Les politiques de hausse de taux des gouvernements peuvent en réalité masquer un assouplissement.
Par exemple, la banque centrale d’Argentine poursuit sans répit des hausses de taux.
Le taux de la banque centrale atteint 118 % après une augmentation en août. Pour l’année, elle a triplé le taux d’intérêt directeur, d’un niveau de 40 % en janvier.
Aux yeux de ses opposants, le candidat aux élections argentines, Javier Milei, porte la responsabilité d’un déclin du peso argentin. La banque centrale argentine a décidé une dévaluation du peso de 18 %, à la suite de la victoire du candidat d’opposition aux urnes, dans un référendum avant l’élection nationale. Le parti au pouvoir, celui des péronistes, arrive en troisième place.
La dévaluation attire l’attention de la presse. Cependant, elle ne change pas pour le moment la trajectoire du peso sur la durée.
Augusto Darget, économiste argentin, explique :
« Je ne vois rien de tragique, c’est seulement la chute du peso, qui perd 7 % par mois. Mais je ne vois rien de différent de ce qui s’est produit à d’autres moments de ces crises. »
En dépit des hausses de taux d’intérêt, la dévaluation de la devise ne prend pas fin. En fait, la chute du peso a lieu plus rapidement que le resserrement des conditions d’octroi du crédit. Avec un rythme de l’évolution des prix de 135 %, la banque centrale continue en réalité de soutenir la création d’argent.
En dépit d’un resserrement de taux, elle contribue aux hausses de prix !
Le taux de la banque centrale en Argentine, ajusté pour l’évolution des prix, arrive à moins de 0 % depuis plus d’une décennie (avec une exception de 2017 à 2019), selon la Banque mondiale. En somme, il encourage l’emprunt, et la création d’argent.
Échec de la banque centrale turque
De même, la banque centrale turque augmente les taux d’intérêt qui atteignent le niveau le plus élevé des dix dernières années.
La presse annonce un resserrement. La Tribune décrit une « hausse colossale des taux directeurs. » En réalité, après la hausse, le taux de la banque centrale atteint 25 %. Or, le rythme de progression des prix atteint 50 % par an.
Tout comme en Argentine, la banque centrale maintient l’incitation au crédit, et la création d’argent par les prêts bancaires.
Ainsi, la politique de la banque centrale revient à un assouplissement. Les hausses de taux sauvent les apparences, mais ne changent pas la donne.
La dévaluation de la livre turque continue en conséquence. Elle gagne en sévérité par rapport au mois précédent.
20 Minutes :
L’inflation a atteint 58,9 % sur un an en août en Turquie, au plus haut depuis décembre 2022, selon les données officielles publiées lundi. La hausse des prix à la consommation, alimentée par la dépréciation de la livre turque, s’est établie à 9,1 % sur un mois. L’inflation avait réaccéléré en juillet, à 47,8 % sur un an, après huit mois de tassement.
Risque de spoliation après la dévaluation
La dévaluation de la devise crée des ennuis pour les particuliers. Ils perdent la valeur de leur épargne. Les entreprises souffrent de l’effondrement des recettes, rapportées en devise étrangère. Elles font parfois faillite en raison de dettes en dollar ou en euro.
De plus, depuis des années, la banque centrale du pays rachète la livre turque sur les marchés de change, afin de soutenir la valeur de la monnaie. Elle espère réduire l’effondrement du taux de change.
Pour les opérations de rachat, les autorités ont besoin de devise étrangère. Ainsi, elles empruntent l’argent des particuliers et entreprises qui détiennent des euros ou des dollars.
En devise étrangère, la dette du pays atteint 476 milliards de dollars.
De plus, les chiffres récents sur la banque centrale suggèrent qu’elle a consommé l’ensemble des réserves étrangères des citoyens. À présent, elle emprunte directement à l’étranger via des contrats dérivés (currency swaps) avec des partenaires tels que le Qatar et les Émirats.
La banque centrale continue de dépenser 5 milliards de dollars par mois en rachats de livre turque, sans mettre fin à l’hémorragie de la valeur de la devise. Elle détient à présent environ 30 milliards de dollars de réserves, et a besoin de plus en plus de prêts en devise étrangère pour les rachats.
Au bout du compte, les particuliers risquent de payer les frais pour les opérations de la banque centrale.
Les autorités doivent en théorie environ 130 milliards de dollars aux citoyens et aux entreprises, en devise étrangère, soit environ quatre fois la taille des réserves dans le système.
Dans l’impasse, le gouvernement risque de dévaluer la devise afin de racheter plus d’euros et dollars sur les marchés de change, puis spolier les épargnants en remboursant les prêts en livre turque dévaluée (en dépit des promesses aux citoyens).
Malgré l’effet sur la devise, les autorités conservent des taux en dessous du rythme de progression des prix.
Comme en Argentine, elles fournissent un soutien à l’endettement et à la création d’argent.
Ainsi, la débâcle repose sur le choix des dirigeants.
En effet, la politique d’assouplissement sert avant tout les besoins du gouvernement. Il poursuit une politique de déficits, sans fin en vue. Statista prévoit des déficits de 5 % à 6 % par an, au moins jusqu’en 2028. En somme, il a besoin d’argent et du soutien de la banque centrale.
Le risque de la fuite devant la devise
Avec la fin de la hausse des prix d’électricité, et des effets du bouclier tarifaire sur l’indice des prix, la France rattrape le reste de la zone.
Capital :
Souvent présentée comme la plus faible d’Europe, l’inflation française est donc désormais supérieure à celle de la zone euro (qui s’est stabilisée à 5,3 % en août), et est devenue l’une des plus élevées d’Europe…
L’indice des prix retourne à la hausse en septembre, et surpasse à présent l’Allemagne :
« … l’inflation française du nouveau mois (qui, rappelons-le, constitue le glissement annuel des prix à la consommation) devrait avoisiner les 5,6 % aux normes Insee, et les 6,4 % aux normes européennes, contre environ 6,2 % en Allemagne. »
Pour le moment, les particuliers gardent foi dans la devise.
Cependant, les autorités poursuivent une politique d’assouplissement, comme en Argentine ou en Turquie. Les taux n’arrivent pas à hauteur de la progression des prix.
Ainsi, la banque centrale soutient la création d’argent et finance les déficits des gouvernements de la zone.
À terme, une politique d’assouplissement et de déficits crée un risque de fuite devant la monnaie, et un effondrement de la devise.
(Vous pouvez suivre plus d’analyses et commentaires de ma part, sur la Bourse et l’économie, en vous inscrivant à ma lettre quotidienne. Cliquez ici.)
Laisser un commentaire
Créer un compte