Quelle monnaie pour les Grecs ?

Crise de liquidité en Grèce : tour d’horizon des solutions monétaires qui s’offrent au pays exsangue.

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Argent - Pièces de monnaie - Euro (domaine public)

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Quelle monnaie pour les Grecs ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 13 juillet 2015
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Par Charles Sannat

Argent - Pièces de monnaie - Euro (domaine public)

La prochaine échéance de remboursement de la dette grecque est fixée au 20 juillet prochain. Si la Grèce ne rembourse pas la somme de 3,5 milliards d’euros à la BCE, celle-ci coupera l’arrivée de liquidités d’urgence. L’Eurogroupe, les Grecs, personne ne souhaite une sortie de la Grèce de la zone euro, mais le Grexit semble plus que jamais probable. Garder l’euro comme monnaie unique ne va pas sans poser des problèmes au pays déjà exsangue. Le retour à la drachme serait catastrophique, du moins à court terme. La solution peut être trouvée dans les monnaies et les moyens de paiement complémentaires à l’euro. Encore faut-il organiser la transition en douceur.

L’euro

En passant à la monnaie unique le 1er janvier 2001, l’inflation du pays a été (sous)estimée à 3,3% sur les 12 premières années. Vous rappelez-vous de l’augmentation des prix des biens de consommation courante en France, lors du passage à l’euro ? Vous vous rappellerez alors sans doute d’une époque révolue où une batavia par exemple coûtait 1,50F (soit 0,29€). Or, une batavia coûte aujourd’hui 0,70€ (soit 4,59F), sans que les salaires aient augmenté dans les mêmes proportions. Appliquez la même inflation aux prix grecs avant le passage à l’euro, à l’époque où la parité drachme/euro était établie à 340,75 GRD pour un euro, et vous aurez rapidement une idée de la façon dont la Grèce a été ruinée par la prometteuse nouvelle monnaie. L’euro a certes permis à la Grèce de baisser le coût des importations, et notamment de l’énergie dont elle est très dépendante, surtout avec son système d’archipels.

Rester dans l’euro permettrait de sauver la monnaie des grecs qui peut encore l’être, comme lors de la faillite des banques chypriotes. Rester dans l’euro permettrait aussi à la Grèce d’éviter un retour à la drachme avec toutes les conséquences dramatiques que cela impliquerait à court terme (voir ci-après). Mais rester dans l’euro maintient la Grèce à un niveau de compétitivité très faible et l’oblige à subir le joug de la troïka jusqu’au bout (payer la dette sans restructuration).

Rester dans l’euro pourrait être une solution de transition, le temps d’en sortir après qu’un accord soit trouvé avec ses créanciers pour rendre la dette soutenable et remboursable.

La drachme ? OXI !

Vraiment, si les Grecs n’ont pas le choix, la solution d’un retour à la drachme ne se fera pas sans douleur… Si la Grèce revenait à la drachme, celle-ci pourrait être dévaluée de 50% en quelques jours. Un retour à la drachme devrait nécessairement prendre en compte la réalité économique actuelle de la Grèce et le montant exorbitant de sa dette. Énergie, médicaments, produits manufacturés… Les importations, dont les Grecs sont très dépendants, leur coûteraient encore plus cher. Et quel pays voudrait être payé en drachmes ? Aucun. Avec un retour à l’ancienne monnaie grecque, le pays pourrait connaître un effondrement monétaire et une aggravation de la crise sociale.

Mais grâce à cette même dévaluation, la compétitivité de la Grèce s’en retrouverait renforcée avec des prix facilitant les exportations. Elle pourrait retrouver sa croissance, comme ce fut le cas après la crise de l’Islande en 2007.

Il y a 4 ans déjà (le sujet n’est pas nouveau, il ne fait que ré émerger plus violemment et concrètement), nous évoquions « une issue drachmatique » pour la Grèce. Un an plus tard, le 8 juin 2012, nous présentions différents scénarios monétaires, de la drachme au retour de l’or.

La vraie question n’est pas tellement de savoir quelle monnaie, mais plutôt quelles monnaies et quand ? La solution pourrait se situer dans un système bi-monétaire, avec une monnaie réservée au commerce extérieur et une monnaie très dévaluée qui permettrait aux Grecs de respirer un peu en interne.

