Un logement sur cinq est-il vraiment inoccupé à Paris ?

Une étude de l’Apur a récemment fait la Une de l’actualité, dévoilant qu’un logement sur cinq serait inoccupé à Paris, mais la réalité est plus complexe…

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Source : Unsplash

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Un logement sur cinq est-il vraiment inoccupé à Paris ?

Publié le 11 décembre 2023
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Cet article est tiré du substack de Guillaume Nicoulaud. 

L’étude de l’Apur, sur laquelle est basé ce constat, est ici. Je vous en propose un résumé assorti de quelques commentaires ci-dessous.

 

En 2020, on recensait 1 393 800 logements à Paris.

La première catégorie compte 1 131 600 logements (81,2 %). Il s’agit des résidences principales et donc considérées comme « occupées » (par leurs propriétaires ou des locataires). Il reste donc 262 200 logements (18,8 %) qui ne tombent pas dans la catégorie précédente, et qui sont dès lors réputés « inoccupés » — ce qui mérite clairement quelques explications. Parce que même du point de vue d’un investisseur qui spéculerait sur une hausse du prix de son bien parisien, ne pas le louer en attendant est parfaitement stupide.

D’abord, 128 000 logements sont vacants (9,2 %), c’est-à-dire qu’ils ne sont ni habités par leur propriétaire (même pas ponctuellement) ni loués au moment où la photo du marché est prise. Pour l’essentiel, ce sont des logements tout simplement proposés à la vente ou à la location ou, typiquement, des logements dans lesquels le propriétaire fait des travaux avant d’emménager ou de louer. Il se trouve qu’environ 9 % de logement vacants, ça n’a rien d’extraordinaire : vous trouverez (page 21) une comparaison avec 21 autres grandes villes françaises et constaterez que Paris est juste dans la moyenne. Bref, pour l’essentiel, il s’agit d’un taux de vacance « frictionnel » lié au fait que les déménagements créent des périodes d’inoccupation. On n’y peut rien, c’est ainsi.

Le cas limite, c’est quand la vacance se prolonge longtemps — mettons (comme l’Apur) plus de deux années. Elle ne concerne que 18 600 logements, soit 1,3 % du parc total (voir page 41). En l’occurrence, ce sont principalement des petites surfaces sans confort (par exemple, WC et douche sur le palier) dont un bon nombre sont sans doute considérées insalubres, et donc légalement inlouables.

 

La deuxième grande catégorie est constituée des 134 000 résidences secondaires et autres logements occasionnels (9,6 %) qui ne sont pas à proprement parler « inoccupés », mais plutôt occupés à temps partiel. Paris se distingue parmi les autres grandes villes françaises (la seule ville à en avoir plus est Nice avec 13,7 %), et ce phénomène est en forte croissance depuis 1954 — à l’époque, il n’y en avait que 1,1 % (page 15).

Parmi eux, on compte 47 500 logements occasionnels (3,4 %) utilisés pour des motifs essentiellement professionnels. Typiquement : vous habitez à Lyon mais votre travail vous impose une présence régulière à Paris. Notez que ça concerne beaucoup de Franciliens ce qui, encore une fois, souligne l’imbrication des problématiques de logement et de mobilité du quotidien, notamment à l’échelle métropolitaine. Vous me direz que ces gens-là n’ont qu’à déménager à Paris, mais encore faut-il en avoir les moyens, prendre en compte le travail du conjoint et, accessoirement, cela ne fera que densifier un peu plus la capitale. Autrement dit, et j’y reviendrai plus loin, le vrai sujet, c’est plutôt l’hyper-concentration de l’activité économique en général, et des bons jobs en particulier dans notre capitale politique.

 

Le reste, ce sont 86 500 résidences secondaires (6,2 %) qui appartiennent à ceux qui ont les moyens de posséder/louer un pied-à-terre parisien (en général, dans les beaux quartiers) en plus de leur résidence principale. Clairement : nous avons principalement affaire à des ex-Parisiens, retraités très aisés, qui ont décidé de passer leur retraite ailleurs, en France ou à l’étranger, tout en conservant leur appartement dans la capitale. Il existe sans doute un tas de raisons de faire ce choix, mais j’ai tendance à penser que la volonté de conserver un logement proche du lieu où leurs enfants travaillent est l’une des principales. Peut-être aussi parce qu’ils le peuvent : au-delà des gros patrimoines, il y a aussi le cas des vieux locataires protégés qui louent des appartements familiaux pour moins cher que ce que leur coûterait un studio.

