Assemblée nationale : la XVIe législature fête son premier anniversaire

La nouvelle chambre élue en juin 2022 est une des plus fragmentées de la Ve République. Laurent Sailly dresse le bilan des cent jours.

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Assemblée nationale : la XVIe législature fête son premier anniversaire

Publié le 29 juin 2023
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Le 28 juin 2023, voilà un an que la XVIe législature de l’Assemblée nationale s’est ouverte. La configuration inédite du nouvel hémicycle promettait son lot de surprises, de batailles épiques et de débats animés. La session 2022-2023 n’a pas manqué de psychodrames de toutes sortes, où nos représentants n’ont pas toujours été à la hauteur d’une démocratie de moins en moins libérale.

 

Une configuration inédite

C’est des résultats des élections législatives des 12 et 19 juin que vient la première surprise.

D’une part, la coalition nommée Ensemble, qui regroupe les différents partis de la majorité présidentielle (La République en marche, MoDem, Agir, Horizons), reste la principale force de l’Assemblée nationale avec 245 sièges, mais perd largement sa majorité absolue (359 députés en 2017). Pour la première fois depuis les législatives de 1988, le président élu ne dispose que d’une majorité relative dans la foulée de l’élection présidentielle. C’est aussi la première fois depuis l’instauration du quinquennat en 2000.

D’autre part, la montée des extrêmes au sein de la chambre basse est historique. Malgré un mode de scrutin historiquement défavorable à l’extrême droite, le Rassemblement national effectue une percée électorale avec 89 députés, soit une progression de 81 sièges, notamment dans les départements ruraux. La NUPES, regroupant La France Insoumise et les autres partis de gauche (Parti socialiste, Europe Écologie Les Verts et le Parti communiste) obtient 131 à 150 sièges – selon, entre autres, la comptabilisation ou non des députés d’outre-mer – doublant la représentation des partis de gauche par rapport à 2017.

La nouvelle chambre est ainsi l’une des plus fragmentées de la Ve République.

Elle comporte dix groupes :

  1. Groupe Renaissance (168 membres et 4 apparentés)
  2. Groupe Rassemblement national (88 membres et 1 apparentée)
  3. Groupe La France insoumise – Nupes (75 membres)
  4. Groupe Les Républicains (59 membres et 3 apparentés)
  5. Groupe Démocrate, Modem et indépendants (48 membres)
  6. Groupe Socialistes et apparentés, membres de l’intergroupe Nupes (27 membres et 4 apparentés)
  7. Groupe Horizons et apparentés (28 membres et 2 apparentés)
  8. Groupe Écologiste – Nupes (23 membres)
  9. Groupe La gauche démocrate et républicaine – Nupes (22 membres) 
  10. Groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (16 membres)

 

Lors de la séance du 28 juin 2022, les députés s’installent dans l’hémicycle par ordre alphabétique.

À partir de 15 heures, l’Assemblée procède à l’élection de son président par scrutin secret à la tribune. À l’issue d’un second tour de scrutin, Yaël Braun-Pivet est élue présidente de l’Assemblée nationale avec 242 voix sur 462 suffrages exprimés. Elle devient ainsi la première femme appelée à présider la chambre basse du Parlement français…

 

Une assemblée sous la pression de l’« usine normative »

Au total, selon le comptage effectué par la présidence de l’Assemblée nationale, 297 séances ont eu lieu dans l’hémicycle sur un total de 138 jours et pour une durée de 1088 heures de débats.

La chaîne parlementaire LCP relève que « l’Assemblée a dépassé le nombre de jours de séance prévus par la Constitution au cours de la session ordinaire allant du début du mois d’octobre à la fin du mois de juin », obligeant à décider la tenue de jours supplémentaires : 67 projets de loi et 767 propositions de loi ont été déposés. La plupart des projets (56) ont été examinés en séance, mais seulement 71 propositions ont été étudiées.

In fine, 68 textes ont été définitivement adoptés, en majorité des textes d’initiative gouvernementale. Parmi ceux qui ont le plus marqué cette première année figurent la réforme des retraites, la loi de relance du nucléaire ou encore la réforme de l’assurance chômage. 18 propositions de loi des députés ont aussi été votées.

Les députés se disent fatigués à la fin de cette première année par cette activité parlementaire à laquelle il convient d’ajouter les travaux préparatoires en réunion de groupe, en commission ou encore au sein de leur circonscription électorale, sans compter les recours devant le Conseil constitutionnel. Et cette pression n’est pas près de diminuer. À la session ordinaire va suivre une session extraordinaire à l’ordre du jour chargé. En septembre, les travaux de la rentrée porteront sur l’immigration qui sera LE gros morceau législatif.

