Un modèle de père : Hassan Jarfi, musulman, honorant son fils homosexuel

Le père d’Ihsane Jarfi a décidé de combattre l’homophobie dont a été victime son fils. Un témoignage poignant.

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Islam (Crédits : zbigphotpgraphy, licence CC-BY-NC-ND 2.0), via Flickr.

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Un modèle de père : Hassan Jarfi, musulman, honorant son fils homosexuel

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 11 février 2015
- A +

Par Farhat Othman.

Islam credits zbigphotpgraphy (licence creative commons)
Islam credits zbigphotpgraphy (licence creative commons)

 

Le 6 février 2014, une fondation particulière est née en Belgique avec pour nom Ihsane Jarfi, un jeune retrouvé mort le 1er mai 2011 après avoir été séquestré et martyrisé le 22 avril par quatre autres jeunes animés d’une pulsion homophobe.
La particularité de cette fondation est bien plus que d’avoir pour objet l’assistance aux victimes d’agressions discriminatoires et homophobes et le soutien à des campagnes de sensibilisation visant le grand public.
Ce qui fait sa spécificité est qu’elle est l’initiative d’un père éploré, s’identifiant à son fils homosexuel, honorant sa mémoire et défendant son choix de vie, son droit d’être gay.

Un père exemplaire

Ce père, Hassan Jarfi, est d’autant plus exemplaire que lui comme son fils sont de confession musulmane et croient que l’islam est loin d’être homophobe ainsi que le laissent croire les lois ignominieuses et criminelles dont des régimes dictatoriaux, se prétendant musulmans, usent et abusent dans le seul but de dominer leur société, castrer ses élans vers la liberté.
Ce papa exemplaire doit donc inspirer tous les parents musulmans qui sont appelés à soutenir la cause juste de leurs enfants, garçons et filles, contre l’impérialisme de leurs gouvernants violant non seulement leur religion, mais martyrisant en sus leurs enfants.

Outre cette fondation, Hassan jarfi, qui avoue avoir eu sa vie totalement transformée par ce terrible drame, a écrit un livre en mémoire de son fils, intitulé Le couloir du deuil, édité en 2013 chez Luc Pire, en Belgique.
Ce témoignage si digne pour Ihsan relève de ce qu’on appelle en littérature un tombeau, un poème en hommage à un défunt.
Comme le dit si joliment son préfacier, le professeur de philosophie politique de l’université de Liège, Édouard Delruelle, c’est un livre de douleur et de douceur, de colère et de dialogue, une méditation sur ce qui nous échappe.

Un modèle pour tous les parents

Comme il est dit dans cette préface, Ihsane a été l’origine et l’horizon des douleurs de son papa, originaire de Casablanca : celles du déracinement et de l’intolérance, mais aussi de l’exil et de la pauvreté de l’enfance.
Il a été aussi cette douceur qui caractérise le livre de bout en bout et qui était la nature même du disparu, marquant la vie de ses parents, son papa surtout baignant dans l’amour infini d’humanité des soufis, seuls musulmans capables de Dieu, de cette sérénité faisant cruellement défaut en ce monde.
Mais Le couloir du deuil est également un livre de colère d’un père, une colère qui est toutefois, ainsi que le précise le préfacier « sans haine, mais brûlante ».
Jarfi père écrit en effet : « Ma tolérance, ma religion, le fait que je sois papa d’un garçon gay me poussent à agir. Je suis en colère. Ihsane ne me sera pas rendu. Alors je dois maîtriser cette colère et l’orienter positivement ».

