Série d’été « Qu’est-ce que le libéralisme ? » – Entretien avec Chantal Delsol

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Série d’été « Qu’est-ce que le libéralisme ? » – Entretien avec Chantal Delsol

Publié le 1 juillet 2024
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Cet été, Contrepoints vous propose une série d’entretiens sur le libéralisme avec plusieurs de nos auteurs et des invités spéciaux. Chantal Delsol est philosophe et écrivaine. Elle est membre de l’Académie des sciences morales et politiques. 

 

Comment définissez-vous le libéralisme ?

C’est un terme polysémique, qui a tant trainé dans la poussière qu’il est devenu presque méconnaissable. Le désir de liberté peut s’appliquer dans tous les domaines de la vie – liberté économique, liberté de pensée, liberté morale etc. On peut considérer qu’une société est libérale quand elle laisse les individus décider de leurs choix économiques, éthiques, politiques. Le libéralisme est donc forcément lié, d’une façon ou d’une autre, à l’individualisme, et sa principale caractéristique est de récuser le holisme traditionnel dans toutes les cultures.

 

Vous considérez-vous libérale et pourquoi ?

Oui je me considère comme libérale, parce que je ne souhaite pas une société qui impose leurs choix de vie aux individus. Je suis par ailleurs conservatrice parce que je crois que la liberté ne peut pas être illimitée – il existe des limites, toujours à chercher et à discuter, liées aux responsabilités et à la condition humaine.

 

Quels sont vos auteurs libéraux de référence ?

Stuart Mill et Tocqueville.

 

Pourquoi le libéralisme est-il si mal compris en France ?

La France est un pays profondément socialiste, c’est-à-dire qu’elle préfère largement l’égalité à la liberté. Aussi, dès qu’on y vante une liberté, les Français voient aussitôt les inégalités que cela va engendrer. C’est pourquoi les pouvoirs locaux y sont si détestés, ainsi que la liberté économique.

 

Quels seraient les bienfaits de réformes libérales en France ?

La France n’a commencé à se libéraliser, ces dernières décennies, que grâce à l’Europe. Auparavant, c’était le pays du Plan et des prix imposés, c’est-à-dire un pays socialiste. Mais les libéralisations sont très mal vécues par une partie de la population, ce qui fait la fortune des Insoumis.

 

Deux réformes libérales prioritaires à mettre en place ?

Pour les libéraux français qui sont résiduels, la priorité serait d’abord de mettre leur doctrine au clair. Car le libéralisme a profondément changé en quelques décennies, c’est-à-dire depuis qu’il a été repris par les anciennes élites socialistes dépitées par la chute du Mur. Ces élites sont devenues libérales presque du jour au lendemain, un peu comme en Russie les agents des Soviets sont devenus des oligarques. Mais il s’agit à présent d’un libéralisme/libertarisme dogmatique, face auquel les libéraux classiques devraient se positionner. Tout se passe comme s’il était apparu un autre visage du libéralisme, qui brouille toutes les pistes et toutes les définitions.

 

À lire aussi : 

La haine du monde, de Chantal Delsol

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  • Longtemps, je me suis cru libéral. Mais je ne peux plus me situer, en effet, dans un pays où les mots, soit ne veulent plus rien dire, soit sèment la confusion sémantique. Le libéralisme ne rime jamais à mon sens avec individualisme. Le second annihile le premier puisque c’est un état d’esprit collectif sans lequel nous ne pourrions rien faire, et où devra malheureusement dominer une doctrine stricte, et comme toutes, sujette à caution. Cette situation est devenue de plus en plus idéale et elle ne repose sur aucune philosophie personnelle définie. Nous n’avons aucun stratagème pour unifier une infinité de prétentions, si ce n’est par une éducation concertée. La liberté dont on élargit le sens à loisir, n’est intrinsèquement qu’une liberté de mouvement (la seule à devoir être défendue sans conditions); et cette autre prétendue liberté de pensée et d’expression dont on se targue trop souvent est par nature malléable puisqu’elle sera inévitablement selon les circonstances, critiquée, arbitrée, contestée, autocensurée et, si besoin, comprimée.

    -1
    • @calixte j entends “individualiste” cité ici par le fait que l individu prime sur le groupe et non l inverse. Un anti individualiste dira volontiers : on ne fait pas d omelette sans casser des oeufs. Ce type de posture intellectuelle est anti libérale . Les régimes qui pratiquent cela sont les russes et les chinois (entre autres) et c est parfaitement accepté par leurs populations. Chez nous seulement chez certains.

    • Ne pas confondre individualisme avec égoïsme.

  • Je ne crois pas que nos concitoyens soient socialistes en majorité. En revanche, depuis 81, par ruse de Chirac et Mitterrand, l État l est devenu à 80% . Or ce dernier décide de tout et notamment de freiner toute réforme en sa défaveur. Nous sommes occupés par un État socialiste . C est très différent.

  • Sur le site Catallaxia, un article intéressant sur le conservatisme de Friedrich A. Hayek : “Pourquoi je ne suis pas un conservateur”
    (Pour rebondir aux propos de Delsol sur son conservatisme)

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