L’euro-drachme

Thomas Coutrot, économiste à la DARES, Wojtek Kalinowski, codirecteur de l’Institut Veblen et Bruno Théret, directeur de recherches émérite au CNRS, Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales (Irisso), université Paris-Dauphine, ont publié une proposition en vue de permettre à la Grèce de retrouver un peu d’oxygène : l’euro-drachme. « Tout en préservant l’unité de la zone euro, chaque État membre pourrait mettre en circulation sur son propre territoire une monnaie complémentaire, garantie par les recettes fiscales et maintenue à parité avec l’euro. » Sur le principe des monnaies complémentaires, « cette monnaie parallèle serait une monnaie « populaire » émise sous forme de billets de petite dénomination et destinée aux achats quotidiens. L’euro continuerait d’être utilisé pour régler les transactions de montant plus important, les transactions à l’échelle européenne et servirait de monnaie d’épargne. »

Le bitcoin

En ce qui concerne le bitcoin, nous en avons déjà largement évoqué les risques et les défauts, même si l’initiative reste intéressante. Mais les Grecs n’ont pas besoin d’argent virtuel fluctuant. En février 2014 sur son blog, Yanis Varoufakis, l’ancien ministre des Finances grec évoquait le bitcoin comme une « version hard-core de l’étalon-or » (c’est dire !).

« Sans débattre ce point, on conviendra qu’un état de siège n’est guère historiquement une situation de rétablissement de l’étalon-or. Mais M. Varoufákis enfonçait le clou : du point de vue grec, le bitcoin a le défaut de l’or mais aussi celui de l’euro. Il ne lui offre pas de prise pour un guidage politique sur le terrain national », relatait Jacques Favier dans sa note de blog sur la Monnaie de siège.

Cela nous permet de faire la transition vers la question de l’or et de l’argent. Bien que nous en soyons adeptes comme solution d’épargne et de paiement (grâce à la VeraCarte), nous ne sommes pas pour un retour au standard-or.

L’or et l’argent

Les métaux précieux offrent toutefois une réelle opportunité pour les particuliers. Dans le cas où une monnaie est fortement dévaluée, comme ce fut le cas pour le Rouble, l’or prend tout de suite une valeur très importante.

L’or et l’argent peuvent aussi être des moyens de paiement via la VeraCarte en cas de faillite bancaire. S’il est impossible de retirer du liquide dans les banques, les possesseurs de VeraCarte peuvent continuer de payer dans les commerces où la Mastercard est acceptée. Avec une réserve de liquide adossée à de l’or physique réel stocké hors-circuit bancaire, en zone franche, le capital associé au compte VeraCarte est à l’abri, il ne risque pas d’être spolié.


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  • Qu’on soit pour ou contre par principe, la création d’une néo-drachme se heurte quand même à un problème logistique gigantesque.

    Combien de temps faut-il pour concevoir et imprimer les millions de pièces et billets nouveaux ? Combien de temps pour adapter les logiciels et chaînes de traitement des opérations ?

    Le passage FRF-EUR, a pris dix années de préparation dans un contexte économique euphorique, avec la bénédiction enthousiaste de tous les acteurs et un boom informatique formidable. Ce fut un net succès logistique.

    Rien de ceci dans le cas grec. Comment croire que ça va bien se passer ? Dans le plus béatement optimiste des cas, c’est plusieurs mois de chaos et d’escroqueries en tous genres basée sur l’ambiguïté.

    • * les logiciels et les chines de traitement existent déjà. il suffit d’un « code-monnaie » de plus, à coté du dollar, du rouble et de la roupie mauricienne…
      * les expériences de passage rapide d’une monnaie à une autre sont (hélas) nombreuses. Les aspects logistiques sont tout à fait secondaires par rapport au choc économique que ça représente

      De toute façon les grecs resteront à l’euro pour tous ce qu’ils vendent aux étrangers, et même entre eux tant qu’il restera des euros (et il y en a beaucoup !). même le garagiste du coin dira à ses clients : hier c’était 100 euros, aujourd’hui c’est 250 drachmes mais j’accepte toujours les euros (sans facture)
      Et politiquement, vis-à-vis de l’Union Européenne, l’État grec ne pourra pas leur faire la chasse pour les forcer à utiliser la nouvelle drachme.
      On aurait donc une économie libre en euro, et un état qui payerait et percevrait des impôts en drachme … une drachme dont la valeur serait divisée par deux … inconcevable hara-kiri de l’État, et c’est pour ça qu’il ne veut pas sortir de l’Euro

      • les expériences de passage rapide d’une monnaie à une autre sont (hélas) nombreuses.

