Donald Trump, le 45ème et dorénavant 47ème président des États-Unis, n’est en fonction que depuis six semaines. Les fameux cent jours à partir desquels on aime analyser la dynamique d’un nouveau gouvernement ne sont même pas atteints et il pourrait sembler hasardeux, voire absurde, de porter un jugement sur les premiers pas de la nouvelle administration américaine. C’est pourtant le président Trump lui-même qui nous y invite.
Dans son long discours sur l’état de l’Union prononcé avant-hier (mardi 4 mars 2025) devant le Congrès, il s’est prévalu des 100 décrets et des 400 mesures exécutives qu’il a signés ces dernières semaines pour se rallier à l’opinion exprimée par “beaucoup” que ses premiers jours à la Maison-Blanche ont été les plus réussis de toute l’histoire des États-Unis ! Encore mieux que George Washington, c’est dire !
Trump: It has been stated by many that the first month of our presidency, is the most successful in the history of our nation. And what makes it even more impressive is that, you know the number two is? George Washington pic.twitter.com/0IzxMUUGeR — Acyn (@Acyn) March 5, 2025
De quoi se sentir à l’aise pour examiner dès maintenant si le nouvel “âge d’or de l’Amérique” promis par Donald Trump est effectivement en vue.
1 · Le DOGE et les équilibres budgétaires
Selon mon tropisme libéral conjugué à la désespérante trilogie française “dépenses- impôts-dette”, c’est avec un grand intérêt que j’ai vu arriver la mise en place du DOGE, ou Département de l’efficacité gouvernementale, dont le principe de réduction des dépenses inutiles ou non pertinentes pourrait utilement inspirer la France. Il faut savoir que si les dépenses publiques américaines ne représentent au total que 37 % du PIB et si, parmi elles, les dépenses de l’État fédéral (objet du DOGE) n’excèdent pas 23 % du PIB, la dette publique des États-Unis atteint quand même environ 115 % du PIB. D’où un ambitieux programme de “chasse au gaspi” piloté par Elon Musk dans les entités fédérales américaines.
Le problème, parce qu’il y a problème, c’est d’abord que ce programme a été mis en œuvre de façon tellement brouillonne qu’on a vu des personnels licenciés être réembauchés quelques jours plus tard, que les annonces triomphalistes sur les économies réalisées se sont accompagnées d’erreurs de débutants (par exemple l’affaire des préservatifs prétendument distribués dans la bande de Gaza pour 50 millions de dollars) et que les sommes effectivement économisées pour l’instant sont très en-deçà des annonces en question.
Le Wall Street Journal indiquait fin février que les 55 milliards de dollars de réduction de dépenses avancés par l’administration Trump ne se montaient en fait qu’à 2,6 milliards, comme le montre le schéma ci-dessous :
À noter que seulement 2 % de ces économies correspondent à des coupes dans les programmes “woke” de DEI (diversité, équité et inclusion). Autant je suis parfaitement alignée sur Trump quand il dit dans son discours que les médecins, les comptables, les avocats ou les contrôleurs aériens doivent être recrutés et promus sur la base de leurs compétences, pas en fonction de leur sexe ou de leur origine ethnique, autant il semblerait que son affirmation selon laquelle il a mis “fin à la tyrannie des politiques dites de diversité, d’équité et d’inclusion dans l’ensemble du gouvernement fédéral” soit quelque peu exagérée. Ou alors il faut croire que ces politiques représentaient finalement peu de choses dans la totalité des dépenses fédérales.
À noter également qu’Elon Musk, en charge du DOGE, est lié à l’État fédéral (au Pentagone, notamment) pour environ 38 milliards de dollars de contrats sur plusieurs années à travers ses entreprises Tesla (véhicules électriques) et Space X (espace). C’est exactement ce qu’on appelle être juge et partie, sans parler de toutes les dérives vers le capitalisme de connivence que sa position lui permet.
À noter enfin que la Cour suprême des États-Unis (dans laquelle six juges sur neuf ont pourtant été nommés par des présidents Républicains) a validé hier soir (mercredi 5 mars) par cinq voix contre quatre une décision de justice enjoignant au gouvernement fédéral de reprendre des paiements de l’USAID qu’il avait gelés pour 90 jours.
