ton.

  • 4eme commentaire pardon (c’est nazi en gros)

  • Le première phrase est fausse. Le ministère ne choisit pas les manuels.

    En quoi montrer que le processus qui aboutit à cet exercice est plus compliqué que la caricature qui en est faite est hors-sujet ?

  • C’est con, s’ils avaient raconté la vraie histoire de la mort de JCF, ça faisait à la fois cours d’éducation sexuelle !

    • D’après le rapport de police, la résistance de son corps était faible. Ils ont mesuré comment ? C’est courant, d’avoir une faible résistance lors des mesures policières ?

  • Faudrait pas prendre les élèves de bac pro pour de belles poires.

  • Raph a raison, c’est naïf de croire que c’est le ministère qui dicte le contenu des manuels scolaires. Et les programmes ne sont qu’un cadre, laissant beaucoup de liberté dans l’illustration des connaissances exigées. Les manuels scolaires ne sont pas les programmes, ils en sont une interprétation. Libre au professeur ou l’équipe de choisir le manuel qui lui convient le mieux. Si un éditeur présente des activités complètement idiotes ( comme le truc qui prétend être une activité EPI alors que c’est une daube intégrale), ou ridiculement orientées, cela le regarde. C’est un problème de qualité dans l’offre. Rien à voir avec le ministère.

    • @gil :

      les manuels sont rédigés par des gens qui veulent les vendre, donc qui doivent répondre aux directives du ministère.

      la qualité de l’offre dépend donc directement du ministère …

      « les programmes ne sont qu’un cadre, laissant beaucoup de libertés » LOL !!!

      vous êtes un pédagogo vous …

  • Le titre de l’article est complètement inapproprié, ou en tous cas bien mal illustré ici.

  • oO

    En tout cas, là ça devient VRAIMENT gros.
    L’affiche de robindestoits avec le téléphone dans un manuel scolaire, mais sérieux…

  • Et même quand on étudie un discours de Victor, on peut fort bien remarquer la vacuité de ses arguments et distinguer argumentation et rhétorique. C’est un exercice d’autant plus salutaire que l’auteur est révéré. Fort peu de professeurs de français le font, mais c’est toujours possible.

  • @stephane

    « Les manuels sont rédigés pour être vendus » : ok.

    « Donc ils doivent répondre aux demandes du ministère » : pas ok. Ils doivent répondre aux idées que ce font les acheteurs (prof) des demandes du ministère. Il faut lire les directives pour comprendre à quel point cela est sujet à interprétation.

  • Les commentaires sont fermés.

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Nicolas Quénel est journaliste indépendant. Il travaille principalement sur le développement des organisations terroristes en Asie du Sud-Est, les questions liées au renseignement et les opérations d’influence. Membre du collectif de journalistes Longshot, il collabore régulièrement avec Les Jours, le magazine Marianne, Libération. Son dernier livre, Allô, Paris ? Ici Moscou: Plongée au cœur de la guerre de l'information, est paru aux éditions Denoël en novembre 2023. Grand entretien pour Contrepoints.

 

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