Thomas Porcher a tort de nous rassurer sur la dette

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Thomas Porcher a tort de nous rassurer sur la dette

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 6 janvier 2025
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L’économiste Thomas Porcher est connu depuis longtemps pour ses prises de position à contre-courant de la majorité de la profession au sujet de la dette. Ses arguments sont séduisants mais foncièrement faux. Etant donné sa visibilité médiatique, il faut encore et toujours réfuter ses arguments.

L’Etat est-il un grand ménage ?

« l’Etat n’est PAS un ménage ! », répètent à l’envie des économistes atterrés comme Eric Berr, Michael Vincent ou Sylvie Morel. Thomas Porcher ne fait pas exception, soulignant que contrairement à un individu ou une famille, l’Etat a une durée de vie illimitée. Mais qu’est-ce que cela signifie concrètement ? En vérité ceux qui remboursent au nom de l’Etat – les contribuables – ont bien une durée de vie limitée, tout comme ceux qui décident des emprunts et en bénéficient largement sur le moment – les politiques, les fonctionnaires et les nombreux clients de l’argent public. Si la dette augmente continuellement, « l’Etat » peut continuer à rembourser, mais de fait ce sont de nouveaux contribuables qui paient la facture des politiques précédentes dont ils n’ont pas toujours tiré les fruits, tandis que les décideurs d’alors ont quitté ce monde. On est souvent tenté de repousser le problème en augmentant les dépenses publiques pour aider les générations qui ne peuvent plus prospérer tout en payant l’addition dont elles héritent. Mais c’est une fuite en avant qui ne peut que mal se terminer. Même Thomas Porcher l’admet, la dette ne peut pas augmenter continuellement, notamment si les taux d’intérêt sur les obligations viennent à dépasser le taux de croissance et d’inflation.

Quant aux ménages, ont-ils vraiment une durée de vie limitée ? Un bon investissement de père de famille ou à l’inverse les précautions contre l’endettement se comprennent souvent dans un environnement familial et dans la perspective d’une transmission générationnelle. Une famille ne peut connaître une « croissance soutenable » que s’il est implicitement admis que les efforts des parents seront bien transmis aux enfants (nonobstant la gourmandise de l’Etat), et qu’à l’inverse il revient aux enfants de prendre soin de leurs aînés. Sans cette projection dans l’avenir familial, comment expliquer les sacrifices de générations entières pour construire l’économie moderne dont l’Occident et le monde ont hérité ?

L’actif de la France, remède à l’endettement ?

L’argument suivant est résumé dans un « short » récent de de la chaîne Youtube Le Crayon. Cette fois-ci le même Thomas Porcher compare finalement l’Etat à un ménage pour rappeler que si la dette est un passif pour le ménage France, ce dernier possède aussi un patrimoine, évalué selon lui à 2.260 milliards d’euros. Yves Bourdillon notait justement dans un récent billet https://fr.irefeurope.org/publications/le-monde-liberal-dyves-bourdillon/article/pour-thomas-porcher-la-dette-publique-nest-pas-un-probleme  que la moindre tentative de vendre une grande partie de ces actifs constitués notamment de bâtiments publics et autres infrastructures risquerait d’entraîner l’effondrement de la valeur globale de ce patrimoine.

Mais même en admettant le chiffre précédent, il faut bien comprendre que le montant du passif (notre dette) représente des dépenses passées certaines, tandis que la valeur et l’éventuel rendement futur des actifs qu’elles auraient permis de constituer est beaucoup moins sûr. D’autant plus qu’une large partie de la dette publique sert à financer des dépenses courantes de notre Etat aux abois. Thomas Porcher regrette d’ailleurs que ces dernières années la vente de patrimoine public ait justement servi à financer nos dépenses en limitant un peu l’endettement.

Un passif qui ne dort pas

Notre passif n’est pas inerte, les titres de dette circulent sur les marchés (tout le monde ou presque en détient sans forcément le savoir) et leur valeur peut à tout moment s’effondrer. Il est irresponsable de supposer aussi légèrement que la confiance actuelle en notre signature perdurera quelle que soit l’augmentation du taux d’endettement. De plus les marchés des dettes souveraines sont faussés par l’obligation règlementaire pour les gestionnaires d’actifs d’acheter une certaine quantité de dette publique au prétexte erroné que ces placements seraient sans risque pour les épargnants. Quel heureux hasard pour les finances publiques… Ce type de mécanisme auto-entretenu rappelle la bulle des crédits immobiliers à l’origine de la crise de 2008. L’hypothèse douteuse d’une augmentation permanente de la valeur des biens existants avait aveuglé des investisseurs trop avides sur le danger de surestimer la pile d’emprunts qui finançaient l’achat de nouveaux biens. Le tout n’a pas tardé à s’écrouler dès lors que les piles de de crédits en question n’ont pas été aussi bien remboursés que prévu. L’actif censé garantir le passif – les biens immobiliers des emprunteurs – fut alors d’un faible secours, puisque la valeur des maisons chutait pour les mêmes raisons que les crédits associés !

Quand on se compare, on se rassure ?