Voilà en quoi l’action exemplaire de M. Jarfi est à suivre, méritant que tous les parents musulmans mettent leurs pas dans les siens en prenant le parti de leurs enfants persécutés pour leur mode de vie, et ce qu’ils soient ou non gays.
Car être gay — M. Jarfi en est désormais convaincu, son enfant perdu le lui ayant démontré amplement lors de sa trop brève vie —, c’est être doté d’une sensibilité extrême si rare de nos jours, avoir une humanité, une grâce quasiment divine. Elle est pareille au charisme des bienheureux venus sur terre racheter les turpitudes humaines au point de s’offrir en sacrifice, leur martyre en étant la rédemption nécessaire.
Le livre de M. jarfi est donc à lire d’urgence et à méditer par tous les papas et mamans du monde, pas seulement musulmans, l’ouvrage étant surtout une invitation au dialogue.
On y comprend notamment à quel point le partage du meilleur dans chaque culture est possible, que l’islam peut être respectueux de tous, y compris des homosexuels si l’Europe elle-même ne sombre pas dans l’islamophobie.
« Il est urgent d’y travailler tous ensemble : qui entendra ce message ? » dit avec raison M. Delruelle qui valorise le caractère de méditation de ce témoignage poignant sur ce qui échappe aux humains réduits à leurs petitesses.
En avouant ne pas comprendre la motivation des assassins d’Ihsane, une « violence gratuite, sans « raison » ni « passion ». Une violence sans adresse », le philosophe préfacier s’étonne comment on peut arriver « à un tel point de désocialisation et de déshumanisation ? »

Ihsane Jarfi, paraclet des turpitudes humaines

C’est assurément le Mal produit par la confusion des valeurs qui marque ce monde, confusion surtout prégnante dans les États arabes islamiques prétendant respecter les droits de l’Homme tout en gardant en vigueur des lois scélérates, bien moins pour leur prétendu caractère moral que pour dominer leur société, réduire ses élans pour la liberté et la dignité.
Le martyre d’Ihsane met tout le monde face à cette question abyssale, une énigme dont la solution existe pourtant ; elle est dans le cœur de tout un chacun s’il sait l’écouter et aimer autrui comme on aime être aimé, l’autre n’étant que soi-même !

C’est ce qui est en mesure de donner une infinité à notre humaine finitude. Or, cela nécessite des paraclets qui, par leur sacrifice, sanctifient l’amour sous toutes ses formes, Dieu n’étant qu’amour. Ihsane fut ainsi l’un des paraclets dont la venue est établie par le soufisme quand l’espoir disparaît et que la haine, la cruauté, comme c’est le cas aujourd’hui, gagnent les cœurs.

Si Le couloir du deuil d’Hassan Jarfi est un triple couloir tel que le relève le professeur Delruelle : de rêve, de peine et de tortures, il est certainement de même la scala-santa des âmes qui rachètent notre monde enlaidi par l’abjection humaine. L’esprit d’Ihsane Jarfi en a été, et il est heureux que sa mission sur terre soit prolongée par ceux qui le chérissent, ainsi que le fait à merveille son papa chéri avec sa fondation. Un humain meilleur s’édifie de la sorte, moins réduit à son humus que sublimé par ce qu’il a de spirituel.

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  • Voici une preuve parmi d’autres que le prophète n’appréciait pas l’homosexualité dans Bukhari :
    http://www.hadithdujour.com/hadiths/hadith-sur-Le-Prophete-a-maudit-les-hommes-effemines-et-les-femmes-masculines_1335.asp

    La sourate 7, versets 80-84 ne laisse pourtant aucun doute qu’en à l’interdiction de l’homosexualité par Dieu :
    80. Et Lot, quand il dit à son peuple : « Vous livrez vous à cette turpitude que nul, parmi les mondes, n’a commise avant vous?

    81. Certes, vous assouvissez vos désirs charnels avec les hommes au lieu des femmes! Vous êtes bien un peuple outrancier. »

    82. Et pour toute réponse, son peuple ne fit que dire : « Expulsez-les de votre cité. Ce sont des gens qui veulent se garder purs » !

    83. Or, Nous l’avons sauvé, lui et sa famille, sauf sa femme qui fut parmi les exterminés.

    84. Et Nous avons fait pleuvoir sur eux une pluie Regarde donc ce que fut la fin des criminels!

    • « Vous livrez vous à cette turpitude que nul, parmi les mondes, n’a commise avant vous? »
      Lol.

    • surinterprétation flagrante. La sourate n’interdit rien, et elle rappelle que Dieu règle ses compte lui-même si et quand il le souhaite. Le crime qui a valu leur châtiment aux sodomites n’était d’ailleurs pas l’homosexualité mais la violation de l’hospitalité

      • En quoi consiste la violation de l’hospitalité?

