« Antifa Le Jeu » : la liberté d’expression, c’est pour tout le monde !

Tant qu’elle ne contrevient pas aux lois en vigueur, la liberté d’expression, c’est pour tout le monde.

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« Antifa Le Jeu » : la liberté d’expression, c’est pour tout le monde !

Publié le 1 décembre 2022
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Ainsi donc, et j’approuve, la FNAC a mis fin à son cafouillage initial en réintégrant dans son offre le jeu de société Antifa Le Jeu quelques heures après l’avoir retiré suite aux remarques peu amènes émises ce week-end sur Twitter par le Syndicat des Commissaires de la Police Nationale (SCPN) et un peu plus tard par le député du Rassemblement national (RN) Grégoire de Fournas.

Les premiers s’étonnaient qu’une enseigne grand public telle que la FNAC puisse « mettre en avant les antifas, qui cassent, incendient et agressent dans les manifestations » ; le second donnait son idée du jeu en ces termes :

Avant de poursuivre, notons que le SCPN a précisé dans un second tweet qu’il était un syndicat apolitique dont le premier tweet n’avait pas pour objet de demander le retrait du jeu mais informer sur la réalité de l’univers antifa. Notons également que les cases évoquées par Grégoire de Fournas n’existent que dans son imagination et que le lancer de cocktail Molotov sur les CRS n’apparait nullement dans le jeu. Ce à quoi le député a répondu qu’il se voulait ironique.

C’est du reste en regardant de plus près en quoi consistait réellement ce jeu que la FNAC l’a remis en rayon, considérant qu’il ne contrevenait en rien aux lois en vigueur. Après tout, l’enseigne vend aussi du Soral, du Renaud Camus, du Hitler, etc.

On mentirait en disant qu’Antifa Le Jeu n’est pas furieusement militant : il fut à l’origine un support de formation du mouvement « méchamment antifasciste » La Horde et dans sa forme commerciale actuelle, il cible clairement l’extrême droite, sa dirigeante héritière et sa politique de dédiabolisation de même qu’il fait figurer parmi ses « événements » le cas d’un jeune des quartiers tué par la police. Mais on mentirait tout autant en disant qu’il constitue un appel caractérisé à la violence. L’action la plus audacieuse consiste apparemment (et fictivement) à s’habiller en noir et à fabriquer des « cacatovs » (autrement dit des excréments dans une bouteille).

 

Quelques remarques sur la polémique Antifa Le Jeu

Les faits étant posés, plusieurs remarques me viennent à l’esprit :

On observe une fois de plus que trop d’indignation mal goupillée tue l’indignation. Depuis qu’il est sous les projecteurs de la réprobation, Antifa Le Jeu est devenu le jeu à avoir et se trouve maintenant en rupture de stock chez son éditeur qui a toutes les raisons de remercier M. de Fournas en voyant comment un produit appelé initialement à une diffusion plutôt confidentielle auprès d’un groupe limité de sympathisants se retrouve maintenant au cœur du marché grand public et se transformera peut-être en grand succès du soft power antifa (ou pas, du fait de sa composante amusement pour tous).

On observe également une fois de plus que ce n’est pas parce qu’on est antifa, anticapitaliste et/ou anti-américain qu’on méprise Amazon lorsqu’il s’agit de diffuser ses produits. (Amazon où le jeu est en rupture de stock, comme partout.) Cohérence, cohérence…

La FNAC étant une librairie privée, le choix des livres, disques, jeux et magazines mis en vente dans ses magasins ou sur son site internet relève entièrement de sa propre politique de commercialisation – qui se révèle en l’occurrence des plus larges et des plus diversifiées. Ses décisions sur le retrait ou la réintégration de tel ou tel produit ne regarde personne.

On peut critiquer ses choix, certainement pas exiger qu’elle se conforme aux nôtres et ce d’autant plus que dans notre monde encore un peu concurrentiel, le jeu en question est présent chez certains libraires, absent chez d’autres. Rien ne nous oblige à fréquenter un magasin ni à y acheter des ouvrages ouvertement opposés à nos propres sentiments.

Mais plus profondément, on observe que rien n’est plus complexe à manier que les concepts de liberté d’expression, de publication, d’édition. Un point semble clairement établi : toute personne souhaite que sa liberté d’expression soit respectée. Un point semble moins évident : tout le monde n’est pas prêt à accorder aux autres la liberté d’expression qu’il revendique pour lui-même.

