Les terres rares, atout maître de la Chine à l’international

La place de la Chine dans l’exploitation des terres rares n’est, toutefois, qu’en partie liée à l’importance de son stock de métaux stratégiques.

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Mine à Kalkgoorlie en Australie (Crédits kool_skatkat, licence Creative Commons)

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Les terres rares, atout maître de la Chine à l’international

Publié le 19 décembre 2022
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Par Romain Delisle.
Un article de l’IREF

Ce que l’on appelle les terres rares dans le langage courant recoupe une série de 17 métaux divisée entre terres rares légères, plus courantes et terres rares lourdes. Le néodynium, le praséodynium et le dysprosium servent à fabriquer des aimants permanents que l’on trouve dans les éoliennes, les véhicules hybrides, les disques durs ou les téléphones portables.

Le lanthanum ou le cérium sont, quant à eux, employés dans le polissage de la céramique et du verre et entrent dans la composition des pots catalytiques réduisant les émissions de gaz à effet de serre (GES).

D’autres encore, comme l’europium ou l’yttrium, ont des propriétés luminescentes et servent à la fabrication des écrans à cristaux liquides ou des dispositifs de guidage laser.

Avec 150 000 tonnes extraites chaque année pour une valeur de 9 milliards d’euros, le marché des terres rares est restreint mais stratégique.

 

Le monopole chinois de production des terres rares commence à peine à être concurrencé

Il y a à peine quatre ans, la Chine produisait 80 % des terres rares à l’échelle mondiale (et même 95 % en 2010), un chiffre qui chute à 60 % à l’heure actuelle. La même année où l’embargo sur le Japon avait été mis en œuvre, le pays avait instauré une série de mesures restrictives, des quotas d’exportation (de 30 000 tonnes par an), des taxes à l’export (de 10 à 25 %) ou des mécanismes de contrôle des prix, ce qui avait mené les pays consommateurs à tenter de diversifier et sécuriser leurs approvisionnements.

À la suite de cette crise diplomatique, en 2011 et en 2012, les prix des terres rares, également portés par la spéculation, avaient littéralement explosé, l’augmentation atteignant 500 % dans certains cas. Conséquence directe : l’exploitation de ce type de ressource hors de Chine était passée de 16,5 millions de tonnes à 87,3 millions de tonnes.

La place de la Chine dans l’exploitation des terres rares n’est toutefois qu’en partie liée à l’importance de son stock de métaux stratégiques.

Les faibles coûts du travail, une offre d’énergie bon marché, des programmes publics de recherche spécialisés, des règles de protection de l’environnement peu développées voire inexistantes pour cette activité d’extraction très polluante (par les eaux usagées acides et les résidus radioactifs notamment) en sont les autres raisons majeures. Dans les années 1980, les États-Unis avaient eux aussi commencé à en produire mais l’essor avait été freiné par l’apparition de puissants mouvements de protection de l’environnement.

En 2015, condamnée par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la Chine abandonne ses mesures de restrictions, les prix baissent et certaines sociétés font faillite, comme celles qui exploitaient la mine de Moutain Pass aux États-Unis.

 

La place des terres rares dans l’économie et la diplomatie chinoise

Selon une note de l’Institut français des relations internationales (IFRI) la Chine a conservé de sa position dominatrice une place prépondérante dans toute la chaîne de valeur en produisant, par exemple, 90 % des alliages d’aimants et 75 % des aimants. Elle s’est également efforcée de fusionner les entreprises du secteur en les réduisant à 26, dont seulement six pour l’extraction, toutes entre les mains de l’État.

Les exemples de pressions diplomatiques chinoises circonstanciées via l’arme des terres rares sont nombreux : sur la Corée du Sud, du fait de l’adoption d’un système de défense aérien largement piloté par les Américains ; sur les Philippines avec le conflit territorial entourant les îles Spratley ; et même avec la Norvège lors de l’attribution du prix Nobel de la paix au dissident chinois Liu Xiabo (hélas décédé depuis).

L’une des solutions envisageables pour remédier à cet épineux problème, qui d’ailleurs recouvre aussi un impératif écologique, serait le recyclage des produits fabriqués avec des terres rares, les pales d’éoliennes ou les batteries de véhicules par exemple. Avant la crise sanitaire, il n’était qu’embryonnaire et ne s’appliquait qu’à 6 ou 7 % maximum des biens concernés.

Pour les véhicules électriques, une autre piste est ouverte avec les intéressants projets de moteur ne contenant pas de terres rares développés par Tesla et son moteur à induction, ou par Renault et son moteur à excitation.

Mais cela sera-t-il suffisant ?

L’Empire du milieu a d’ores et déjà démarré la contre-attaque. Selon Les Échos, par la fusion d’entreprises déjà existantes, il a créé en fin d’année dernière un géant des terres rares, baptisé China Rare Earth Group.

Pendant ce temps, la France et l’Allemagne ont créé un géant de la batterie et ambitionnent d’interdire les véhicules thermiques à horizon 2035. Elles seraient donc bien avisées de revoir ces ambitions à la baisse, faute de remplacer une dépendance (au pétrole) par une autre. À moins qu’elles ne parviennent à faire émerger rapidement des géants européens d’exploitation des terres rares pour construire une politique de défense axée sur la sécurisation de nos approvisionnements (en Afrique par exemple). Ce qui a fonctionné pour l’uranium avec la filière nucléaire peut très bien fonctionner avec les terres rares et la production d’énergie.

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  • J’avais cru comprendre dans un de vos article que les terres rares se trouvent sur toute la planète mais en petite quantité ce qui rend leur exploitation compliquée et très polluante, alors quand dans la conclusion vous proposez d’aller les extraires en Afrique celà signifie t’il que plutôt que de polluer l’Europe nous le souillerions l’Afrique plus docile que la Chine, aussi puis je suggérer de bouchez les trous des exploitations à ciel ouvert par nos déchets.

    -1
    • Il n’y a pas que l’Afrique comme alternative, surtout si on accepte de payer un certain prix pour la sécurité stratégique, en clair pour éviter d’être trop dépendant de certains pays, surtout quand il s’agit d’une très grande puissance, donc naturellement impérialiste, comme la Chine ou les États-Unis.

      Il faut donc encore une fois rejeter l’esprit de système qui sévit aussi parmi les partisans du libéralisme économique : sain et fondamental dans son principe, celui-ci doit toutefois connaître des dérogations dans des situations stratégiques majeures, ce que toutes les puissances sérieuses, États-Unis en tête, pratiquent sans hésitation. Il n’y a que les Européens pour pratiquer le désarmement économique unilatéral et on en constate les beaux effets, notamment en matière énergétique.

    • Les africains plus dociles que la Chine ? Non, les dirigeants africains n’ont rien à faire de leur pays et de leurs populations. Seul leur importe leur compte en Banque Suisse. À cela s’ajoute les écolos européens qui n’ont que faire de l’écologie, mais n’ont trouvé que ce moyen pour essayer de conquérir le pouvoir : pour eux, polluer en Afrique, en Amérique du sud ou en Asie importe peu.

  • L’Allemagne adore la Chine qui lui achète ses produits. Elle en est même accro comme en témoigne le récent voyage de Scholtz qui a expliqué à son copain Xi Jinping que l’Europe se partage les échanges avec la Chine : aux abrutis de français les droits de l’homme et aux allemands le business et le pognon.
    Et comme avec le gaz de Poutine, en contrepartie d’un lobbying écologiste intense, L’Allemagne fait tout pour que l’Europe n’exploite ni terre rare, ni lithium sur son territoire si la Chine continue à acheter allemand.

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