Fermes solaires spatiales : une énergie illimitée pour une révolution écologique ?

L’ESA est prête à relever un défi colossal avec le projet Solaris : capter l’énergie du soleil depuis l’espace. Un pari audacieux, plein de potentialités mais aussi de défis techniques à surmonter.

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Fermes solaires spatiales : une énergie illimitée pour une révolution écologique ?

Publié le 25 juillet 2023
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En novembre 2022, les partenaires de l’ESA ont approuvé au niveau ministériel le financement du projet Solaris qui consiste à étudier la faisabilité de centrales utilisant le rayonnement solaire en orbite terrestre (« SBSP » Space-based Solar Power) pour alimenter en énergie les consommateurs en surface terrestre.

Cette semaine, selon ce que rapporte Le Figaro, l’ESA a choisi Thales Alenia Space (Italie, « TAS ») pour mener l’étude à la tête d’un consortium de sociétés européennes. Pour les membres du consortium, on parle de Dassault Aviation pour l’aéronautique, d’Engie (France), Enel (Italie) et Air Liquide pour l’énergie. La décision de faire devrait être prise en 2025, en fonction bien sûr des résultats de l’étude.

On voit bien l’intérêt de telles centrales (on parle de « fermes solaires ») : fournir une énergie propre à partir d’une ressource illimitée, le rayonnement solaire. Ce qui ne veut pas dire que la collecte de l’énergie et la transmission ne coûteront rien, et que toute l’énergie souhaitée sera immédiatement disponible. Cela dépendra de la surface de collecte mise en place, de la puissance du faisceau d’ondes envoyées vers la Terre et de l’importance des stations de réception au sol.

 

Quelles sont les difficultés techniques d’un tel projet ?

 

Il faudra fournir les panneaux solaires, les monter dans l’espace jusqu’à l’orbite géostationnaire (36 000 km) pour que la position de l’émetteur vers la Terre soit absolument fixe par rapport au récepteur. Il faudra, dans l’espace, les structurer robotiquement en centrale pour qu’ils puissent fonctionner ensemble (énormes surfaces possibles et souhaitées pour une quantité d’énergie maximum). Il faudra ensuite entretenir le dispositif de collecte (les micrométéorites existent !), celui permettant son orientation optimale, et bien sûr, celui du système de transmission au sol de l’énergie dans une centrale réceptrice connectée au réseau de distribution générale de l’électricité.

Avec ces premières remarques, on voit bien, au-delà de l’intérêt, la difficulté du projet qui repose évidement essentiellement dans l’assemblage en orbite des surfaces de collecte, la transmission du rayonnement collecté vers le sol en un seul faisceau, et dans la réception au sol de ce faisceau.

Le faisceau envoyé vers la Terre doit être stable pour assurer une liaison stable avec le sol pour des raisons d’efficacité (transmission de toute l’énergie sur la cible) et de sécurité (dommage possible dans l’environnement traversé et entourant la cible).

Il faut donc s’assurer de la stabilité du satellite équipé du dispositif de collecte du rayonnement et l’on sait que la simple réception d’un rayonnement peut induire un déplacement dans l’espace (voiles solaires). Le satellite devra donc être équipé d’un système de propulsion et de pilotage pour contrer les mouvements résultant de la force reçue par le rayonnement et aussi pour que la surface de collecte suive le Soleil dans sa course puisqu’elle va tourner comme la Terre sur elle-même et en orbite autour du Soleil alors qu’elle devra être toujours orthogonale aux rayonnements.

Le rayonnement reçu va être transmis au sol à partir de la centrale, par les ondes. Il faut donc prévoir d’éviter tout obstacle qui pourrait se présenter dans l’atmosphère, et en particulier les populations d’oiseaux qui pourraient interférer, ou des avions qui pourraient; par erreur ou nécessité de navigation, risquer de pénétrer dans le faisceau de transmission. Il faut aussi étudier l’impact ionisant du rayon sur les gaz atmosphériques (ce pourrait être une forme de pollution).

La longueur d’ondes de la transmission devra être finement déterminée pour ces raisons écologiques et aussi parce que les ondes les plus longues nécessiteraient des récepteurs de grandes tailles, tandis que les ondes les plus courtes seraient plus faciles à focaliser mais passeraient moins facilement au travers de l’atmosphère. On choisira probablement une solution moyenne, des micro-ondes ou des ondes millimétriques.

Avant de produire pour la Terre, il serait judicieux de tester sur la Lune. L’expérience y serait facilitée par l’absence d’atmosphère et par l’absence de risque en cas d’instabilité du faisceau.

Il ne faut pas croire que Thalès et l’ESA peuvent mener leur étude tranquillement. Les aiguilles tournent ! Elles sont en concurrence avec des entités américaines (CalTech a lancé un démonstrateur pour la transmission en janvier 23 – MAPLE – et il a fonctionné de manière satisfaisante). La Chine prévoit le sien en 2028. Le Royaume-Uni a également un projet en route.

