Non, la plupart des lycéens américains ne sont pas conservateurs

Une enquête révèlerait une forte polarisation politique en fonction du genre chez les jeunes Américains. Une analyse plus fine montre en réalité que les lycéens sont en majorité… apolitiques.

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Non, la plupart des lycéens américains ne sont pas conservateurs

Publié le 12 août 2023
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Par Emma Camp.

Les garçons du secondaire sont aujourd’hui deux fois plus susceptibles de se déclarer conservateurs que de gauche. Les filles, quant à elles, sont presque trois fois plus susceptibles de s’identifier comme liberals (ndlr au sens américain, de gauche) que conservatrices.

Cette différence marquée entre les sexes – constatée dans une enquête menée en 2022 par l’université du Michigan auprès de lycéens en fin de scolarité – a suscité l’inquiétude de l’ensemble du spectre politique. La tendance des garçons à devenir plus conservateurs semble être la preuve que les jeunes hommes deviennent des « fascistes« , mais aussi qu’ils risquent de se marier moins souvent.

Et si l’enquête n’était pas aussi catastrophique qu’elle en a l’air ?

De nombreux commentaires sur l’enquête n’ont pas remarqué que la majorité des deux sexes ont répondu sans identifier d’identité politique partisane. La source d’inquiétude se concentre sur les faibles 23 % de garçons qui s’identifient comme conservateurs, et 30 % de filles comme liberals  – ce qui ne laisse que 13 % de garçons s’identifiant comme liberals et 12 % de filles s’identifiant comme conservatrices. Mais 64 % des garçons et 58 % des filles ne s’identifient ni comme conservateurs ni comme liberals, mais : « modérés », « aucune de ces réponses » ou « je ne sais pas ».

Certes, les garçons sont plus nombreux que les filles à s’identifier comme conservateurs – environ deux fois plus, selon l’enquête – et les filles comme liberals à un taux supérieur de 17 points de pourcentage à celui de leurs camarades masculins. Mais ce clivage ne concerne qu’une minorité de jeunes.

L’enquête a révélé que la plupart des élèves de terminale n’ont tout simplement pas d’identité politique partisane forte. La majorité d’entre eux n’était pas certaine de ses convictions, ou ses opinions étaient plus complexes qu’une dichotomie gauche-droite bidimensionnelle.

Cela n’a pas empêché certains de tirer des conclusions exagérées de ces données.

« Parmi les liberals, l’avenir est féminin », a écrit Jean Twenge, professeur de psychologie, à propos de l’enquête dans son livre Generations. « Et chez les conservateurs, l’avenir est masculin ».

Un article de Fox News a même insisté sur le fait que « les filles sont majoritairement liberals« , alors qu’elles ne sont qu’une sur trois à s’identifier ainsi.

La ferveur suscitée par les résultats de l’enquête semble s’inscrire dans une panique plus générale concernant l’influence apparemment pernicieuse des médias sociaux sur les jeunes. Pour la gauche, trop de Joe Rogan et d’Andrew Tate poussent les garçons dans un cycle de radicalisation de l’alt-right. Quant aux commentateurs de droite, ils affirment que les médias sociaux poussent les filles à devenir des liberals déprimées.

Mais en réalité, les lycéens interrogés ne semblent pas se préoccuper outre mesure de la politique partisane, et ceux qui s’en préoccupent sont justement divisés en fonction de leur sexe. Nous ne devrions pas nous inquiéter de la polarisation supposée des jeunes, en particulier lorsqu’ils semblent légèrement désavantagés par rapport à votre camp politique. Et nous ne devrions certainement pas suggérer, comme beaucoup l’ont fait, qu’une réglementation gouvernementale des médias sociaux ou du discours en ligne leur serait bénéfique.

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  • Avatar
    jacques lemiere
    12 août 2023 at 8 h 30 min

    mot clef est s’identifier…il est preferable de savoir où ils ses situent avec un test de « valeurs » parce que justement s’identifier liberal est vu comme sympatoche donc déclarations biaisées.. sondage présentateur preferé bernard pivot..
    ensuite savoir si conservateur et liberal même au sens américain n’a pas d’intersection..surtout dans une zone qui import pour des gosses..

  • Malgré ce que dit l’auteur, cette enquête est très significative dans un régime bipartite à électorat stable et divisé : c’est le basculement des futurs nouveaux électeurs dans l’une ou l’autre direction qui conditionnera l’évolution des USA

    Sans aucunement débloquer la question de la réforme nécessaire de la constitution, fossilisée par cette profonde division des courants politiques qui rend tout nouvel amendement impossible

  • Cela démontre que l’école américaine n’est pas politisée et que chaque enfant peut choisir son camp en fonction de ses propres analyses sans être stigmatisé. En France, si tu n’es pas d’extrême gauche-écolo dès la 6ieme, tu es étiqueté facho par tes profs et tes camarades. Avec tout ce que cela entraine pour ton bulletin scolaire et les réseaux sociaux. Tout est parfaitement huilé.

  • Les commentaires sont fermés.

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