Quelle responsabilité du monde arabo-musulman dans le conflit israélo-palestinien ?

Par leur utilisation politique du conflit israélo-palestinien, les pays arabes portent une responsabilité majeure dans les difficultés rencontrées par les Palestiniens.

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Quelle responsabilité du monde arabo-musulman dans le conflit israélo-palestinien ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 19 octobre 2023
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Face à l’horreur à laquelle les terroristes du Hamas nous ont confronté, il est tentant de commenter l’actualité en se plongeant dans des analyses ou des jugements par trop événementiels.

Que les terroristes du Hamas soient des monstres sanguinaires ne fait aucun doute, mais faut-il pour autant tomber dans le piège tendu aux commentateurs et analystes de la situation au Proche-Orient ?

Je veux parler de l’interprétation au jour le jour des épisodes du conflit, du commentaire des prises de position des uns et des autres, du jugement des actes militaires et des décisions politiques. Entrer dans cette arène, c’est obligatoirement ne pas prendre le recul nécessaire pour analyser ce conflit. Le danger de cette vision micro-politique (par analogie avec la micro-économie) réside dans la perte de vue du problème global, ce qu’on pourrait appeler le point de vue macro-politique.

 

L’antisémistisme européen à l’origine de la création d’Israël

Pour bien analyser la situation, il faut aller du général au particulier, et élargir son point de vue au-delà des seuls acteurs israéliens et palestiniens.

La création de l’État d’Israël résulte avant tout de l’antisémitisme européen.

On peut discuter à l’infini sur le bien-fondé de la création d’un État confessionnel, la gauche s’est longuement épanchée sur le sujet. Quelle que soit la conviction laïque que l’on puisse avoir, force est de constater que dans le monde il y a des religions, que la religion juive est l’une d’entre elles, et que c’est contraints et forcés par l’antisémitisme européen que des Juifs ont fondé l’État d’Israël.

La création de cet État a déplacé 400 000 Palestiniens en 1948. Ce nombre est peu contestable. Ces Palestiniens qui, pour la plupart, ne possédaient à l’époque ni passeport ni papiers, qui n’avaient pas de réelle « nationalité » au sens moderne du terme, étaient des Arabes qui parlaient la même langue, avaient les mêmes coutumes, et une culture proche de celle de leurs voisins, aujourd’hui séparés par des frontières artificielles.

Pourquoi les frères arabes de ces Palestiniens n’ont-ils jamais voulu accueillir cette population somme toute marginale par rapport à la taille de leurs États et de leurs populations ?

Après la guerre d’Algérie, les Français de métropole ont bien recueilli un million de réfugiés qui n’avaient bien souvent jamais mis les pieds en France. Leur culture était probablement plus éloignée de celle des Français de métropole que la culture et le mode de vie des Palestiniens ne l’étaient de celles de leur voisins égyptiens, syriens, libanais ou jordaniens.

Le fait est que les Palestiniens ont été parqués dans des camps au lieu d’être assimilés par leurs frères arabes. Si la France avait décidé de parquer ses réfugiés nord-africains dans des camps, la terre entière aurait, à juste raison, crié au scandale.

Si le rejet des Palestiniens par leurs voisins immédiats n’a pas été critiqué par les autres nations arabes, c’est que l’exode du peuple palestinien a provoqué la naissance d’un bouc émissaire, Israël, extrêmement pratique pour les dirigeants de ces pays.

Les pays arabes ont systématiquement joué la politique du pire. Ils n’ont jamais voulu solutionner le problème palestinien, car la diabolisation d’Israël leur a constamment servi à détourner leurs opinions publiques des vrais problèmes internes à leurs États : corruption, échec économique, socialisme rampant.

 

Israël, le bouc émissaire des ploutocraties arabes

L’ennemi extérieur, bien identifié, responsable de tous les maux des pays arabes, c’est Israël.

Que la misère et l’absence de libertés soient criantes dans ces pays, peu importe, puisque régulièrement, l’attention de la population est accaparée par le conflit israélo-palestinien.