Ceci dit, il faut être optimiste. Il n’y a pas de raison théorique pour laquelle la faisabilité serait impossible, et on ne voit pas pourquoi Thalès ne fournirait pas les solutions les plus performantes.

 

Un projet qui ouvrirait la porte à d’autres perspectives…

 

Une fois que le système fonctionnera, on voit bien l’intérêt pour la Terre, mais on le voit aussi pour l’installation de l’Homme sur la Lune et sur Mars.

En effet, les ressources énergétiques sur ces deux astres ne sont pas évidentes, puisque ni l’une ni l’autre ne disposent d’hydrocarbures, ni d’eau liquide ni de vents suffisamment puissants pour être utilisés (Mars).

De plus, l’accès à la ressource à partir du sol est très médiocre puisque la Lune connaît de longues nuits de 14 jours, et qu’en plus Mars subit au sol de fréquentes tempêtes de poussière qui enlèvent toute sécurité à l’exploitation au sol de panneaux solaires. NB : (1) L’irradiance à la distance Soleil-Mars est beaucoup plus faible qu’à la distance de la Terre (492 à 715 W/m2 contre 1360 W/m2 pour la Terre) mais elle reste quand même exploitable. (2) le faisceau d’énergie envoyé par la centrale à la surface de Mars pourra passer au travers de la poussière si les longueurs d’onde sont choisies correctement.

 

… mais il reste des obstacles à franchir

 

Restent deux problèmes.

Le premier est celui de l’acheminement d’un nombre très élevé de panneaux solaires dans l’espace. On sera dans une configuration un peu semblable à celle que l’on connaît pour les constellations, en plus difficile (masse et volume). On peut noter au passage que la mise sur orbite de ces centrales ultra-écologiques sera peu écologique, à moins que l’on développe très vite des lanceurs ne brûlant que de l’hydrogène dans l’oxygène.

Le second problème est celui de l’assemblage. On a déjà fait des assemblages dans l’espace, mais ils ont été plutôt laborieux. Relier physiquement des milliers de panneaux solaires et contrôler ensuite leur surface pour la faire évoluer en fonction du besoin fondamental d’orientation vers le Soleil tout en maintenant pleinement opérationnel le dispositif de câbles portant les commandes et centralisant l’énergie reçue n’est pas évident.

Pour Mars, une difficulté complémentaire viendra du besoin de produire les panneaux solaires sur place, car il serait surprenant que l’on consacre un nombre important de vols depuis la Terre à ce seul transport. Pour la Lune, ce ne sera pas la même chose puisque les allers et retours seront rapides (réutilisation possible des mêmes lanceurs) et pourront être aussi nombreux qu’on le voudra.

Dans le cas de Mars, si on choisit la production locale, l’exigence de pureté du silicium utilisable (99,999 %), suppose un degré de développement de l’industrie locale qui n’est pas pour demain. Cependant, déjà, la société suisse Astrostrom Gmbh envisage une telle production « locale » pour construire une centrale électrique orbitant autour de la Lune (GLPS pour « Greater Earth Lunar Power Station »).

Dans l’immédiat, pour la Terre, espérons que la concurrence qui est en place ne va pas être faussée une fois de plus par la Chine. Cela pose une question, toujours non résolue et peut-être la plus sérieuse, doit-on jouer à la concurrence avec des tricheurs ? Notre libéralisme doit-il continuer à aller jusqu’à accepter ceux qui ne respectent pas les règles ? Et si on choisit de ne pas jouer « fair-play », comment fait-on pour rester concurrentiel sur tous les produits qui sont obtenus avec des matières premières ou de l’énergie dont les coûts sont faussés ?

Liens :

https://www.esa.int/Enabling_Support/Space_Engineering_Technology/SOLARIS/SOLARIS2

https://www.esa.int/Enabling_Support/Space_Engineering_Technology/SOLARIS/ESA_developing_Space-Based_Solar_Power_plant_plans

https://www.linkedin.com/company/esa-solaris/

https://www.esa.int/Enabling_Support/Space_Engineering_Technology/SOLARIS/SOLARIS2

https://astrostrom.ch/en/astrostrom_news_october_22.php

https://www.esa.int/Enabling_Support/Preparing_for_the_Future/Discovery_and_Preparation/Help_ESA_research_key_space-based_solar_power_challenges

https://www.caltech.edu/about/news/in-a-first-caltechs-space-solar-power-demonstrator-wirelessly-transmits-power-in-space

https://www.lefigaro.fr/societes/un-reseau-de-centrales-solaires-en-orbite-le-pari-fou-sur-lequel-planche-thales-20230721

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  • C’est pas possible, comment peut on imaginer de telles âneries… Comme si on manquait d’énergie… Et de façons simples de l’obtenir..Le monde devient fou d’écouter tous ces charlatans se disant « scientifiques »!

