Alerte au gaz pour les banques européennes

Un hiver difficile pourrait menacer la solvabilité de certaines banques selon la Banque centrale européenne. Le déposant doit-il s’inquiéter ?

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Alerte au gaz pour les banques européennes

Publié le 24 septembre 2022
- A +

Le responsable de la supervision bancaire de la Banque centrale, Andra Enria, est monté au créneau lundi 19 septembre avec un discours inquiétant :

« La Banque centrale européenne (BCE) tient à ce que les établissements de crédit vérifient leurs prévisions en matière de fonds propres avant un hiver sans doute difficile […] Nous incitons les banques à mettre vraiment l’accent sur la concentration d’expositions aux secteurs qui sont particulièrement dépendants de l’énergie et vulnérables aux chocs énergétiques. »

Aïe … Il ne s’agit pas d’un simple problème de chauffage dans les locaux suscitant une épidémie de rhumes de cerveau mais des retombées de la crise énergétique.

Selon la BCE, il faudrait davantage de fonds propres à certaines banques pour pouvoir éponger les pertes qui ne manqueront pas de faire surface dans les secteurs qui souffrent en raison de l’augmentation des coûts de l’énergie.

Le déposant doit-il vraiment en perdre le sommeil ? Les banques sont quasi-nationalisées depuis la crise de la dette en euro de 2011 et toutes trop grosses pour faire faillite. Avec tous ces « quoi qu’il en coûte » et le déluge d’argent gratuit, nous dormions sur nos deux oreilles. Les fonds propres sont devenus insignifiants.

 

Les marchés dérivés de l’énergie en première ligne, qu’est-ce qui pourrait donc mal tourner ?

Selon Andra Enria :

« Le problème de l’exposition à la compensation de dérivés d’énergie, que nous avons identifié récemment. »

En mars dernier, les brutales hausses du gaz et du pétrole ont provoqué une mini panique sur les marchés à terme (ou futures). Les fournisseurs qui s’engagent à prix fixe sur la durée avaient l’habitude d’emprunter pour miser sur des produits baissiers et ainsi se couvrir contre une éventuelle vente à perte. Sur ce type de marchés – dits dérivés – environ 85 % de l’argent provient de prêts bancaires. Les 15 % restants sont financés par les acteurs concernés. Tout ce petit monde a été pris à contrepied par la hausse fulgurante, résultant des sanctions prises contre la Russie et des embargos sur le gaz. Il en a résulté de grosses pertes. La Suède, l’Autriche et l’Allemagne ont dû procéder à des sauvetages (nationalisations) d’urgence de compagnies gazières et pétrolières.

Chat échaudé craint l’eau froide. Du coup, beaucoup d’acteurs ont jeté l’éponge, d’autres ont considérablement augmenté leurs appels de marge. Les fournisseurs qui veulent se prémunir d’une future baisse sont désormais confrontés à une augmentation vertigineuse de leurs frais. On parle de 1500 milliards d’euros.

 

Les remèdes pires que le mal

L’Europe évoque une solution pire que le mal : bloquer les prix et suspendre le marché des produits dérivés.

Sauf que faute de moyens pour se couvrir, les fournisseurs ne fourniront plus…

Mais ceci ne gêne pas les instances européennes :

« L’intervention prévue devra être conçue de façon à éviter tout accroissement de la consommation de gaz ou compromettre les efforts pour diminuer la demande. Elle sera simple à mettre en place et à coordonner au travers de l’Union et en ligne avec les objectifs climatiques ».

Nous n’en doutons pas : comme la politique groupée d’achat des vaccins anti-covid, probablement.

Mais revenons aux banques… Si elles sont asphyxiées par les marchés dérivés du gaz, il faudra bien que la BCE vole à leur secours. À condition qu’elle le puisse car nous parlons de marchés en dollars (eh oui, Poutine avait en 2021 proposé à ses clients européens de payer en euros mais ceux-ci avaient décliné l’offre).

En réalité, ce n’est pas une crise bancaire que nous devons redouter mais une crise monétaire. Car la Banque centrale européenne est en train de dilapider très rapidement le capital confiance qui est l’unique assise de l’euro.