De l’Arabie saoudite au Maroc, le peuple est focalisé sur les Juifs qui « colonisent la terre arabe ». Depuis 50 ans les ploutocraties arabes utilisent ainsi Israël comme bouc émissaire. Les Palestiniens sont maintenus artificiellement dans la misère. Les aides européennes ne parviennent pas à leurs destinataires, détournées par un pouvoir palestinien corrompu, mais inconditionnellement soutenu par les dictatures arabes. Les richissimes Saoudiens, les émirats, le Koweït, ne lèvent pas le petit doigt pour aider leurs frères, sauf pour les armer ou pour financer des écoles coraniques obscurantistes. La situation leur permet à merveille de focaliser la contestation en dehors de leurs frontières.

Si l’on se penche sur les dictatures arabes et musulmanes qui utilisent de façon récurrente Israël comme la cause directe ou indirecte des malheurs de leurs peuples, on trouve une vingtaine d’États : Iran, Irak, Afghanistan, Pakistan, Arabie Saoudite, Émirats, Koweït, Oman, Syrie, Jordanie, Liban, Égypte, Yémen, Soudan, Algérie, Tunisie, Libye et, dans une moindre mesure depuis quelque temps, le Maroc, qui totalisent 800 millions d’habitants sur une superficie de 15 millions de km2, trois fois la taille de l’Europe politique. Israël, ce sont environ 9 millions d’habitants et une superficie de 21 000 km2, soit environ trois départements français.

Ces chiffres donnent la mesure de la grotesque disproportion entre la vision subjective du problème vu par les peuples arabo-musulmans, et sa réalité démographique et territoriale.

Cette existence d’un État juif a également servi aux pays arabes à se débarrasser des Juifs sur leur territoire.

Sous le double couvert de la décolonisation et du sionisme naissant, après guerre, les pays arabes ont chassé 700 000 Juifs de chez eux ! Ainsi, les Juifs d’Algérie, du Maroc, de Tunisie et d’Égypte, dont les origines remontaient à l’Inquisition, ou parfois même bien avant, et qui n’avaient rien à voir avec les colons européens, ont émigré contraints et forcés vers l’Europe (en majorité), mais également vers les Amériques, en Australie ou en Israël.

Le Maroc a vu sa population juive passer de 250 000 à 4000 habitants en 40 ans. L’Égypte a vu sa population juive passer de 80 000 habitants en 1947 à moins de 10 habitants, aujourd’hui terrés dans le quartier Copte du Caire ; l’Algérie, de 140 000 à moins de 1000 ; le Liban de 7000 à moins de 1000 ; la Tunisie de 110 000 à moins de 5000 ; l’Irak de 120 000 à moins de 400, la Libye de 30 000 à néant.

Certaines sources font état d’un million de juifs chassés de chez eux après-guerre, uniquement dans les pays arabo-musulmans. Loin d’être volontaires, ces départs ont été provoqués par des brimades, des humiliations, l’interdiction de leurs commerces ou de leurs activités, quand il ne s’agissait pas de menaces physiques pures et simples. Du statut de dhimmi, citoyen de seconde zone, octroyé par les musulmans à tous les non musulmans, les Juifs ont profité de la colonisation européenne pour retrouver des droits. Puis, ils ont tout perdu lors de la décolonisation. Une grande partie de leurs biens a été vendue au rabais ou confisquée à leur départ. Relevons au passage que cette population, chassée de ses terres et de ses maisons, n’a pas commis d’actes terroristes en représailles, et que la notion de « droit au retour » violente et armée n’a jamais été à son ordre du jour. Notons enfin que les petits-enfants de ces Juifs expulsés de leurs pays ne s’auto-proclament pas « réfugiés » par hérédité.

 

Le défi de l’économie de marché dans le monde islamique

Les deux sources majeures de la détresse et de la misère palestinienne sont donc, d’une part, l’antisémitisme, d’autre part, l’utilisation cynique par les gouvernements du monde arabo-musulman de ce problème palestinien qu’ils ont largement contribué à entretenir.

Bien entendu, d’autres facteurs interviennent dans ce théâtre d’opération d’une immense complexité.

Il ne faut pas nier l’attitude d’Israël dans les territoires occupés et l’exaspération qui en résulte. Il faut aussi considérer, d’une façon encore plus générale, les bouleversements induits par la pénétration inexorable de l’économie de marché dans les vieilles structures claniques du monde islamique.

L’islamisme radical, forme de rejet violent de l’ordre spontané capitaliste et libéral, complique encore cet imbroglio moyen-oriental en trouvant des soutiens et des ramifications dans toute la sphère anticapitaliste.