Cette première année est marquée par les tensions constantes entre les pouvoirs exécutif et législatif.

L’antagonisme entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif s’explique par la confrontation de deux légitimités issues du suffrage universel direct. Emmanuel Macron a été mal réélu, sans enthousiasme ; l’Assemblée est fragmentée en de multiples groupes, ne permettant pas la constitution de coalitions.

Au cours de séances publiques souvent chaotiques, chaque scrutin se joue à quelques voix. Les premiers débats parlementaires (textes sur le pouvoir d’achat ou sur l’assurance chômage) ou l’examen budgétaire de cette automne ont condamné la Première ministre à une stratégie du texte par texte.

Mais le paroxysme de cette année aura porté sur le cycle de la réforme des retraites. Les opposants au texte portant l’âge de la retraite de 62 à 64 ans n’ont pas hésité à délégitimer la réforme gouvernementale à coups de milliers d’amendements. En face, le gouvernement a contre-attaqué en usant (voire abusant) des outils constitutionnels à sa disposition et que nous avons régulièrement évoqués dans les colonnes de Contrepoints : articles 40, 44.2, 44.3, 47-1, 49.3…

 

Rumeurs de dissolution contre menaces de censure

Dès la « naissance » de la législature, l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale a fait peser sur elle la menace de sa dissolution par le président de la République.

La composition de la chambre basse connue et les commentateurs se sont perdus en conjoncture sur l’intérêt politique de celle-ci (la « catastrophe » de 1997 est dans toutes les mémoires) et sur la constitutionnalité de celle-ci, puisqu’aucun cas de dissolution à moins de 12 mois n’est connu depuis 1958. Si celle-ci reste à l’état de rumeurs, le groupe LR parait le plus concerné par cette menace. Les résultats désastreux aux deux dernières élections nationales justifient cette peur. Aussi, la plupart du temps, les 62 députés LR, bien que refusant (pour l’instant) la main tendue des macronistes, se tiennent à distance des initiatives visant à renverser le gouvernement.

Car si la menace de dissolution pèse sur le moral des députés, la menace de censure du gouvernement par ces mêmes députés pèse sur le travail ministériel. En 12 mois, les députés des groupes de la majorité présidentielle ont justifié à 11 reprises le recours du gouvernement au 49.3 sur des textes budgétaires et sur la réforme des retraites. Ils ont combattu (avec succès) 17 motions de censure.

La lassitude des députés macronistes et des membres du gouvernement est flagrant. Ils sont éprouvés par l’absence de majorité absolue, même si Aurore Berge répète à qui veut l’entendre qu’il n’y a pas de majorité alternative. Quant à la stratégie du groupe d’Olivier Marleix, elle est difficile à cerner, d’autant que l’unité du groupe est fragilisée par les ambitions des uns et des autres. Ainsi, les députés de droite sont des alliés récurrents de l’exécutif, tout en étant à l’origine du psychodrame du 20 mars dernier où la motion de censure a échoué à 9 voix près.

 

Nupes versus Rassemblement national

Les deux extrêmes ont fait une entrée remarquée dans l’hémicycle avec deux stratégies diamétralement opposées : stratégie de « bordélisation » contre stratégie de la cravate.

Pour la Nupes, il s’agit d’apparaître comme l’élément dynamique, vociférant, quitte à créer la polémique (on se souvient du ballon à l’effigie d’Olivier Dussopt de Thomas Portes). Il faut frapper l’opinion publique comme étant les défenseurs du peuple, comme ceux qui ne lâchent rien !

Pour le RN, il faut au contraire se montrer comme un parti de gouvernement. Aucun écart de conduite, aucun dérapage (hormis le célèbre « Qu’il retourne en Afrique » de Grégoire de Fournas) n’est toléré.

En voie de normalisation, le RN s’évertue à voter la grande majorité des motions de censure déposées par la Nupes tout en étant le troisième groupe qui vote le plus avec le camp présidentiel après LR et LIOT.

 

La fin des 100 jours ou la répétition du tragique

Emmanuel Macron a donné 100 jours à sa Première ministre pour raviver l’action gouvernementale. Le maître des horloges a encore frappé. Mais la deadline fixée au 14 juillet approche et la stratégie présidentielle ne semble être comprise que par son auteur.

Un an après leurs installations dans l’hémicycle, rien ne paraît changer. Vis-à-vis de la politique d’Elisabeth Borne, la Nupes reste hostile, les LR manque toujours de fiabilité, le RN poursuit sa normalisation institutionnelle, les députés macronistes s’inquiètent de leur sort, le jour où le chef ne sera plus le chef.

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  • Toute cette tambouille politicienne concerne de très loin un libéral.

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