« Les autres sont pires que nous, donc tout va bien », voilà ce que semble dire l’économiste atterré à l’aide de comparaisons internationales soigneusement choisies. Mais une fois de plus le parallèle se heurte au caractère très spécifique de tels exemples, dont les déterminants ne se limitent pas à l’économie au sens strict. Les Etats-Unis sont certes très endettés, mais le statut de leur monnaie comme réserve internationale de change leur assure une demande anormalement élevée pour les « US Treasuries », moyen commode de détenir des dollars. La confiance lui est aussi assurée par la position géopolitique ultra-dominante de ce pays et sa puissance militaire inégalée, malgré les contestations croissantes de la Chine et de la Russie. Pour sa part l’euro est une monnaie encore crédible, mais au futur incertain, résultat de l’union politique et budgétaire encore incomplète de l’Europe (le sera-t-elle un jour, faut-il la souhaiter ?). L’euro est aussi menacé par l’affaiblissement de l’Allemagne, dont beaucoup estimaient qu’elle était « l’adulte dans la pièce » et pourrait toujours éponger les dettes de ses enfants dispendieux moyennant une surveillance budgétaire accrue. Rien n’est moins sûr aujourd’hui.

Le Japon, contre-exemple régulièrement brandi contre les partisans de l’équilibre budgétaire, survit bien à un ratio d’endettement qui bat tous les records pour une grande puissance économique. Mais ses particularités culturelles, historiques et politiques expliquent largement l’achat continu de la dette publique par les Japonais eux-mêmes au nom du patriotisme économique et du sens du devoir politique. Cela permet aux finances publiques de tenir, ou peut-être plutôt de reculer pour mieux sauter.

Les Français ont encore les moyens de sauver leur pays de la banqueroute. Il faut réduire les dépenses à un rythme soutenu, rediriger ce qui reste vers les seules fonctions régaliennes de l’Etat et libérer l’activité économique de toute urgence. Nous avons une population extrêmement capable, pourvu qu’elle ne soit pas encouragée à employer sa volonté et son génie dans l’art vain de la contestation sociale, de la captation des rentes publiques et du débat politique stérile. L’Angleterre de la fin des années 1970, l’Irlande des années 1990-2000, ou l’Argentine de 2024 nous montrent qu’on peut retourner des situations encore plus défavorables, à condition d’y être résolu.

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  • Il est la preuve que la gauche continue de nier le problème de l’endettement!

  • Depuis plus de 20 ans, cet universitaire parisien en économie fait de la pure propagande politique pour le compte des populistes de gauche sur les plateaux TV
    Ce boboecolo developpe les sempiternelles recettes du on rase gratis
    Inutile de croiser le fer avec cet olibrius mu uniquement par l idéologie marxiste……..🤣🤣🤣🤣🤣

  • L’état n’est effectivement pas un ménage car il n’est pas censé mourir (enfin tant qu’il n’est pas dirigé par la gauche, sinon l’issue est toujours fatale, à plus ou moins brève échéance…).

    De toute façon, une dette signifie paiement d’intérêt, ce qui est factuellement une perte. Elle s’entend pour un ménage qui a besoin d’argent avant d’être vieux et paye pour profiter d’une maison, voiture quand il en a besoin.

    Pour l’état dont la durée de vie est supposée infinie, il est donc préférable d’autofinancer ses investissement pour éviter le paiement d’intérêts et ainsi maximiser son pouvoir d’investissement (l’argent qui na pas servi à engraisser les créanciers peut être utilisé à des fins plus utiles). Il peut être acceptable que l’état emprunte pour réaliser des infrastructures qui d’auto-financeront par elles mêmes mais ça ne doit pas aller au delà de ce cas précis!

    Par conséquent, l’état ne devrait pas avoir recours à l’emprunt, notamment pour financer des frais de fonctionnement. Cela devrait être inscrit dans la constitution avec destitution automatique d’un président qui ne parviendrait pas à boucler son budget.

  • sauver le pays certes en acceptant ques les français comprennent qu’ils vont souffrir car on n’a créé une économie artificielle..paracollelectiviste..il faut du temps à un individu pour retrouver une place dans une économie .
    Ne pas oublier que la responsabilité de cette économie n’est pas due à ses travailleurs mais aux élus…

    et ce sont ces gens qui souffriront en perdant leur emploi…certes parfois totalement inutile..
    et on ne va parler de la retraite…qui a créé une rancoeur inter-générationnelle ..

    je pense toujours au milieu agricole…aux conséquences des subventions..

    Il est plus probable que ça touche le fond.

    • ….sauver le pays certes en acceptant que les français comprennent…….
      Vu le formatage des esprits depuis la fin de WW2, il est vain de croire que les français comprendront un jour ( même quand ils souffriront vraiment?) sauf la petite frange libérale qui a déjà compris que ça va mal se passer. Mais voyez-vous, les français sont occupés à “sauver la planète”, ne leur demandez pas plus, ils sont aux taquets!
      CPEF

  • La dette, pas de problème, souvenons nous de cette maxime de Saint Jean-Luc de l’Enfant-Jésus et de la Bonne Mère réunis “les dettes souveraines sont un simple jeu d’écriture”

  • remarque importante sur les obligations d’achat de dette souveraine française par les assureurs ou les fonds de pension (étrangers….): oui car notre note actuelle est AA mais nous ne sommes qu’à un cran de la relégation en catégorie inférieure et si c’était le cas les mêmes n’auraient plu le droit d’acheter du A+ qui serait la note française

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