La défense est-elle « nationale » ?

Domaine régalien par excellence, la défense dite « nationale » peut-elle échapper à l’État ?

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La défense est-elle « nationale » ?

Publié le 22 janvier 2012
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A priori, la défense est un domaine où la souveraineté nationale semble absolue. Domaine régalien par excellence, la défense dite « nationale » peut-elle échapper à l’État ?

Un article de l’aleps

Dans de précédents articles, nous avons montré comment il est possible de se passer du « Tout-État » dans les domaines de l’enseignement, de l’université, de la protection sociale (santé et retraites), de l’énergie, des transports, de la monnaie et de la finance. Mais peut-on imaginer que les fonctions « régaliennes » soient assurées par des entreprises privées ? Après avoir traité des questions de justice et de police, nous abordons aujourd’hui le domaine régalien par excellence, la défense : peut-elle échapper à l’État ?

La stratégie, les armes et les opérations

La défense recouvre trois réalités différentes. La stratégie est une étude de l’environnement international et des moyens de se protéger contre une menace ou une agression extérieure. Elle est affaire de renseignements, de diplomatie, elle dépend de choix éthiques sur la paix, la liberté, la condition humaine. Se doter des armes jugées nécessaires est un choix politique mais aussi financier, car il conduit à s’adresser à un marché mondial dont la transparence n’est pas toujours limpide. Enfin, les opérations sont menées sur le terrain par des armées, et les militaires ont la plupart du temps le statut de fonctionnaires. Ces trois éléments qui constituent la défense dite « nationale » peuvent-ils échapper à l’État ?

Alliances et organisations stratégiques

A priori, voilà un domaine où la souveraineté nationale semble absolue. Pourtant, les alliances sont aussi vieilles que le pouvoir politique. Certes elles peuvent se défaire aussi vite qu’elles se font. Mais les princes et les gouvernants ont eu souvent tendance à les institutionnaliser : la féodalité instaure des liens de suzerains à vassaux, la Sainte Alliance de 1815 gère les affaires européennes pendant un demi-siècle. Aujourd’hui, la défense s’organise difficilement au niveau d’un seul État, même s’il dispose de l’arme nucléaire, et la stratégie est définie dans le cadre et avec l’appui d’organisations pluri-nationales, comme l’OTAN. Les États ont donc consenti de nombreux abandons de souveraineté, ils pouvaient difficilement faire autrement.

Le marché mondial des armes

Ici on a un pied dans la logique marchande, un pied dans la logique politique. La production d’armes n’est plus systématiquement confiée à des administrations publiques nationales, les derniers arsenaux français ont disparu. Dans le domaine des avions de combat ce sont des firmes privées (Boeing, Dassault) qui proposent leurs produits. De même l’électronique, le nucléaire et le spatial sont la plupart du temps marchands. Cependant, le choix du fournisseur, et le prix que l’on est prêt à payer, appartiennent encore aux autorités publiques nationales. C’est souvent l’occasion de financements occultes, et les interférences entre les marchands d’armes et les formations politiques sont nombreuses et suspectes. De la fourniture d’armes aux « contras » nicaraguayens aux « rétrocommissions » de Karachi, les scandales se sont multipliés.  

Les armées contemporaines

L’histoire nous révèle des alternances surprenantes sur la constitution et le fonctionnement des armées. Dans la République de Platon, les guerriers constituent une classe privilégiée dont les membres sont sélectionnés sur leurs aptitudes physiques. De même la féodalité reposait-elle sur la location des services d’hommes forts et courageux, payés par les seigneurs eux-mêmes entretenus par les populations protégées. Les mercenaires constitueront la base des armées au moment de la constitution des grands royaumes européens, mais si les soldats sont privés, les chefs sont publics. Les soldats cessent d’être privés avec l’apparition de la conscription, qui remonte vraisemblablement à la Révolution Française. Ces armées nationales, composées de civils déguisés en soldats, sont loin d’avoir les vertus des armées de métier. La vie des soldats par devoir n’a pas de prix, leur formation et leur entretien sont réduits au minimum. Après les grandes guerres mondiales et la guerre du Viet Nam, cet « impôt du sang » a paru trop lourd et trop inégal. L’idée de revenir aux seules armées de métier a fait son chemin. L’évolution va aujourd’hui plus loin : vers de véritables armées privées, louant leurs services aux gouvernements : les Britanniques ont eu recours à la société Blackwater en Irak, les sociétés militaires privées sont présentes en Afghanistan (plus de mercenaires que de troupes « régulières »), les milices armées se multiplient en Asie du Sud Est.

