France Identité : faut-il craindre la dématérialisation du permis de conduire ? 

La dématérialisation du permis de conduire en France suscite à la fois des avantages pratiques pour les usagers de la route et les forces de l’ordre, mais soulève également des questions sur la protection de l’identité numérique.

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France Identité : faut-il craindre la dématérialisation du permis de conduire ? 

Publié le 24 mai 2023
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C’est une (r)évolution dont toute la presse parle. On pourra bientôt conduire sans permis (enfin, plutôt sans le document papier) ! Présentée le 17 mai 2023 parmi les quatre priorités de la transformation numérique du ministère de l’Intérieur cette mesure doit « faciliter le quotidien des usagers du service public ». Est-ce vraiment le cas ?

Au second semestre 2023, le permis de conduire dématérialisé rejoindra France Identité, la nouvelle application étatique française, dans trois départements : le Rhône, les Hauts-de-Seine et l’Eure-et-Loir. Cela permettra notamment de se prévaloir de son droit à conduire avec son téléphone mobile lors de contrôles routiers ou lors de la location d’un véhicule. Ensuite, son utilisation sera généralisée, c’est-à- dire accessible à tous dès 2024.

 

Permis de conduire : des avantages pour les usagers de la route et les forces de l’ordre

Aujourd’hui, les personnes qui ont effectivement le permis (et leurs points), mais qui ne peuvent pas le présenter immédiatement lors d’un contrôle routier, risquent non seulement une amende pouvant aller jusqu’à 38 euros, mais doivent de plus présenter leur permis de conduire dans un délai de cinq jours auprès d’un commissariat ou une gendarmerie sous peine d’une amende beaucoup plus lourde.

  • Pour les usagers de la route 

Parmi les avantages pour les usagers de la route, on relève ainsi la tranquillité d’esprit puisqu’on n’aura plus à penser à prendre ses documents papier pour conduire (du moment qu’on a son téléphone avec soi) ni à la lutte contre le vol ou la perte de ces mêmes documents (puisqu’on ne les transportera plus).

  • Pour les forces de l’ordre

On ne le dit pas assez, mais le travail des forces de l’ordre sera également facilité puisqu’il devrait être plus facile de distinguer une personne ayant effectivement le permis (le droit de conduire) mais qui aurait oublié le document ad hoc, et une personne conduisant sans permis, parce qu’elle ne l’a jamais passé ou qu’elle en a perdu le droit. Aussi, les contrôles pourraient être également facilités dans l’espace européen. En effet, face à l’hétérogénéité physique des permis de conduire en Europe, la dématérialisation peut rendre les contrôles plus fluides et les poursuites plus efficaces.

 

Simplifier les processus en les rendant plus pratiques

France Identité préfigure les usages de demain et la dématérialisation progressive de l’identité dans les démarches de service public dans le monde numérique, mais aussi à en permettre de nouveaux dans le monde physique.

En Estonie, pays pionnier en la matière, une identité numérique certifiée existe depuis 2002 grâce à une carte nationale d’identité électronique qui est un document d’identité obligatoire. Cette carte contient une puce sécurisée où sont insérés deux certificats, l’un pour l’authentification en ligne, l’autre pour la signature électronique. Ce système d’authentification permet par exemple aux Estoniens qui le souhaitent de pouvoir voter aux élections par Internet de façon sécurisée.

 

Les questions propres à l’identité numérique 

Attention toutefois ! Comme le relève la CNIL :

« Si l’usage d’identités numériques peut constituer une garantie forte dans le contexte des transactions électroniques, il peut également être perçu comme une démultiplication des possibilités de surveillance, notamment par l’analyse des traces que la personne laissera dans l’environnement numérique. En effet, la numérisation massive des existences humaines nécessite d’assurer l’équilibre entre l’identification des personnes et la possibilité, pour elles, d’agir de façon libre et autonome ».