  • en soutenant que l’inflation était transitoire,
  • en étant en retard sur les hausses de taux,
  • en ne proférant que des inepties.

 

Pour ce dernier point, citons Luis de Guindos, vice-président de la BCE, le 19 septembre :

« La politique monétaire essaie toujours de lutter contre l’inflation, cela aura un impact sur les dépenses de consommation et l’investissement des entreprises […] et des hausses supplémentaires des taux d’intérêt dépendront des données économiques […] L’inflation est le pire des maux pour la population européenne. »

Si lorsqu’elle lutte contre l’inflation, la politique monétaire consiste à monter les taux, l’inverse est vrai : lorsque la politique monétaire baisse les taux, elle favorise l’inflation. Depuis 2008, le PIB de l’eurozone exprimé en dollars est constant mais la masse monétaire a doublé. 0 % de croissance mais 100 % de monnaie en plus.

Si l’inflation est le pire des maux pour la population, pourquoi avoir écrit que l’objectif d’inflation en zone euro se situait à 2 % par an ?

Ces clowns irresponsables mériteraient d’être payés en eurobonds à 10 ans…

Encore une fois, le danger n’est plus dans les banques. Il est dans la crise monétaire comme je l’explique dans mon dernier livre. Les taux montent et la Grèce, l’Espagne, le Portugal, l’Italie, la France sont des pays surendettés à la croissance atone. Là est le vrai risque.

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  • Bien sûr, le gaz a augmenté en raison de ses embargos très sélectifs. (Sélectif car il me revient que du gaz russe coule toujours vers l’Europe Occidentale au travers de pipelines qui passent en Ukraine … mais bon…)
    Quant au prix se l’électricité, il n’en va pas de même. Son alignement sur le prix du gaz reflète une décision politique qui a beaucoup à voir avec la soi-disant transition écologique. Pour rappel : https://www.miroirsocial.com/participatif/le-ministre-de-leconomie-denonce-enfin-les-aberrations-du-marche-unique-de

    • L’alignement de l’électricité sur le prix du gaz découle en effet, pour une part au moins, du besoin incontournable pour les sources intermittentes écologiques genre éoliennes d’être complétées par des centrales à gaz ou à charbon. Mais le prix du gaz relève d’un boycott absurde, « boycott » étant quelque chose de différent de « embargo ». A noter que nous pourrions bien découvrir douloureusement cet hiver la différence, si Poutine décide d’un véritable embargo…

      • Ok , il s’agit effectivement d’un boycott (sélectif) de notre part et non d’un embargo.
        Le caractère incontournable du renouvelable, par contre, me paraît fallacieux pour la simple raison que le renouvelable en question n’est pas pilotable et qu’il faudra donc toujours en réserve des capacités équivalentes de production classique qui seront probablement mal utilisées du fait même de cette priorité politique accordée sous forme de subsides énormes aux producteurs d’électricité dite « verte ». Ce mantra de diminution forcée de nos émissions de CO2 (et pour rappel le CO2 est indispensable à la vie) me fait l’impression d’une course insensée vers un suicide collectif de nos sociétés et le risque de volatilisation de l’€ évoqué dans cet article n’en est qu’un symptôme de plus.

        • Ok , j’ai mal lu. Il y affectivement un besoin incontournable pour le renouvelable d’être supporté par des moyens classiques de production. Autant pour moi … Je suis en effet tellement indigné par toute cette propagande autour du renouvelable que j’en arrive à lire trop vite.

          • Moi aussi, j’avais d’abord compris le contraire de ce que vous disiez, avant de me corriger…
            Et d’accord aussi, le CO2 ne présente pas, jusqu’à preuve du contraire, d’autre danger que celui de soutenir un quoi qu’il en coûte suicidaire. L’effet du CO2 largué dans l’atmosphère est difficile à évaluer, et on ne sait s’il est néfaste ou non pour la vie humaine. L’effet des euros largués dans la production d’énergie à trois ou dix fois le coût de ce qu’on saurait faire « à l’ancienne » est lui clairement catastrophique pour l’économie, comme le dit l’article, et pour la vie humaine. C’est exactement le contraire de l’invention de l’outil. L’outil a permis à l’homme de multiplier les créations de richesse pour le même effort, nous sommes en train de multiplier les efforts pour créer la même quantité de richesse. Et dans la perte de conscience de la proportion « normale » qui régit la récompense des efforts par la richesse.