Le monopole de l’État en matière de défense est donc bien entamé. Que va-t-il rester de l’État ?

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  • Je pense que la défense doit rester nationale.
    Les Hommes ont fondé l’Etat, monopole de la violence coercitive, pour des raisons claires: défendre les citoyens en neutralisant les criminels, en empêchant les invasions extérieures et en défendant les intérêts de la Nation à l’étranger.
    Cela suppose que L’Etat soit plus efficace que des agents privés pour assurer la Justice, la Police et la Défense Nationale.
    Le rôle des armées nationales n’a été que renforcé par la fin de la guerre froide: le droit d’ingérence, théorisé par Jean François Revel, est aujourd’hui un principe valide et internationalement reconnu.
    Cela dit, je ne m’oppose bien sur pas à l’existence de sociétés militaires privées, capables d’apporter un complément opérationnel appréciable pour les armées étatiques.

     » a few more boots on the ground, at a lower cost « 

  • cet article est plein de fautes grossières :

    1) la conscription existe depuis Hammurabi, Chine de la Grande Muraille, Sparte et assez généralisé au niveau du Seigneur local au Moyen-Age. La conscription dans l’Etat-Nation a été concrétisée à grande échelle par la Révolution Française, oui, mais parce que le concept de nation était nouveau, pas le système en soi. La conscription existe d’ailleurs toujours en France, elle est simplement suspendue. Aux USA elle existe sous la forme du Selective Service System. De plus ce n’est pas « l’impôt du sang » qui a fait « abolir » la conscription, mais le fait que l’on mette en pratique une chose déjà connue : l’armée de métier est infiniment plus efficace que l’armée d’appelés où 90% des recrutés n’ont pas d’avantage militaire décisif et servent en gros de « réserve ».

    2) Blackwater ( qui n’existe plus et dont le fondateur a eu des démêlés avec la justice US) est une entreprise US et non Britannique. Ce type de forces ne remplace en rien les armées nationales à grande échelle et sert surtout de « bodyguard ». Oui il y a plus de « contractors » en Afghanistan que de troupes mais 98% sont soit des Afghans soit des immigrés qui font la cuisine, lavent le linge etc… Une infime partie est reliée à des missions militaires si ce n’est que de faire du « bodyguard ».

    3) la plupart des entreprises de défense (surtout dans l’aréonautique) ont toujours été privées à quelques exceptions prés. Boeing est un mauvais exemple car sa contribution militaire à part de faire des ravitailleurs basés sur des avions civils est aujourd’hui minime. Dans le secteur terrestre ou naval c’est un peu différent du à quelques entreprises nationalisées à l’époque et surtout un phénomène français. On s’est toujours servi de l’ingiénerie civile (avions, véhicules, navires et même à qui on a passé des commandes spécifiques au lieu armes à feu) d’inventer des « usines militaires » à partir de zéro.

    4) l’article se base sur un malentendu bien français qui ne fait pas la différence entre un service public et le fonctionnariat. Une entreprise peut très bien fonctionner comme service public (avec des normes définies et strictement contrôlée par l’Etat ou les collectivités locales) sans que ses employés soient des fonctionnaires au sens français (employés à vie, avantages spéciaux etc..). En Suède les enseignants, l’hôpital par exemple ne sont pas fonctionnaires, mais employés en gros sur la base du privé. D’ailleurs la part du privé « pur » dans ces secteurs y est négligeable. La « privatisation » de certaines parties de la défense dans les pays occidentaux, USA compris, est un épiphénomène et qui d’ailleurs a causé beaucoup de problèmes comme l’épisode Blackwater l’a montré. Cela n’a rien à voir avec un système régalien d’armée de métier ou de non-conscription en temps de paix, car ceci est un problème surtout d’efficacité et non de remise en question du rôle de l’Etat dans une société démocratique, sauf par quelques néoconservateurs.

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