Tribune Montebourg & Pigasse : ego, culot et puis plus rien

Heureusement que Montebourg, Picasse et Valls se sont donnés le mot pour animer un congrès du PS ennuyeux au possible. Florilège.

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Manuel Valls en juin 2014 (Crédits : Parti Socialiste, licence CC-BY-NC-ND 2.0), via Flickr.

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Tribune Montebourg & Pigasse : ego, culot et puis plus rien

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 10 juin 2015
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Par Nathalie MP.

Manuel Valls en juin 2014 (Crédits Philippe Grangeaud Parti Socialiste, licence Creative Commons)
Manuel Valls en juin 2014 (Crédits Philippe Grangeaud Parti Socialiste, licence Creative Commons)

 

Le congrès du Parti socialiste qui s’est tenu à Poitiers ce week-end promettait d’être assez ennuyeux, mais grâce aux efforts non concertés de Manuel Valls d’un côté et d’Arnaud Montebourg associé en double messieurs avec Matthieu Pigasse de l’autre, il a pris des proportions sportives inattendues. 

Ennuyeux, parce que tout ce qui est normalement au centre d’un congrès politique de ce type avait été tranché avant. Sur les quatre motions soumises au vote des militants le 21 mai dernier, la motion A présentée en soutien au gouvernement Valls par Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du parti, est arrivée en tête avec 60% des suffrages, d’autant plus facilement que Martine Aubry, qu’on croyait frondeuse, l’a rejointe. Les frondeurs de la motion B menée par le député Christian Paul ont néanmoins réussi à regrouper 29% des voix, mais on ne les a pas vus sur la photo de famille. L’ennui et la déprime du PS se sont également exprimés par le fait que le nombre de votants n’a pas dépassé 65 500, alors qu’il était de 129 000 au congrès de Reims de 2008. Des personnalités importantes du parti, telles que Ségolène Royal ou Pierre Moscovici, étaient absentes.

Quant à Manuel Valls, Premier ministre formellement conforté par ces votes, il a trouvé moyen de s’éclipser à deux reprises afin de distraire son ennui dans des conditions qui ont fait jaser. Dès le samedi après-midi, il s’envolait pour Berlin avec les moyens de l’État, comme il dit pudiquement, afin d’assister au match de football de la Ligue des Champions opposant le FC Barcelone à la Juventus de Turin, et le dimanche, on le revoyait dans les tribunes de Roland-Garros pour la finale hommes entre Djokovic et Wawrinka. Non sans avoir pris soin auparavant de bien verrouiller les retombées du week-end en se félicitant, dans un off journalistique très suivi, d’un « congrès de consolidation du parti derrière l’action du gouvernement, un congrès de dépassement du PS » en réponse aux frondeurs qui, dès samedi, avaient donné le ton : « Il y a une chose que nous ne laisserons pas faire, c’est laisser imposer au parti de Jaurès et de Blum une mue sociale libérale dont nous ne voulons pas. » 

Au même moment, Arnaud Montebourg et Matthieu Pigasse, bien calés en fond de court, disaient peu ou prou la même chose en publiant dans le Journal du Dimanche une tribune particulièrement hostile à la politique du gouvernement. Le réquisitoire Pigasse Montebourg, c’est d’abord un relevé de situation, et de ce point de vue-là, il est assez facile de trouver des points de convergence.

Passons sur l’introduction apocalyptique et vaguement incohérente dans laquelle le duo s’alarme d’un désastre imminent, à savoir la possible arrivée au pouvoir du Front National qui fait peser une menace sur la démocratie (« Hébétés, nous marchons droit vers le désastre ») tout en déplorant dans le même paragraphe qu’on en parle : « peut-être serait-il nécessaire que nos dirigeants cessent de commenter ce que fait ou dit le FN. » À vrai dire, Montebourg et Pigasse proposent qu’on parle moins du FN et qu’on s’attaque un peu plus à un facteur dynamisant de ce parti, l’explosion du chômage. On ne peut qu’être d’accord, les incantations anti-FN, comme celles de Valls avant les élections départementales, n’ont jamais fait une politique. Attendre un retournement conjoncturel qui tarde à venir non plus, je l’ai souvent dit dans mes articles, et je partage volontiers ce paragraphe de leur tribune du JDD :