L’architecture centralisée permet d’avoir une base de données toujours à jour et donc d’éviter l’utilisation d’un moyen d’identification électronique révoqué. En contrepartie, le serveur a accès à l’ensemble des informations, et notamment qui accède à quoi et quand. Il est une cible unique qui concentre les attaques. L’autre alternative, à l’instar de la blockchain, c’est l’architecture décentralisée qui permet de garantir la libre utilisation du moyen d’identification électronique sans surveillance systématique possible.

 

« Est-ce que ANTAI envoie des SMS ? » 

Afin de lutter contre la fracture numérique, la CNIL rappelle également de manière constante l’obligation pour le secteur public d’assurer un accès égal aux services publics, quelles que soient les capacités, connaissances et ressources de chacun en matière numérique. Il convient d’ailleurs de souligner que le déploiement de France Identité n’a pas vocation à supprimer les documents papier qui resteront toujours valides et utilisables pour ceux qui le souhaitent ou en ont besoin.

Il faut surtout souligner que de nombreux citoyens ne font tout simplement pas confiance aux services en ligne. Mais faut-il s’en étonner ?

En pratique, il est de plus en plus difficile de faire la différence entre les services de l’État et des usurpateurs qui se font passer pour lui par SMS ou par courriels. Depuis des mois, des SMS frauduleux notifient par exemple des infractions routières plus vraies que nature et proposent de payer les fausses amendes sur des sites imitant de façon crédible ceux de l’État.

Or, plus la dématérialisation des services administratifs avance, plus les escrocs trouvent de nouveaux terrains de jeu. Si les pouvoirs publics, avec l’aide des opérateurs mobiles, ne luttent pas plus efficacement contre ces pratiques frauduleuses, la confiance des usagers ne sera pas suffisante pour déployer de nouveaux services. Ce risque n’est pas technologique mais il ne doit pas être sous-estimé afin de permettre l’accès de tous aux services publics.

En définitive, en tant qu’avocat je considère que l’identité numérique peut effectivement renforcer l’effectivité des droits des usagers mais sa mise en œuvre devrait aussi s’accompagner d’une formation de tous au numérique. C’est à la fois le meilleur rempart contre les dérives, mais aussi le meilleur moyen d’en assurer l’adoption et l’efficacité.

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  • À partir du moment où l’identité est numérique il est inutile d’avoir un permis de conduire dans son téléphone. En cas de contrôle, donner son nom et prénom aux forces de l’Ordre devrait leurs permettre de vérifier identité, permis de conduire, et tout ce qui va avec dans la base administrative.
    Encore un gadget pour voleur de téléphone : en cas de vol, tout ce qui est dans un téléphone est mis gracieusement à disposition du voleur.

    • Oui tout à fait. Tout cela est stupide puisque les forces de l’ordre qui vous demande vos papiers ont acces à un fichier sur la validité des permis et celle de l’assurance FVA (Fichier des véhicules assurés).
      Donc si n’avez pas vos papiers sur vous, ils peuvent tres bien vérifier, mais vous êtes bon pour une prune quand même 🙂

      • Pas si stupide. Il s’agit d’habituer peu à peu les populations à l’identité numérique globale et obligatoire. Pour cuire les grenouilles on monte le feu dixième de degré par dixième de degré.

        • Cela existe déja avec Franceconnect
          « FranceConnect est un système d’identification et d’authentification offrant un accès universel aux administrations en ligne. On vous explique comment utiliser ce service conçu pour simplifier vos démarche en vous offrant un service public « tout en un ». »
          Pour simplifier.. qui disaient.

  • Lorsque vous êtes pris en excès de vitesse..si vous est absent.il est impossible de le savoir sur internet..et de la régler..on peut donc se retrouver avec des amendes élevées consécutives a un retard de paiement simplement du fait d’être loin de son domicile ..il faut obligatoirement recevoir la contravention a son domicile..j’espère que ses choses la vont évoluer..enfin!