Le problème, c’est ensuite que malgré la médiatisation en fanfare de coupes budgétaires largement surestimées, les Républicains de la Chambre des représentants ont réussi à faire adopter une résolution budgétaire qui aura pour effet d’aggraver le déficit, non de le combler. L’unique représentant du camp Républicain ayant voté contre, Thomas Massie, a expliqué que face à des baisses d’impôt considérables, la réduction des dépenses n’était pas à la hauteur et conduirait à un déficit de l’ordre de 300 milliards de dollars par an :
The GOP budget extends the 5 yr. tax holiday we’ve been enjoying, but because it doesn’t cut spending much, it increases the deficit by over $300 billion/yr. compared to letting tax cuts expire. Over 10 years, this budget will add $20 trillion to US debt.pic.twitter.com/JZ2tDoTHI6
— Thomas Massie (@RepThomasMassie) February 25, 2025
Un vote définitif doit intervenir dans quelques semaines, le temps de mettre au point tous les détails de cet invraisemblable budget.
2 · Les “Tariffs”, l’inflation par les coûts et la croissance
Donald Trump l’avait annoncé pendant sa campagne électorale : outre qu’il ne veut plus voir de fentanyl traverser ses frontières nord et sud (ce qui, pour le Canada, ressemble plus à un prétexte qu’à une réalité), il n’allait pas laisser les États-Unis se faire “escroquer par pratiquement tous les pays de la planète” par le biais du commerce international. Sa riposte est maintenant en place. Depuis mardi dernier (le 4 mars), le Mexique, le Canada et la Chine se voient appliquer des droits de douane de 25 % pour les deux premiers et de 10 % venant s’ajouter aux droits existants de 10 % pour la dernière. D’autres tarifs douaniers sont envisagés pour l’Europe et d’autres zones commerciales.
Tout libéral sait que cela aura pour effet de renchérir le prix des produits d’importation pour l’acheteur, qu’il soit le consommateur final ou une entreprise qui a besoin d’importer certains éléments nécessaires à sa production. In fine, tous les consommateurs en pâtiront. Mais pour Donald Trump, qui a reconnu dans son discours qu’il pourrait y avoir quelques “perturbations” au départ, ces droits nouveaux seront payés par les exportateurs étrangers et, en remplissant les caisses de l’État fédéral, vont permettre de baisser les impôts des citoyens américains et protéger la production et les emplois. Un sacré changement de pied par rapport à l’époque (2018) où il signait, sous le nom de USMCA, le renouvellement de l’accord de libre-échange nord-américain avec le Mexique et le Canada.
Pourtant, dès l’annonce des nouveaux “tariffs”, la bourse américaine a commencé à chuter, l’inflation donne à nouveau des inquiétudes et les prévisions de croissance de l’économie américaine sont revues à la baisse. En l’espace d’une semaine, l’agence de notation Moody’s est passée d’une prévision de 2,3 % à 1,2 % en taux annualisé pour le premier trimestre 2025. Quant aux entreprises américaines, elles tirent la sonnette d’alarme. Il semblerait cependant que l’industrie automobile ait été entendue : Trump a décidé hier soir (mercredi 5 mars) de lui accorder un répit d’un mois. “Afin qu’ils ne subissent pas de désavantages économiques” a précisé la porte-parole de la Maison-Blanche Karoline Leavitt. Tiens, tiens, il y aurait des désavantages économiques ?
On tombe à la renverse devant ce qui ressemble de plus en plus à un pilotage à la fois à vue et à tombeau ouvert. Mais ce n’est pas fini ! Quelques exemples de plus :
3 · Epstein, rougeole et poules pondeuses
La nouvelle procureure générale des États-Unis Pam Bondi avait assuré que les dossiers concernant Jeffrey Epstein, ce criminel sexuel accusé de trafic de mineures dans lequel plusieurs personnalités de premier plan seraient impliquées, étaient sur son bureau, qu’elle était en train de les passer en revue et qu’ils seraient ensuite divulgués. Selon le New York Post, les documents étaient susceptibles de contenir des révélations fracassantes, dont une liste des clients d’Epstein. Et de fait, après une intense campagne de “teasing” destinée à faire monter les attentes, il y eut bien divulgation de documents… tous moins intéressants les uns que les autres, dans la mesure où ils n’apportaient aucune information nouvelle par rapport à ce que l’on sait déjà de cette sinistre affaire.