« Il faut refuser de se contenter d’attendre que la croissance revienne, comme s’il s’agissait d’un phénomène météorologique ou du cycle des saisons. Il faut refuser de se féliciter quand est annoncée, pour 2015, une progression du PIB de 1% environ, après trois années de croissance zéro. Ce n’est pas suffisant pour faire baisser le chômage et c’est surtout un « effet d’aubaine », engendré par trois facteurs indépendants de la volonté du gouvernement : la chute du prix du pétrole, la baisse de l’euro par rapport au dollar, la faiblesse historique des taux d’intérêts, trois phénomènes par ailleurs non durables. »

Par contre, je partage fort peu la cause, l’unique cause, identifiée par Arnaud Montebourg et Matthieu Pigasse. Leur tirade vise certes le gouvernement, mais ce n’est qu’un premier abord. En réalité, la véritable cible à abattre encerclée dans leur collimateur, c’est Bruxelles, c’est l’Union européenne, c’est cette Europe « qui va finir par engloutir la démocratie de notre pays. » C’est cette Europe qui aurait « décrété l’austérité idéologique et fiscale sans précédent (…) docilement exécutée par le gouvernement actuel de notre pays. »

Commençons par dire qu’il faut vraiment avoir perdu le sens des mots pour parler d’austérité en France. On sait que la part de la dépense publique dans le PIB ne fait que croître et qu’elle a atteint aujourd’hui le sommet de 57,7%. Et on sait depuis le dernier rapport de la Cour des comptes publié fin mai sur l’exécution du budget de l’État 2014, que la dépense de celui-ci augmente sans cesse, portant le déficit budgétaire 2014 à 85,6 milliards d’euros soit près de 11 milliards de plus qu’en 2013, tandis que les rentrées fiscales, même alourdies (+4,9 milliards de hausse pour la TVA par exemple), ne sont pas exactement au rendez-vous.

L’Union européenne ne demande pas à la France d’augmenter les impôts. Elle lui demande de maintenir ses dépenses afin de ne pas peser sur la dette. Le gouvernement, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale étant incapables de gérer rationnellement et de ne pas dépenser à tout va pour tout et n’importe quoi (un avion par-ci pour la détente de M. Valls, et deux scanners par-là pour faire plaisir à la Martinique et la Guadeloupe, et 25 000 € de taxi pour Mme Truc de l’INA etc.), il reste l’impôt pour essayer de tenter de rentrer dans les clous d’un budget pas trop manifestement déficitaire.

Pigasse Montebourg Valls rené le honzecParlons maintenant du chômage. Dans un pays comme la France, le code du travail s’alourdit tous les jours et tout est fait pour rendre plus rigide et plus compliquée la moindre action des entreprises, le compte pénibilité étant l’exemple abouti de ce que peut demander une administration devenue follement emballée. La toute récente loi sur le dialogue social, loin de supprimer les seuils légaux à partir desquels une foule d’obligations diverses et variées tombent sur la tête des chefs d’entreprise, en crée de nouveaux. Et on arriverait à vaincre le chômage sans parler une seule fois du marché du travail ? C’est pourtant bien le tour de force ridicule auquel arrivent MM. Montebourg et Pigasse, démontrant ainsi combien leur pavé dans la mare est en réalité le fruit  d’une pensée idéologique au service d’égos surdimensionnés.