Or il me semble justement que la liberté d’expression n’est pas d’abord la possibilité qui m’est offerte de m’exprimer, elle est avant tout ma reconnaissance des possibilités d’expression des autres. C’est en effet dans l’acceptation de la confrontation des idées que la liberté d’expression devient véritablement féconde. Les interdictions, les demandes de retrait et toutes les autres procédures d’effacement et annulation, typiques d’une volonté de cancel culture, sont à l’opposé d’une société du débat et de l’échange d’arguments. Plutôt chercher à convaincre que contraindre.

C’est précisément la raison pour laquelle cet article ne serait pas complet s’il n’en venait pas à rappeler que, oui, comme l’écrivaient les Commissaires de police dans leur premier tweet, les antifas ne sont pas des enfants de chœur. Non seulement la castagne matérielle et physique ne leur fait pas peur mais ils ne répugnent nullement à se livrer à des atteintes gratuites aux biens et aux personnes et à cibler spécialement les policiers.

On se rappellera par exemple qu’à Nantes, en début d’année, une manifestation annoncée (y compris par un conseiller municipal EELV) comme une lumineuse marche aux flambeaux antifasciste contre les idées nauséabondes de l’extrême droite s’est terminée dans les dégradations, la violence et les jets de projectiles sur les forces de l’ordre aux cris de « À mort l’État, les flics et les fachos ».

Et puis, n’en déplaise aux éditorialistes de la presse de gauche qui ne voient de cancel culture qu’à droite et prennent la « tyrannie woke » pour un « fantasme », peut-être faudrait-il se souvenir par exemple qu’en 2019, la philosophe Sylviane Agacinski n’avait pu donner la conférence pour laquelle elle avait été invitée à l’Université de Bordeaux. Ses positions anti-PMA lui ont immédiatement valu d’être cataloguée comme « homophobe notoire » par des syndicats étudiants et des associations LGBT qui n’ont reculé devant aucune menace pour obtenir (avec succès) la déprogrammation de son intervention.

Peut-être faudrait-il se souvenir qu’en 2019 également, la pièce d’Eschyle Les Suppliantes qui devait être jouée à la Sorbonne dans le cadre d’un festival de théâtre antique n’a pas pu se tenir à la date prévue. Son crime ? Ne pas plaire au Conseil représentatif des associations noires et au syndicat étudiant UNEF en raison de l’utilisation d’un maquillage sombre qui relèverait selon eux du blackface en vogue dans les milieux ségrégationnistes et racistes américains. Et les militants offensés de bloquer l’entrée du spectacle.

Peut-être faudrait-il se souvenir aussi de la façon dont des étudiants syndicalistes de Sciences Po Grenoble ont orchestré en 2021 la mise au pilori de deux enseignants de l’école, accusés en toute simplicité de « fascisme » et « d’islamophobie » et comment ils faisaient régner un « climat de peur » sur les étudiants via des accusations non vérifiées de harcèlement sexuel diffusées nominativement sur les réseaux sociaux.

Etc. Etc.

 

Alors oui, tant qu’elle ne contrevient pas aux lois en vigueur, la liberté d’expression, c’est pour tout le monde. C’est pour vous, c’est pour moi, c’est pour Marine Le Pen, c’est pour le jeu Antifa de l’association La Horde. Constatons cependant que l’idéal typiquement libéral de tolérance, d’articulation des idées et de recherche des faits que cela représente n’est pas encore tout à fait de ce monde. Amis libéraux, travaillons-y !

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Créer un compte Tous les commentaires (14)
  • Mais justement Nathalie , la liberté d’expression dans les faits , comme vous le décrivez dans l’article, ce n’est pas pour tout le monde. On a un camp qui pousse la sienne le plus loin possible , et l’autre qui est attaqué en justice , empêché de spectacle , de cours , banni des réseaux tv et radio dès qu’il prononce une parole qui déplait . Si un jeu équivalent existait , il ne trouverait même pas d’éditeur . Il est d’ailleurs signifiant que le mot Antifa n’ait même pas d ‘équivalent , ça en dit long sur la censure mentale , non dite mais qui pèse de tout son poids sur les têtes . Un spécialiste des lois disait que dans les sociétés il y avait des lois explicites (écrites) et des lois implicites (non écrites) , et que des deux , les systèmes implicites étaient ceux qui étaient les plus contraignants . La droite subit une loi implicite extrêmement forte , pas la gauche .