        • Lot plaide : « Seulement, ne faites rien à ces hommes puisqu’ils sont venus à l’ombre de mon toit. »
          la réponse :
           »
          Ils dirent: Retire-toi! Ils dirent encore: Celui-ci est venu comme étranger, et il veut faire le juge! Eh bien, nous te ferons pis qu’à eux. Et, pressant Lot avec violence, ils s’avancèrent pour briser la porte. « 

  • Chers amis,
    J’ai déjà répondu dans un essai, paru en arabe et en français, à toutes les questions que vous vous posez. Je confirme donc ici qu’il n’y a aucune prohibition de l’homosexualité dans le Coran.
    En un mot, il n’y a pas de prescription dans le Coran, contrairement à la Bible, juste des récits rappelant une tradition judéo-chrétienne.
    D’ailleurs, je récuse le terme d’homosexualité, création tardive de l’Occident, et propose celui d’homosensualité, et d’une façon générale d’érosensualité, pour qualifier le rapport arabe au sexe.
    Je signale, par ailleurs, que mon essai a fait l’objet de plusieurs comptes-rendus sur le Net (notamment sur Huffington Post Maghreb) et que le texte en arabe est disponible en libre accès sur mon blog.
    Amitiés

  • Ah bon ! des Egyptiens il me semble ont été tués pour ce crime, l y a quelques années, des punitions atroces en Arabie Saoudite, Pakistan et Indonésie. LE CHOIX en Iran, si tu es Homo, fais toi opérer pour devenir femme (une idée « folle! » de l »A. Khomeyni) ce pays étant devenu le premier au monde à transformer les Hommes en femmes, pour le plus grand malheur de ceux qui voulaient rester homme.
    Que leur reste-t-il ? Le mariage provisoire ! (prostitution légalisée par un iman qui s’enrichit !) avec à la fin le divorce express !
    Tous les experts savent cela, mais aucun merdias de gauche ne les publiera..

    « En quoi consiste la violation de l’hospitalité? » Pierre vous aurez 10/10. ahahaah

  • Je suis assez surpris de trouver un article comme ça sur ce site !!!!
    je ne vais pas débattre du fond, mais de la forme.

    Ce site a quand meme une connotation politique non ? au mieux cet article est un hors sujet pour relater une belle histoire, mais là je crois que c’est de la pure propagande.

    Cette méthode par l’exemple marginal est digne du PS.

    • C’est vous qui êtes hors sujet, Monsieur, étant manifestement hors sentiments humains !
      Il n’ y a qu’un fond dans cet article, aucune forme; un fond qui vous a échappé, étant apparemment insensible à la misère humaine.
      N’oubliez surtout pas que tout est politique, car le vrai sens de politicus, c’est d’être attentif à la vie de tous les jours des citoyens !
      Cultivez donc les sentiments au lieu de cultiver la critique oiseuse, car il n’y a aucune propagande dans ce que vous n’avez même pas lu, sinon vous n’auriez pas cherché midi à quatorze heures !

      • Pas sûr, vous relatez une histoire qui est certes belle sur le plan humain, je ne le conteste pas, mais combien d’homo sont morts ou sont reniés par leurs familles au nom de la religion ?
        Vous en êtes même à présumer que je n’ai pas de sentiments, c’est fort !

        Un bel exemple parmi des milliers d’homos souffrants…

        • Cher Monsieur,
          Ce qui est fort, c’est de juger comme propagande ce qui ne l’est pas.
          Vous avez lu l’article, tant mieux, et autant pour moi !
          Vous auriez dû alors dû être sensible à la cause relatée.
          Certes, le nombre d’homos tués (et ce sont même des États musulmans qui le font) ou reniés par leurs familles ne manque pas.
          Mais justement, le cas de ce père qui ne renie pas son fils, s’identifiant même à lui, est assez rare pour être signalé, d’autant plus qu’il est musulman.
          Voilà à quoi vous n’avez pas été sensible, tout étant injuste en sus, me taxant de faire ce à quoi ne j’ai pas pensé un seul instant.