Je ne m’étendrai pas outre mesure sur les fameuses locations meublées touristiques, notamment via les plateformes (Airbnb etc.), parce qu’elles ne forment pas une catégorie au sens de l’Insee. On notera simplement qu’environ 6 % des logements parisiens sont concernés, et qu’il y a de bonnes raisons de penser que l’essentiel de ces locations sont parfaitement légales. C’est-à-dire que nous parlons principalement de Parisiens qui louent leur résidence principale dans la limite de 120 jours par an. Il y a de la triche, c’est certain : le chiffre de 25 000 logements (1,8 %) circule. Il se trouve, chers lecteurs, qu’en plus d’être notre capitale politique et économique, Paris est aussi une des villes les plus touristiques du monde, et qu’il faut bien loger ces touristes quelque part. Il va de soi que cette capacité d’accueil touristique ne peut exister qu’aux dépens des habitants. Des solutions existent peut-être, mais il est certain que l’organisation de JO à Paris, par exemple, n’en fait pas partie.

 

Bref, la « reconquête », forcément partielle, des logements inoccupés n’a pratiquement aucune chance d’avoir un effet significatif sur les problèmes de logement parisiens. La seule stratégie qui aurait, sauf erreur de ma part, un vrai potentiel consisterait à autoriser les propriétaires de résidences secondaires et autres logements occasionnels à les louer sur le marché destiné aux touristes. Pour le reste, Paris est la capitale politique et économique d’un pays notoirement centralisé et interventionniste, et se trouve, par ailleurs, être une destination touristique majeure.

J’ai longtemps cru que bâtir plus haut permettrait de relâcher la pression mais j’avais tort : le bâti haussmannien est une merveille de densité (parce qu’il permet d’exploiter les parcelles en profondeur). En combinaison avec les moyens existants, le Grand Paris Express est clairement une solution intelligente, mais le fait est qu’elle est déjà dans les prix… et que ces derniers sont toujours affreusement élevés. La seule solution vraiment structurante consiste à faire comme la plupart de nos voisins : décentraliser. Notre activité économique est trop concentrée à Paris et dans la petite couronne, point barre !

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  • Décentraliser signifie baisse de l’immobilier à Paris. Mais qui sont ceux qui décident de la décentralisation ?
    Nos Ministres. Et nos Ministres ont la très mauvaise idée d’être propriétaires à Paris, et dans les beaux quartiers. Et où sont les meilleurs écoles qui ne pratiquent pas la mixité sociale comme l’école Alsacienne où vont les enfants des ministres ? A Paris. Décentraliser pour perdre de l’argent et mettre les enfants dans des écoles de bouseux. Vous n’y pensez pas mon cher Monsieur.

  • Estimons-nous heureux car si Paris était sur la côte, elle aurait encore plus la grosse tête.
    Plus sérieusement, pour la plupart nos voisins n’ont pas eu à décentraliser car ils n’ont jamais centralisé avec la fougue française. Le mal est fait, il est même devenu grandeur. Les touristes viennent visiter la France du patrimoine royal très centré géographiquement, principalement les châteaux.
    D’ailleurs je propose qu’on renommme la capitale Franceville.

  • Un Bémol ou précisions, la population parisienne connait une réelle évolution. Outre la sécurité, le cirque permanent, les mesures diverses et variées (circulation, stationnement, terrasses, taxes, coût des travaux (ravalement, ….), prises par la Mairie de Paris ont fait fuir de nombreux habitants à l’année soit d’une façon alternative (personnes limitant de plus en plus leur durée de séjour à Paris : les retraités, ceux qui télétravaillent en partie etc ) soit d’une façon définitive (les familles notamment – Le coup de l’interdiction de la voiture a été radical – et l’habitant moyen non seulement lassé mais aussi ne pouvant plus assumer le coût de la vie et surtout des travaux pour les propriétaires – La vague de ravalement et autres imposés a aussi été radicale ). Ce deuxième type de population a été remplacé par Qui ? Pour les 2 copropriétés que je connais, à 85 % par des investisseurs Particuliers étrangers (Américains, Libanais, etc ) cherchant entre pied à terre et investissement. Ils ne louent pas et respectent plutôt la législation airbnb . Ils ont les moyens que les Français n’ont plus.

  • @ Guillaume Nicoulaud
    « le bâti haussmannien est une merveille de densité parce qu’il permet d’exploiter les parcelles en profondeur ».
    Pourriez vous développer s’il vous plaît ? Je ne suis pas sûr de bien comprendre.

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