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    • Entièrement d’accord avec vous. La gauche soutien à fond la liberté d’expression pour elle-même, jusqu’aux rappeurs qui veulent ni.uer la grand-mère de la France et tuer les bébés blancs, tandis qu’elle attaque directe tout ce qui est liberté d’expression de droite, pardon d’extrême-droite. Droite ou extrême-droite ? C’est selon des critères qui sont propres à la gauche.
      Ils sont hélas les mêmes pour les médias grand public, qui ne connaît pas l’extrême-gauche mais use de « extrême-droite » à longueur de reportages. Il n’est qu’à voir le tout dernier sur BFMWC sur le retour de de Fournas à l’AN, commenté d’un « de retour après son exclusion pour propos racistes », ce qui est totalement faux. Mais ça passe crème.
      Essayez à droite de dire le quart de la moitié d’une vérité qui déplaît à gauche (même pas un mensonge lol)…

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  • Dans l’absolu, vous avez évidemment raison.
    J’attends avec impatience un jeu qui formerait nos agriculteurs à se défendre contre les saboteurs des systèmes d’irrigation ou contre les faucheurs d’OGM !

    11
    • Ou un jeu « Gilets jaunes » où on incendierait des radars, bloquerait des centres de contrôle technique, défoncerait les portails des ministères…

  • tant de bruit pour rien. Il suffit que la droite et son extrême sorte un jeu anti gaucho. On verrait alors les réactions !

  • J’ai fermé mon compte à la FNAC.

  • « Non seulement la castagne matérielle et physique ne leur fait pas peur »
    facile quand on demande aux FDO de garder l’arme au pieds

  • Si on entre dans la discussion par le biais de la liberté d’expression, cet article est irréprochable.
    Si on le fait par l’habituelle question : – et s’il s’agissait du camp d’en face ?… alors il faut émettre un bémol.
    En France, il est possible de posséder des insignes nazis, mais pas de les exposer, en vue d’une vente par exemple. Ce qui interdit la mise en vitrine ou la publication d’une photo sur Amazon, par exemple.
    On me dira : un jeu ou un colifichet ne font de mal à personne. Oui, mais on restreint l’affichage quand ils ont trait à une idéologie mortifère. Ou on les accompagne, comme pour Mein K…, d’un avertissement.
    Je ne vois rien de tout cela pour le « jeu » antifa. De la part de groupuscules qui prônent la violence pour l’emporter sur les ennemis qu’ils s’inventent, cela me pose problème.

  • disons..que on a meme le droit de risquer la tôle si on estime que ce qu’on dit doit être dit..

    la défense de la liberté liberté d’expression c’est surtout de refuser d’interdire à quiconque de donner son opinion…

  • Très bon cet article
    Lorsque l’on est manichéen et que le monde est un combat entre les forces du mal et les forces du bien, cela allège bien des problèmes moraux. : Dieu ou le Bien est avec nous.
    Lorsqu’on combat dans le camp du bien qu’on s’est choisi, on se moque bien des moyens à utiliser pour atteindre ses fins et la violence et la contrainte deviennent tout à fait acceptable pour les atteindre. La fin justifie les moyens pour les idéalistes,
    Beaucoup d’entre nous, à gauche ( surtout à gauche 😉) ou à droite se croient dans le camps du Bien, ce qui leur permet utiliser n’importe quel moyen d’action pour atteindre leur fin.
    Ami libéraux, n’oubliez pas qu’il n’y a que 3 moyens d’avoir des interactions avec les autres êtres humains : l’échange libre, le don et la contrainte.
    Ne tombons pas aussi bas qu’eux ; nous savons que le Mal et le Bien n’existent pas et que ce n’est qu’illusion de l’esprit ; n’utilisons que les deux premiers moyens, soyons en fier, n’arrêtons jamais de l’expliquer, et arrêtons de tomber dans les mêmes travers que les sots, car oui c’est de la bêtise crasse de penser qu’on est libre de faire ce que l’on veut juste parce que on le vaut bien.

    • @Aero « nous savons que le Mal et le Bien n’existent pas et que ce n’est qu’illusion de l’esprit » hi hi pouvez vous parler à la première personne quand vous posez ce type de postulat ? PS : Si votre postulat est vrai , à quoi servent les lois (spirituelles , temporelles )

  • on sait que ce qui manque dans le pays c’est l’égalité de traitement des dictatures totalitaires

    on peut se dire FIEREMENT communiste;. sans avoir à assumer les horreurs des régimes communistes..

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