          • @ F.Othman

            A partir du moment où ce père a changé son avis sur l’homosexualité, cela n’avait plus aucun sens qu’il renie son fils pour une cause qui est devenue la sienne.

            Or changer son avis sur l’homosexualité n’a plus rien de rare, c’est à la mode depuis plusieurs décennies en Occident (Belgique y compris), à tel point qu’on se dirige aujourd’hui dans l’extrême opposé.

            J’aurais trouvé cette histoire « libérale », si le père, tout en gardant son ressentiment contre l’homosexualité avait malgré tout créé une fondation contre les discriminations, qui s’attaque à tous les comportements qui s’en prennent à la liberté individuelle.

            • @ aloygah
              En l’occurrence, il ne s’agit pas de changer d’avis, mais d’identification à la cause du fils, drame aidant.
              Le papa milite aujourd’hui comme si c’était le fils; sinon plus, à travers la fondation portant le nom d’Ihsane Jarfi.
              S’agissant de ce que vous signalez, ce n’est pas encore le cas en terre d’islam où on assassine en toute légalité les homos en Iran et en Arabie saoudite et, dans le meilleur des cas, on les emprisonne.
              C’est toujours le cas en Tunisie comme au Maroc, supposés être assez avancés en matière de tolérance.

              • @ F. Othman

                Pour s’identifier à une cause, il faut être convaincu de la cause, et s’il ne l’était pas avant, et qu’il l’est maintenant, il y a bien eu changement d’avis, du moins c’est ce que j’ai cru comprendre de votre article.

                Donc, on dira que le but de votre message est surtout d’essayer de trouver un écho favorable dans la francophonie du Maghreb qui pourrait être susceptible de tomber sur ce site, et dans celle immigrée dans nos pays qui n’a pas vraiment encore assimilé nos valeurs.

          • ah, on ne s’est pas compris alors, vous avez ; sans le vouloir ; utilisé un style qui est assimilé à de la propagande par tout les opposants au régime de france.

            Par analogie, en france, on a des médias (à la solde du pouvoir) qui fond la promotion d’idéologie en montrant des exemples. Seulement les exemples montrés ne sont pas représentatifs de la masse, mais servent la cause du pouvoir.

            • Cher ami,

              Tant mieux !
              Sachez que je suis un homme libre qui pense en toute liberté, ne servant aucun pouvoir.
              Et si je m’oppose à quelque chose dans ce que j’écris, c’est au conformisme logique, au politiquement (au sens large) correct et à tout dogmatisme, qu’il soit religieux ou profane.

              Amitiés

      • « Ce papa exemplaire doit donc inspirer tous les parents musulmans qui sont appelés à soutenir la cause juste de leurs enfants »

        La plupart des gens n’ont aucun problème à soutenir une cause qui leur paraît juste. C’est pourquoi il suffit de convaincre de la justesse d’une cause pour obtenir l’appui de gens, ce que fait cet article et comme le dit l’ordure, va bien dans la méthode du PS… 

        A l’inverse, le libéralisme ne tente pas de convaincre de la justesse d’une cause, mais il cherche à dire que même quelque chose qui ne paraîtrait pas juste, doit être soutenu, si cela va dans le sens de la liberté individuelle. Cette différence est fondamentale!!

        « Car être gay — M. Jarfi en est désormais convaincu, son enfant perdu le lui ayant démontré amplement lors de sa trop brève vie —, c’est être doté d’une sensibilité extrême si rare de nos jours, avoir une humanité, une grâce quasiment divine. »

        On ne peut donc pas être gay en ayant une sensibilité « normale »? La plupart des actions militantes homosexuelles revendiquent pourtant cette reconnaissance de « normalité »… 

        « objet l’assistance aux victimes d’agressions discriminatoires et homophobes »

        Est-ce que cette association aurait défendu le patron de Mozilla, qui a été poussé à la démission, parce qu’il désapprouvait le mariage homosexuel, ce qui est un cas évident de discrimination?

        « Dieu n’étant qu’amour »

        Croyance bien personnelle de l’auteur, qui n’est pas partagée par de nombreux théistes, considérant Dieu comme étant également justice et bien plus encore… 

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