La politique a tout contaminé dans notre société, en particulier les médias

L’extrême politisation des médias a poussé la société vers le tribalisme.

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La politique a tout contaminé dans notre société, en particulier les médias

Publié le 21 août 2023
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Par Connor O’Keeffe.

L’un des rares points sur lesquels la plupart des Américains s’accordent aujourd’hui est l’existence de graves problèmes dans l’environnement actuel des médias d’information.

Les conservateurs ont passé des décennies à dénoncer les « médias libéraux », les qualifiant de bras à peine voilé du parti démocrate et, plus récemment, du Big Pharma. Pendant ce temps, les progressistes semblent accuser Fox News, fondée par un milliardaire, d’être responsable de presque tous les problèmes auxquels l’Amérique est confrontée.

Même les représentants des médias de l’establishment s’inquiètent de la couverture par leurs collègues des actes d’accusation contre Trump et, plus largement, de l’élection de 2024, se débattant avec le fait que le candidat qu’ils détestent est si bon pour leurs affaires.

Toutes ces critiques peuvent sembler uniques. Mais en réalité, il s’agit simplement de variations du même argument de base. Les médias sont censés jouer un rôle important dans notre processus politique, mais une course aveugle aux profits a corrompu le journalisme et l’a rendu incapable de servir son objectif supérieur. En vérité, c’est exactement l’inverse. Les problèmes des médias d’aujourd’hui découlent de la politique, et non des profits.

À la base, le journalisme est un service qui permet de recueillir des informations sur des événements récents ou en cours, et de les communiquer aux personnes intéressées. Il existe de nombreuses raisons de payer pour ce service. Et, surtout, les objectifs des consommateurs d’informations peuvent varier, et varient effectivement. Peut-être veulent-ils des informations sur la région où ils vivent ou sur une cause spécifique qui leur tient à cœur. Ils essaient peut-être de se tenir informés des développements qui ont un impact direct sur leur travail. Ou encore, ils aiment s’informer sur un sujet, ou suivre l’actualité d’une célébrité ou d’une équipe.

Il en existe une grande variété, mais nous pouvons également identifier une dichotomie des consommateurs d’informations.

D’un côté, les personnes qui ont besoin d’informations spécifiques pour être aidées à prendre une décision. Imaginez un père de famille surveillant une tempête, essayant de déterminer s’il doit mettre sa famille à l’abri de la tornade. Ou un cadre qui suit un coup d’État à l’étranger pour décider s’il doit extraire les employés qui se trouvent à proximité d’une situation potentiellement dangereuse.

D’un autre côté, les personnes qui consomment les informations à des fins de divertissement ou d’éducation. Imaginez quelqu’un qui veut se détendre après le travail, et écouter son journaliste sportif préféré analyser les résultats de la sélection de la NBA, ou apprendre les dernières péripéties d’un couple de célébrités.

Un groupe a besoin d’informations précises pour prendre une décision sérieuse, et potentiellement coûteuse. L’autre veut s’appuyer sur ses tendances tribalistes ou de commères pour s’amuser dans le confort de son salon. Les deux types de consommateurs d’informations peuvent trouver sur le marché une réponse à leurs besoins spécifiques.

Mais lorsque la politique entre en jeu, ces deux catégories se confondent de la pire des façons.

Dès notre plus jeune âge, on nous apprend que nous vivons dans une démocratie. C’est nous, en tant qu’électeurs, qui déterminons ce que fait le gouvernement, et nous avons l’obligation de rester informés de ce que fait ce dernier, car c’est nous qui dirigeons le navire. Parce que les bons citoyens connaissent les mécanismes bancaires, la science du climat, les tendances en matière d’immigration, la dynamique tribale de l’est de l’Afghanistan, et bien d’autres choses encore. En d’autres termes, les bons citoyens suivent l’actualité.

Même s’il s’agissait d’un idéal souhaitable – ce qui n’est pas le cas – le processus politique ne pourra jamais encourager la consommation prudente et délibérée d’informations, comme le ferait le père surveillant une tempête dangereuse, ou le cadre soupesant l’opportunité d’évacuer des employés. Tout au plus, une petite poignée d’individus est impliquée dans ces situations. Et comme le père et le dirigeant sont tous deux responsables de la sécurité des personnes qui leur sont chères – et de la santé financière de l’entreprise, dans le cas du dirigeant -, ils seront tous deux très conscients des conséquences d’un mauvais choix. De plus, et c’est important, il leur sera probablement facile de savoir s’ils ont fait le mauvais choix après coup.

Les électeurs et les gouvernements qu’ils sont censés contrôler sont protégés de ces incitations et de ces mécanismes de rétroaction. Même à l’échelle hyperlocale, l’impact de votre vote sur les décisions politiques est négligeable. Cela réduit les enjeux d’une éventuelle mauvaise décision. Ajoutez à cela que vous votez probablement pour un homme politique qui prendra de nombreuses décisions. Et comme le gouvernement est institutionnellement protégé des pertes économiques, le retour d’information sur l’adoption de la bonne ligne de conduite est également obscur. Et n’oubliez pas que tout cela se passe au niveau local. Si l’on passe à l’échelle d’un État ou d’un pays, ces caractéristiques sont aggravées jusqu’à l’absurde.

Faut-il s’étonner, dès lors, que les électeurs qui ne sont guère incités à s’assurer qu’ils ont raison, et qui sont également protégés contre les réactions lorsqu’ils se trompent, adoptent les mêmes habitudes médiatiques que ceux qui consomment des informations sportives et de divertissement ?