De son côté, le secrétaire en charge de la santé des Américains Robert Kennedy Jr a entamé son mandat dans l’administration Trump par une épidémie de rougeole particulièrement ciblée au Texas. On compte à ce jour environ 150 cas confirmés et le décès d’un enfant d’âge scolaire, une première depuis dix ans. Connu pour sa croisade anti-vaccins, notamment parce qu’il fait un lien (infondé) entre vaccins et autisme, le secrétaire a commencé par expliquer tranquillement que ce type d’épidémie n’était pas inhabituel.
Mais devant la montée en puissance du phénomène et le constat que plus de la moitié des malades n’avaient pas été vaccinés, l’autre petite moitié ayant un statut vaccinal inconnu, il a fini par avaler son chapeau. Dans une tribune publiée il y a quelques jours sur Fox News, il encourage dorénavant les parents à faire vacciner leurs enfants contre la rougeole ! Autrement dit, la désinformation sur les vaccins vient de se fracasser sur le mur du réel. Inutile de dire que, tout comme pour les “Epstein Files”, l’incompréhension est grande du côté des plus ardents supporters de Donald Trump.
À propos d’épidémie, n’oublions pas la grippe aviaire qui décime les poulaillers américains et fait caracoler le prix des œufs. Par chance, la secrétaire à l’Agriculture a une super idée à proposer à ses concitoyens pour contrer cette inflation du quotidien : et pourquoi n’élèveraient-ils pas leurs propres poules dans leur jardin ? On dirait qu’on a trouvé l’Aurore Bergé du Nouveau Monde !
Quant à la guerre russe en Ukraine, j’ai déjà parlé ici de l’inversion des valeurs américaines opérée par Donald Trump et son vice-président J. D. Vance, inversion qui leur fait exiger beaucoup de l’agressé et absolument rien de l’agresseur. Je n’y reviens donc pas plus.
Appréciation finale : peut beaucoup mieux faire, comme on dit dans les écoles. Pour l’instant, ça commence plutôt mal, n’en déplaise à Mister Trump.
Cet article reprend de très nombreuses critiques que l on retrouve typiquement dans les medias meanstream qui on appelé à voter K Harris
D Trump n a jamais été un libéral même s il promet de larges baisses d impôts avec une attitude pro business….
Il applique son programme électoral…
Ce début de mandat aura au-moins un mérite : montrer de façon éclatante au monde que “l’ami américain” ne l’est que tant que ses intérêts convergent avec les vôtres. C’était visible sous Obama, bien que suffisamment discret pour que certaines chancelleries puissent faire semblant de fermer les yeux, aujourd’hui on voit tout de même des pays s’inquiéter de ne pas pouvoir utiliser les armes qu’ils ont achetées en cas d’agression, si ça n’arrange pas les États-Unis qu’ils les utilisent.
Reste à en tirer toutes les conséquences. Et, spécifiquement pour la France, je crois qu’il faut prévoir une sérieuse montée en capacité de notre industrie d’armement, les deux compétiteurs les plus sérieux dans ce domaine s’étant mis plus ou moins hors jeu.
Kennedy n’est pas anti vaccin, il était opposé au vaccin anti-covid qu’il estimait trop prématuré vu le peu d’essais cliniques!
non, il est bien anti-vaccins !
C’est encore un peu tôt mais il semble qu’il s’en prends énergiquement au “deep state” (qui a pourri la vie du monde entier depuis plusieurs décennies). Pour cela il commence à me plaire…
Je reconnais que je suis curieux avec cette guerre des tarifs..
Mais je lui reconnais une intention réelle de résoudre certains maux dont souffre ce pay, s sans se soucier de la formen une forme d’authenticité..
Il a au moins le mérite de mettre les sujets tabous sur la table et forcer tout le monde à en parler… Et juste ça, c’est exactement ce pour quoi il a été élu, tout le reste est du cinéma politique…