    • Vous n’êtes pas très aimable et avez tort de considérez que construire des fermes solaires dans l’espace serait une ânerie, « Baby-foot ».
      .
      Je vous conseille de réfléchir un peu avant de porter des jugements définitifs sur ce que tentent de vous expliquer d’autres personnes qui ont l’avantage sur vous d’avoir travaillé leur sujet avant d’en parler.
      .
      Je ne vois pas du tout en quoi capter l’énergie solaire là où il n’y a ni nuit, ni nuages, serait une ânerie. Et les nuisances causées par les fermes solaires dans l’espace présentent une forte probabilité d’être moindres que celles causées par les champs d’éoliennes, les mines de charbon, de tourbe, de lignite, ou par le transport incessant d’hydrocarbures d’un point du globe à l’autre, ou même par la progression de champs de panneaux solaires au sol sur une surface de plus en plus grande.

      -1
      • Un calcul coûts-bénéfices simple, à la louche, permet rapidement de voir que BabyFoot n’a pas tort… Chercher (ça coûte cher), une autre source d’énergie (qui coûtera cher aussi, c’est dans l’espace, après tout) alors qu’il y en a des tas disponibles ici ne peut se justifier in fine que si on discrédite le marché et qu’on met en avant des « coûts » non mesurables pour les autres énergies (« changement climatique », nucléaire qui fait peur, etc.).

        Si on a besoin d’un financement public et d’une intervention étatique pour exister c’est sans doute qu’on ne devrait pas exister (concept bêtement libéral, mais pas forcément idiot, non ?)

        • Mais on ne va pas arrêter se chercher sous prétexte qu’on a déjà trouvé « autre chose » et que le « nouveau » coûte cher!?
          .
          Le solaire spatial est une source d’énergie alternative et elle est moins épuisable que les autres puisqu’elle n’est pas limitée à nos ressources planétaires. Une fois développée, les coûts unitaires d’exploitation baisseront et cette énergie deviendra concurrentielle. C’est l’histoire de la plupart des innovations et c’est la logique de tout investissement. On dépense au début sans être sûr du résultat, on « prend des risques » (c’est pour cela qu’on est rémunéré). On prend sur soi les coûts de développement en espérant les amortir aussi vite que possible. Des fois on perd, des fois on gagne. C’est le capitalisme.
          .
          Il faut savoir prendre des risques et oser sortir des sentiers battus. Rappelez-vous de Voltaire qui se moquait de ceux qui déploraient la perte du Canada par Louis XV (les « quelques arpents de neige ») car la France conservait Haïti. En fin de compte qui a eu raison ?
          .
          Le libéralisme c’est largement le capitalisme, la prise de risque sur la base d’un pari technologique et d’hypothèses financières. Ici l’investisseur est public, l’ESA, mais il aurait pu être privé (il ne l’est pas parce qu’en Europe l’Etat a tendance à tout « rafler » par l’impôt. En tout cas il a procédé par appels d’offres, ce qui est une façon d’être libéral puisqu’on fait appel à la concurrence (« que le meilleur gagne »). On peut être libéral, je le suis, profondément. Mais il ne faut pas être sectaire.

  • Ce projet date des années 70. De considérables progrès ont eu lieu depuis, mais les points bloquants restent.
    -Le prix du lancement au kg en GEO. A 10kg/kW (c’est déjà optimiste!), on est à plus de 10000€ le kW (optimiste aussi!). Pour 1600MW (un EPR), 16 milliards €.
    -Le faisceau de transmission nécessite aussi un transmetteur en orbite de bonne taille. Pour un faisceau micro onde, des centaines de mètres…
    Les solutions sont connues. Utiliser un faisceau optique: un télescope de 20cm de diamètre a une résolution au sol de l’ordre de la centaine de mètres, donc réaliste, et je pense que c’est ce qui est prévu. Pour le prix du lancement, Musk?
    Une énergie pilotable, et inépuisable! A mon avis, les écologistes vont bien trouver un moyen de l’appeler « non renouvelable »…

    • Il est certain que si on pouvait utiliser les services du Starship, on pourrait espérer une baisse des prix.
      En fait il faudrait les combiner avec une production de panneaux solaires sur la Lune, avec le silice de la Lune. Cela requerrait de gros investissements mais on y gagnerait ensuite avec un coût de transport bien réduit. En effet, il serait plus facile de s’abstraire du puits de gravité lunaire que de celui de la Lune et on ne risquerait pas d’abimer la peau de la fusée avec l’échauffement atmosphérique lors de l’EDL.
      Bien sûr cela ne règle pas le problème de la production des ergols sur la Lune mais il ne faut pas désespérer.
      Pour le moment il est important de tester la faisabilité de l’assemblage par moyens robotiques de centaines de panneaux solaires. On verra après.

  • Les commentaires sont fermés.

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