Les jeunes Palestiniens se trompent d’adversaires, leurs voisins et coreligionnaires se moquent d’eux et les maintiennent dans la misère et le désespoir depuis des décennies.

Les vrais amis du peuple palestinien devraient être moins critiques à l’égard d’Israël, et nettement plus à l’égard des ploutocraties arabes qui maintiennent le statu quo pour conserver leur pouvoir et tenter de faire oublier leurs turpitudes.

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  • Israël est un îlot non musulman dans l’océan. Ne pas oublier que la guerre sainte est omniprésente dans l’éducation musulmane. Il faut donc dans un premier temps éradiquer cet îlot avant de passer aux choses sérieuses, c’est à dire convertir l’Europe.

  • Dans le contexte actuel si l’état d’Israel veut survivre, il doit éradiquer ses voisins musulmans, d’ici peu la guerre sera généralisé dans la zone, il ne faut pas oublier le contexte énergétique et la prochaine exploitation de gaz et de pétrole au large des cotes israéliennes et gazaouis

    • La guerre sera généralisée car à 6 enfants par femmes dans un désert aux ressources très limitées, les ultra orthodoxes seront presque majoritaires en Israël d’ici 25 ans. Extrême droite religieuse des 2 cotés, c’est une pétaudière. De là dire comme dans cet article que c’est la faute des pays arabes alliés parce qu’ils auraient dû accueillir les palestiniens en 1948 vu qu’ils sont plus grands… c’est un peu comme si en 40 les USA auraient dû accueillir tous les français parce qu’ils avaient de la place pa4 rapport aux allemands.

  • Israel a surement fait bien plus pour les « palestiniens » que n’importe quel pays arabe. J’écris « palestinien », car la Palestine englobait la Jordanie, et donc techniquement les palestiniens sont des Jordaniens. Bon après avoir assassiné leur roi, puis tenté la même chose à son fils, puis déstabilisé le Liban, ils ne sont plus en odeur de sainteté.
    Quant à l’antisémitisme, il était très fort aussi dans les pays arabes, et de tout temps. Et pour les dictatures, l’ennemi extérieur est souvent simplement l’ancienne force colonisatrice, tel la France pour l’Algérie, Israel n’est pas nécessaire. La manipulation des palestiniens n’a pour but que d’exciter une guerre de religion, et ce à leur dépend. Il serait temps qu’ils s’en rendent compte, et essayent de faire qqch pour eux mêmes plutôt que pour détruire l’ « autre ».

  • Seulement 400.000 palestiniens déplacés et seulement en 1948 ? Vraiment ?

    • J’ai moi aussi tiqué. Il y en a au bas mot 200.000 de plus.
      Il n’en reste pas moins que le refus de les accueillir/assimiler par les pays arabes est au coeur du problème actuel. Tout ça pour faire oublier leurs turpitudes comme le souligne l’article.
      L’auteur mentionne l’exode des Français d’Algérie (et leur accueil en métropole) à juste titre.
      Soulignons qu’à l’époque de la création d’Israël, les frontières de la Pologne se décalent vers l’Ouest : au moins 1,5 million de Polonais sont déplacés vers l’Ouest ce qui occasionne l’exil des Allemands. Ajoutés à ceux expulsés de Tchécoslovaquie, Yougoslavie… on arrive à 8 millions (!!!) d’Allemands.
      Plus tôt dans le siècle, des Grecs (au moins un million) expulsés d’Asie Mineure en 1923 et de Turcs chassés de Grèce ?
      Etc.
      Dans tous les cas, les pays ont accueilli les populations au lieu d’entretenir la haine.
      Entend on un Polonais/Allemand/Grec/Turc réclamer un droit au retour ?
      Le monde arabe soi-disant solidaire des Palestiniens est en fait son plus grand bourreau.

  • Je ne suis pas sûr que la Palestine était en paix avant 1948. Cette terre est malchanceuse, elle a accueilli de multiples dieux et ses chapelles, elle est pourtant bien pauvre. Quelle idée d’avoir installé des riches au milieu de pauvres, c’était comme garer sa mercedes dans un bidonville. Il n’ y a pas de coupable ni même de responsable, Israël la riche prend des terres aux pauvres, c’est inadmissible. Mais ils ont raison. Parfois le pragmatisme s’accorde peu avec la morale. Ici, ils ont une chance : leur ennemi est encore pire sur le plan de la morale.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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