Peu importe, Arnaud Montebourg et Matthieu Pigasse, pas toujours exempts eux-mêmes d’incantations grandiloquentes, pensent « qu’il n’est pas trop tard pour encore agir et engager enfin une politique différente et innovante. Il suffirait que nos dirigeants ouvrent leurs yeux sur le précipice qu’ils ont ouvert sous nos pieds » (…) « Cela veut dire se battre pour la croissance en interrompant les politiques absurdes, inefficaces et anti-économiques de Bruxelles, et rendre sous forme de baisses d’impôts ce qui a été lourdement prélevé sur les ménages. »

Ils proposent une « coalition des pays européens » favorables à des baisses d’impôt et « acceptant que les déficits soient résorbés par la croissance mais non pas par l’austérité. » Je suis pour les baisses d’impôts. Pas seulement pour les ménages des classes moyennes spécifiquement mentionnés par Montebourg et Pigasse, mais pour tous les ménages et toutes les entreprises. Mais je crains fortement que des baisses d’impôt non associées à une baisse des dépenses ne soit que le début d’un nouveau cercle vicieux qui verra in fine la dette caracoler et les impôts ré-augmenter. Peut-être pas pour les classes moyennes, mais pour tous ceux qui sont déjà lourdement taxés aujourd’hui et qui tendent à quitter le pays, entraînant dans leur sillage moult jeunes diplômés qui seraient bien utiles à la croissance de la France.

Et rappelons-nous. Arnaud Montebourg n’était-il pas ministre du « Redressement productif » dans les précédents gouvernements jusqu’en août 2014 ? À ce moment-là, n’a-t-il pas donné une interview à deux voix aux Inrocks avec Thomas Piketty, pourfendeur peu rigoureux des inégalités galopantes et chantre de l’impôt archi-progressif ? Lorsqu’il était au gouvernement, n’a-t-il pas eu tout loisir pendant plus de deux ans, pour mener une politique économique ? Quant à Matthieu Pigasse, n’est-il pas ce banquier désintéressé qui a conseillé deux pays particulièrement en forme, la Grèce et le Venezuela ? S’il a convaincu les Grecs que tous leurs malheurs ne sont rien d’autre que le résultat de l’austérité imposée par Bruxelles, que peut-il dire aux habitants du Venezuela qui vivent une crise économique majeure et une brutalité politique extrêmement sévère pour les opposants ?

Hier matin, les réactions du Parti socialiste et du gouvernement étaient fort peu amènes à l’égard de cette fronde délocalisée au JDD. Selon Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement, « c’est le moment choisi qui fait du bruit, mais sur le fond, franchement, qu’est-ce qu’il y a ? Rien. » En revanche, Jérôme Guedj (Frondeur PS), Nicolas Dupont Aignan (Debout la République) et surtout Jean-Luc Mélenchon (Front de Gauche) se sont montrés très intéressés, ce dernier allant jusqu’à conseiller à Montebourg et Pigasse : « Faut aller au bout, les gars ! » Voilà un comité de soutien caractéristique et passéiste qui nous indique mieux qu’une boussole le chemin à ne surtout pas suivre.


Sur le web

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  • Excellente analyse. Hélas…

  • Pigasse il est dans son rôle, Lazard aide aujourd’hui les pays qui font faillite.
    Son intérêt c’est la faillite du pays. Plus grosse sera la faillite, en pourcentage des sommes à négocier avec des créanciers, plus grosses seront ses commissions.

    Faillite=gros sous pour cette sympatrique banque « sociale » et « solidaire » dont le siège social et les est aux Bahamas.

    Effectivement en digne représentant de l’investissement offshore, il est qualifié pour donner des leçons d’éthique sociales.

    Vous n’avez pas compris. Pour Pigasse, croissance c’est des commissions qu’il touchera pour son activité de « conseil en redressement de dettes d’état ». Lutter contre l’austérité, c’est lutter pour que toujours l’état confie quelques mission de conseils (mise en place de la BPI) et autres contrats qui remplissent sa gamelle.

  • Cette impression de violence et d’intolérance que laissent les « crises » à répétition de Mr.Valls…. Pire : elles ne lui en reste aucun remord, aucune honte.

  • ouf ! :
    elles ne lui en laissent

  • Ce banquier fait du lobbying pour la Grèce : mal me semble-t-il .

  • bonsoir ,j’espère que l’auteur n’a pas pensé que le citoyen ordinaire ait cru aux billevesées de ces Messieurs !

  • Les commentaires sont fermés.

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