Le libéral Amadou Ba, dernier rempart contre le fascisme au Sénégal ?

Portrait d’Amadou Ba, Premier ministre du Sénégal et candidat antipopuliste à l’élection présidentielle de février 2024.

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Source : Flickr.

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Le libéral Amadou Ba, dernier rempart contre le fascisme au Sénégal ?

Publié le 8 décembre 2023
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Le 25 février 2024, les élections présidentielles sénégalaises s’annoncent dans un contexte tendu et historique. Pour la première fois dans le pays, un président en poste a décidé de ne pas se présenter à un troisième mandat. La désignation d’Amadou Ba a braqué les projecteurs sur ce haut fonctionnaire, encore méconnu du grand public à l’international.

Début juillet, coup de tonnerre dans l’arène politique sénégalaise : dans un geste inédit, le président déclare ne pas briguer un troisième mandat. À seulement six mois de la présidentielle de février 2024 et dans un climat tendu, cette annonce plonge le camp au pouvoir, la coalition Benno Bokk Yakaar, dans un tourbillon d’incertitudes et de conjectures.

Ce revirement promet une élection ouverte. Dès lors, qui au sein de la majorité pour affronter les mouvances populistes et tiers-mondistes ? Ces dernières ont gagné en importance ces dernières années, avec leur figure charismatique Ousmane Sonko. Ce haut fonctionnaire promet de bouter les Français hors du Sénégal, de durcir la loi sur l’homosexualité, de nationaliser l’exploitation des hydrocarbures et de soutenir le gouvernement putschiste de Bamako qui a servi de porte d’entrée au groupe Wagner en Afrique de l’Ouest. Les projecteurs se braquent alors sur les personnalités politiques émergentes et confirmées. Deux mois s’écoulent avant que le suspense ne soit levé, le 9 septembre.

« Dans le processus ainsi ouvert, j’ai mobilisé des personnes ressources, dont le président Moustapha Niasse, qui a rencontré, en mon nom, la grande majorité des candidats, afin de créer les conditions de facilitation du choix », confie Macky Sall.

Parmi les 12 aspirants, Moustapha Niasse, doyen de la classe politique et ancien président de l’Assemblée nationale se voit confier la lourde tâche d’évaluer chaque candidature.

C’est le Premier ministre Amadou Ba qui est finalement retenu, un choix qui ne fait pas que des heureux. Pour certains, la décision de Macky Sall s’inscrit dans une logique attendue ; pour d’autres, qui doivent abandonner leurs ambitions, elle conduit à manifester son désaccord par des départs fracassants.

Macky Sall justifie son choix avec une rhétorique axée sur des enjeux vitaux : la préservation de la République, le maintien de la démocratie, la paix et la stabilité – des piliers jugés indispensables au soutien du Plan Sénégal Émergent. Le président, ayant dirigé le Sénégal pendant douze ans, ne cache pas sa confiance dans la capacité de son successeur à fédérer la coalition, mais aussi au-delà.

« Notre décision a été également motivée par les qualités d’humilité, d’écoute pour diriger, pour rassembler dans Benno et au-delà de Benno, ici et dans la diaspora », insiste-t-on pour justifier le choix d’Amadou Ba, Premier ministre de l’actuel gouvernement.

 

Rassembler et mobiliser au-delà de Benno

« Parler à tout le monde », voilà l’une des cartes maîtresses d’Amadou Ba.

Il se targue d’une capacité à mobiliser, autant dans les cercles d’affaires qu’au sein de la société civile, et entretient des relations solides avec les partenaires techniques et financiers internationaux du Sénégal. À ce titre, on le dit proche de Bruno Le Maire. Il est cité, via des rumeurs, comme l’un des derniers traits d’union possibles avec le Pastef – un parti d’opposition radicale mené par Ousmane Sonko dont il fut le patron aux Impôts. À l’époque, leur relation est respectueuse, puisqu’Amadou Ba autorisa même la création par Ousmane Sonko d’un syndicat.

Originaire de Dakar, né en 1961 dans une famille très pauvre, seulement un an après les indépendances, Amadou Ba est étudiant boursier, puis fait ses armes dans l’administration fiscale sénégalaise, dont il devient en 2006 le directeur, après avoir pris les commandes du Centre des grandes entreprises.

En 2013, il entre sur le tard en politique lorsque Macky Sall le nomme ministre de l’Économie et des Finances de 2013 à 2019. Il y imprime sa marque par l’instauration d’un nouveau Code général des impôts et une gestion méticuleuse des deniers publics, mais aussi en étant l’homme du Plan Sénégal émergent du président.

Son passage au ministère des Affaires étrangères, de 2019 à 2020, enrichit son réseau international. Il tisse des liens stratégiques avec des représentants des institutions internationales telles que la Banque mondiale, la BAD, le FMI… Limogé du gouvernement en octobre 2020, il est poussé par certains à la création de son propre mouvement politique. Mais il accepte sans fracas la décision du président, qui lui saura gré de cette fidélité. Alors que le camp présidentiel vient de subir plusieurs revers électoraux, dont à Dakar, bastion traditionnel de l’opposition, il est nommé Premier ministre en janvier 2022.

 

Une entrée tardive en politique 

Amadou Ba doit désormais prouver qu’il est plus qu’un expert en dossiers : un leader capable de naviguer dans un Sénégal en pleine effervescence, et confronté à des défis périlleux : accompagnement de la mise en place du grand projet d’extraction gazière au large des côtes, chômage des jeunes, et cherté de la vie, ingérence russe et montée du populisme…

Pour l’opposition qui redoute son ascension dans ses propres fiefs électoraux, il s’agit d’un candidat à prendre au sérieux, surtout « si Ousmane Sonko ne parvient pas à se présenter aux élections ». D’ailleurs, le 14 novembre dernier, de nombreux cadres de la coalition Diao 2024 ont rallié la cause de Ba, signe de son influence croissante malgré une entrée tardive en politique. C’est l’un des reproches qu’il subit de ses détracteurs, pour n’avoir fait son adhésion au parti au pouvoir qu’entre 2016 et 2017. Dans le même temps, cette indépendance est aussi une carte à jouer à l’heure de la montée de la défiance envers les partis traditionnels.

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  • Peu importe qui sera le prochain président du Sénégal. C’est un pays souverain. Et à ce titre, s’il veut un démocrate ou un dictateur, c’est son problème. Celui de la France est d’arrêter d’y déverser des aides directes ou indirectes (via des ONG) au gouvernement comme aux populations.
    Et si, comme le Mali, il préfère la Russie, sa population n’a qu’à immigrer en Russie désormais.

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