  • Pour ce que cela vaut, je vous donne le comparatif avec le Québec, (et le Canada):
    -Nous avons trois « pièces d’identité », intra-muros, auxquelles peuvent s’ajouter le passeport:
    -Une carte dite d’assurance-maladie, à numéro unique, qui est lié à notre dossier médical. Elle sert autant au public qu’au privé, incluant chez le dentiste. Tous les actes médicaux qui nous sont prodigués, incluant les médicaments fournis, est lié à ce numéro. Il est émis à la naissance et nous suit toute notre vie. Cette carte, comme le permis, est avec photographie, ce qui la (les) rend difficile à falsifier. Elle est gratuite, et des mesures sont en place pour aider les itinérants.
    -Le permis de conduire, émis à partir de 16 ans. Souvent la carte préférée pour s’identifier au besoin. Elle sert par exemple pour pouvoir acheter alcool et cannabis chez ceux de 18 ans+ qui semblent être sous cet âge. (Les point de distribution ne peuvent conserver de copie de la carte, ni ses données.) Elle peut servir aussi de preuve de résidence. (Par exemple, nos bibliothèques publiques s’en servent pour s’assurer que les cartes d’abonnés sont au nom de la bonne personne et que l’adresse de résidence est la bonne, mais ne peuvent conserver ni le numéro ni la photo sur la carte.)
    -La troisième est plus délicate, c’est le numéros d’assurance sociale, qui est a une séquence unique de 9 chiffres qui peut être émise dès notre naissance, mais généralement à partir du moment où l’on prend nos premiers boulots à l’adolescence. Il sert principalement au niveau des impôts et tous nos documents fiscaux. C’est surtout cette carte qui donne lieu aux fraudes économiques, comme le détournement d’identité. Elle n’a pas de photo, et elle est rarement demandée, même en cas de nouvel emploi. Elle l’est par contre si vous ouvrez un nouveau compte bancaire, côte à côte avec une pièce avec photo. (Ils y ajoutent une photographie prise maison du titulaire du compte.) Les banques peuvent, elles, prendre le numéro de la carte d’identité, pour des raisons de sécurité.
    Les gens connaissent assez bien ce qui est permis ou non de faire par ceux qui demandent une de ces cartes. Il arrive que certains se fassent taper sur les doigts. Ceux qui ont accès aux dossiers sous-jacents laissent une signature numérique dans le dossier, ce qui peut leur valoir des ennuis si ils vont sans raison dans les dossiers. (Un fonctionnaire s’est déjà fait pincer à fournir l’adresse d’un membre de gang à un gang adverse, et était tombé pour complicité de meurtre. Les dossiers des « célébrités » sont aussi particulièrement surveillés.)
    -Pour le reste, au plan pratique, les véhicules de patrouille peuvent lire notre plaque et signaler immédiatement le non paiement de droits ou d’amendes. La transition pour les preuves d’assurance physique des autos est en cours, mais j’ai dans mon coffre à gant tout ce qu’il me faut en cas de contrôle ou d’accident. Le permis comme tel est toujours une carte plastifiée format carte de crédit. Je l’ai dans mon portefeuille, à côté de ma carte d’assurance maladie et j’ai toujours celui-ci en poche lorsque je traverse ma porte. Au sens strict, je ne verrais pas un gros avantage à l’une au l’autre des méthodes plus que l’autre.
    -Plusieurs précautions existent, et les médias les rappellent à l’occasion. Il est entre autre illégal de demander ces numéros par courriel ou téléphone. Nous devons nous rendre spécifiquement sur les sites gouvernementaux prévus à cette fin pour pouvoir les fournir au besoin. Mais évidemment, faire preuve de prudence est toujours la meilleure politique.
    Espérons qu’une modeste comparaison puisse aider à améliorer la sécurité des dispositifs…
    Images:
    https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/737929/permis-conduire-quebec-changements-securite
    https://www.ramq.gouv.qc.ca/fr/citoyens/assurance-maladie/utilisation-carte
    https://www.protegez-vous.ca/argent/carte-dassurance-sociale-prudence

  • Les commentaires sont fermés.

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