  • Voilà qui justifie un bon frexit avec abandon de l’euro, le plus vite possible, avant que la barraque ne nous tombe sur la tête. On remboursera nos dettes en francs, comme on avait bien remboursé en euros les dettes libellées en francs antérieurement à 1999.
    Il n’y a pas d’alternative.

    • Les 320’000 articles de lois soviétoïdes sont bien franco-français et Macron en président de l’UE en 2027 n’est pas une prédiction aberrante, cette espèce infeste déjà les couloirs de Bruxelles.
      La France était maudite par sa bourgeoisie socialiste bien avant l’UERSS et un Frexit ne nous délivrerais pas d’eux.

  • Encore une fois, le blocage des prix de l’énergie n’est qu’une diminution de leurs taxes. L’énergie sera toujours importée aux prix du marché.
    Si la France a un vrai problème de crise de la dette, elle a une solution : l’élection de Mélenchon. Ce dernier sera élu à plus de 60% des voix, on peut le parier compte tenu du niveau d’éducation des français biberonés depuis le primaire aux idées de gauche.
    Vive le régime de Maduro. La seule différence avec nous, c’est qu’ils ont du pétrole.

    -1
    • Non, ça n’est pas une diminution des taxes, mais un paiement par de la dette. Et comme seuls quelques fidèles croient encore ce que dit Mélenchon, la réalité de l’hiver sans gaz et sans printemps frappera durement avant le FMI, sans passage par le régime à la Maduro.

      • Bien sûr, diminuer les taxes en France = augmenter la dette puisque l’État ne sait que dépenser plus. Mais la matière première est toujours payée au prix réel.
        Quand la France sera au pied du mur et que le FMI l’obligera à licencier plus de 4 millions de fonctionnaires, pour qui les Français vont ils voter ?
        Pour super Mélenchon qui leur racontera que rien ne vaut un bon modèle soviétique qui est une valeur sûre de gauche telle que l’éducation nationale nous à appris depuis la primaire.

        • La gauche s’effondrera comme elle le fait en ce moment dans une bonne partie de l’UE. Mélenchon pourra raconter ce qu’il voudra, il n’y aura pas de sous pour acheter et la France ne produit rien. Même ce que l’éducation nationale vous a appris ne peut pas abattre le mur des réalités.

  • « Tout ce petit monde a été pris à contre-pied par la hausse fulgurante, résultant des sanctions prises contre la Russie et des embargos sur le gaz »
    Et on s’étonne encore au 21° siècle que vouloir aller contre les lois du marché et bidouiller la valeur des biens et de la monnaie puisse conduire à ce type de situation! Décidément, les gouvernants ou prétendus tels, n’apprendront jamais des expériences de l’Histoire!Et les peuples aveuglés par les beaux discours non plus! CPEF

  • ce genre de truc..assurer l’assureur… ça passe ou ça casse systémiquement.

  • L’alerte au gaz ne concerne pas seulement les banques et ce serait d’ailleurs une bonne chose si nombre banques zombies abreuvées aux robinets des banques centrales disparaissaient du paysage. Mais il y a beaucoup plus grave : c’est toute l’industrie lourde en Europe qui est menacée :

    « L’association des grandes entreprises consommatrices d’énergie qui représente 230.000 emplois annonce des lendemains de crises, car selon elle, sans mesures fortes du gouvernement, la Belgique, pourrait perdre 10% de son PIB chaque année. »
    https://www.rtbf.be/article/cout-de-lenergie-les-industries-lourdes-tournent-au-ralenti-en-belgique-11058139

  • Avatar
    FrancoisCarmignola
    25 septembre 2022 at 8 h 23 min

    Déclarer brutalement la guerre à son principal fournisseur d’énergie, le financer grassement un an pour finir sans sa production, cela s’appelle du suicide.
    On le sait depuis le début. La soumission à la force cet hiver n’en sera que plus douloureuse.
    Merci à Poutine de nous avoir débarrassé de ces gens et de leurs projets. C’est pour bientôt.

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