        Il est probable que le pays n’imprime pas lui-même ses billets. Alors imprimer de la Drachme ne doit pas être très cher, 2 ou 3 sécurités en moins compenseront le coût de conception du nouveau billet, pas besoin de cinquante années pour cela : quelques semaines.

        Au passage, de bonne affaires en vue pour les fabricants d’encres spéciales.

        • oui, d’ailleurs si j’étais imprimeur de billet je préparerai quelques maquettes, sur la base des anciens billets grecs ou d’un modèle proposé par un artiste ami du régime, et je prendrai quelque rendez-vous discrets, histoire de pouvoir faire une offre ferme le jour J, et pas le lendemain. Et si ça pouvait être signé avant J-1, ce serait même encore mieux…

  • Oui, un système bi-monétaire, mais il faudrait laisser le privé libre de ses choix. Sinon, il y aura contrebande, et les grecs ne vont pas se priver. Euros sous formes de billets, pièces d’or et d’argent, VeraCarte pour ceux qui ont des moyens, du moment que l’on ne s’y prend pas au dernier instant.

  • L’euro impose une certaine discipline, c’est encore le meilleur choix.

    • Si l’euro imposait une discipline, on ne serait pas dans la merde actuelle.
      Au contraire, l’euro a permis d’emprunts à des taux « allemands » en échappant à la dévaluation.

    • L’euro a substitué un système de rétroaction de marché responsabilisant pour la Grèce (où une baisse de la compétitivité implique une baisse du taux de change effectif, et réciproquement) pour le remplacer par un bidule constructiviste où des règles communes ne sont pas respectées, avec beaucoup d’aléa moral.

      C’est ce premier point qui irrite certains libéraux, avoir remplacé un système multiséculaire, logique, simple, discriminant, presque naturel par un autre arbitraire soumis aux politiques.

      Mais d’autres libéraux sont tout de même en faveur de l’euro comme étant un « moindre mal » comparé aux potentielles et inévitables manipulations monétaires que les divers pays feraient avec leurs propres monnaies, en cela l’euro est vu comme une sorte d’étalon-or plus ou moins barbare, avec ses avantages et ses défauts : ordolibéral, assez anti-kéynésien, non-globalement discriminant. (si un pays fait le con par le vote d’une majorité, il ne peut pas y avoir de dévaluation monétaire qui touche aussi les éléments vertueux de ce pays, et réciproquement.

      http://blog.turgot.org/index.php?post/Huerta-de-Soto-Euro

      Perso je ne suis pas vraiment pour l’euro constructiviste, mais ni pour une monnaie nationale gérée par des ploucs nationaux, je préférais des monnaies libres sans banques centrales soi-disant « indépendantes » mais politisées par principe.

      L’avantage des monnaies libres c’est qu’elles auraient les avantages de l’euro sans ses défauts : donc libre association, concurrence, plus discriminantes individuellement donc responsabilisantes, il y aurait des monnaies pour différents types d’individus plus ou moins compétitifs, plus ou moins épargnants. Plus besoin de se casser la tête politiquement sur le triangle de Mundell.

      • Merci pour le lien. Je suis un supporter de l’euro car en attendant mieux il oblige à une discipline budgétaire et c’est bien pour cela que les partis de gauche sont contre et ceux de droite pas spécialement pour.
        Avec cet article je vois que l’analyse en avait déjà été faite dans ce sens.

  • A s’adosser à l’euro et surtout à vouloir s’aligner sur le terrain des pays voisins, la Grèce a voulu jouer sur un terrain où elle n’était pas compétitive. Elle paye cash cette folie. Si elle veut garder l’euro comme monnaie courante, elle doit dare dare réaligner toutes ses prestations et tarifs en fonction de sa production réelle.

  • Au Canada le prix de la nourriture a aussi augmenté ces dernières années.

    Est-ce que je peux aussi blâmer l’euro ?

  • Le passage à l’euro ? J’en ai même fait une chansonnette.

  • Les commentaires sont fermés.

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Charles-Henri Colombier est directeur de la conjoncture du centre de Recherche pour l’Expansion de l’Économie et le Développement des Entreprises (Rexecode). Notre entretien balaye les grandes actualités macro-économiques de la rentrée 2024 : rivalités économiques entre la Chine et les États-Unis, impact réel des sanctions russes, signification de la chute du PMI manufacturier en France, divergences des politiques de la FED et de la BCE...

 

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Auteur : Eric Dor, est Director of Economic Studies, IÉSEG School of Management

 

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