Si l’on est censé suivre ces informations, en particulier avant les élections, pourquoi ne pas consommer les options les plus divertissantes ? Quel est l’inconvénient ? Et qu’y a-t-il de plus divertissant que la malbouffe intellectuelle tribaliste que nous voyons aujourd’hui ? Il est agréable de s’entendre dire que l’on a raison, et que les personnes avec lesquelles on n’est pas d’accord sont stupides.

Ce n’est pas que la malbouffe intellectuelle tribaliste soit un problème en soi. La plupart des médias sportifs sont structurés de cette manière. Elle ne devient dangereuse que lorsqu’elle est mélangée à des politiques gouvernementales réelles. Car n’oubliez pas que la politique consiste à utiliser la violence pour forcer les gens à agir d’une manière qu’ils ne souhaitent pas. Il s’agit d’un sujet très sérieux qui cause beaucoup de misère, de pauvreté, et de morts dans le monde.

C’est la politique, et non l’économie, qui est à l’origine du problème des médias.

Le marché sait donner aux consommateurs ce qu’ils veulent. Cela n’exonère pas les médias de l’establishment ou la classe politique. Ils profitent grandement de cet environnement médiatique politisé à nos dépens, comme d’autres l’ont clairement indiqué. Mais la politique fausse la consommation médiatique des individus, les pousse à consommer des contenus qui confirment leurs préjugés sur des sujets d’une importance cruciale qui ne les concernent pas, les encourage à faire passer ces mauvaises décisions dans le monde réel sous la menace d’une arme, et les protège des coûts directs liés à l’erreur.

Pourquoi s’attendre à ce que cela se passe bien ?

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  • A la base le journalisme, en tant que corporation, a toujours servi en grande partie la légitimation du pouvoir et la médiatisation d’intérêts particuliers. En effet il rendait autrefois un service commun spécifique et peu remplaçable, ce qui lui permettait d’avoir une existence opérationnelle et économique propre. Mais enfin la fabrique de l’Actualité, comme objet collectif, n’a jamais été neutre même si elle émerge de manière plus ou moins organique dans un contexte libéral en occident.
    Le souci de cette analyse c’est qu’elle voit un problème à la place d’un fonctionnement. Aujourd’hui l’industrie médiatique traditionnelle n’a plus aucune légitimité opérationnelle ou économique. Les autorités de régulation sont désormais seules à l’origine de leur existence plus ou moins directement, en proposant des subventions, un statut social, des droits spécifiques, mais surtout des licences d’exploitation et de diffusion prioritaire (fréquences audiovisuelles, indexation préférentielle, certificats de qualité… etc. sans compter les mécanismes opaques de coupure d’accès à certains sites). En prenant en compte ce que je comprends de l’usage du mot « politique » dans cet article, il vaudrait mieux dire « la politique est à l’origine des médias » problèmes compris, ça clarifierait la compréhension de la situation. Avec la disparition de la boucle de rétroaction que représente le marché, même imparfaite, les médias ne font plus qu’alimenter le système électoral et les élus en ont besoin pour légitimer leur pouvoir, et passent de plus en plus de temps à justifier leur existence par une supériorité morale douteuse (tous les sujets sont instrumentalisés, y compris la presse sportive évoquée dans l’article, qui a désormais un agenda pour faire passer sa valorisation du management de boomer qui sévit encore en interne et dont l’obsolescence est perçue comme une trahison ; l’objectif d’exploitation de la vulgarité ne suffit plus, il faut tout faire pour la maintenir et la malbouffe intellectuelle est alors présentée comme un acquis social à défendre).
    La question qui se pose me semble en réalité être la suivante : sans industrie médiatique traditionnelle capable de produire une Actualité collective, est-il encore possible d’organiser des élections nationales qui participent à la légitimité des autorités centralisatrices ? Encore une fois dans un système libéral réel, l’industrie médiatique traditionnelle disparaitrait rapidement, et la nouvelle industrie de l’information serait elle aussi bien moins centralisée (malgré les campagnes de comm’ les gouvernements entretiennent et organisent la prépondérance des GAFAM, le capitalisme n’est pas indépendant de l’état même en occident : le risque perçu comme majeur par les états c’est la foule informe que les nouvelles technologies permettent de faire vivre, sans interlocuteur et sans client d’influence particulier), ce qui aurait des conséquences structurelles… mais est-ce anormal qu’un système de pouvoir cherche une légitimité effective ? Est-ce surprenant si la délégitimation larvée actuelle coïncide avec un sentiment de trahison du contrat social par une partie de plus en plus grande de la population (y compris dans les élites d’ailleurs, qui trouvent absolument injuste la manifestation de leur incompétence) ?

  • Origine politique du problème des médias !
    Et la politique se nourrit comment ? La politique n’est pas hors société. C’est un peu naïf comme hypothèse.

  • C’est pourtant relativement aisé de choisir, d’un côté, vous avez des journalistes qui donnent des faits, des chiffres avec sources à l’appui pour argumenter sur un sujet, et de l’autre des journalistes avec des « ressentis » comme base argumentaire… Je vous laisse deviner lesquels sont les MAGAs et lesquels sont WOKEs… 😉

    • Je ne comprends pas la thèse, notamment l’idée de choix. Et Maga et Woke, ce ne sont pas deux catégories basées sur du pathos et de l’idéologie par définition ? enfin, je veux dire, c’est carrément dans le nom…

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