Alarmisme climatique, crise sanitaire, guerre en Ukraine… pour se sortir la tête de la morosité ambiante, si on se replongeait dans les années 1980, l’âge d’or de la fantasy au cinéma ?
L’époque est au revival, sur Amazon Prime ou sur Netflix, on célèbre les séries et la culture pop des années 1980, que ce soit sous forme d’homme ou de parodie comme dans Stranger Things ou Cobra Kai. Parmi les redécouvertes guidées par la nostalgie d’une époque qu’aucun millenials n’a connue, on peut signaler le regain d’intérêt pour la fantasy, ce sous-genre de la fiction fantastique qui mêle magie, poésie mythologie et féérie. Prime propose depuis peu de revoir Legend (1985) de Ridley Scott, Netflix a fait un reboot de Dark Crystal en série en 2019, tandis que Disney s’apprête à en proposer une cette année en s’inspirant de Willow (1988).
Sans doute faut-il voir dans ce regain d’intérêt le même désir du spectateur de s’échapper d’un climat lourd en revenant à des thèmes merveilleux qui pointent vers l’enfance son imaginaire peuplé de fées, d’elfes et d’animaux fantastiques.
À quarante ans de distance, voici quelques chefs-d’œuvres de la fantasy qui méritent d’être tirés de l’oubli pour nous sortir un peu la tête d’un océan de mauvaises nouvelles.
Legend (1985)
Un pays fantastique où le soleil menace de ne plus jamais se lever après le meurtre d’une licorne par les puissances des Ténèbres. Au centre de ce film américano-britannique, l’amour entre Jack (Tom Cruise) et la princesse Lili (Mia Sara). On se croirait dans un tableau de Reynolds, et Ridley Scott emprunte au folklore britannique anglophone peuplé de gobelins, de banshees et de fées pour symboliser l’alliance entre la pureté et la vie contre le mal incarné par Tim Curry plus connu dans son rôle de travesti dans le Rocky Horror Picture Show. Fait notable : Tom Cruise incarne un « homme vert », un être légendaire qui incarne la renaissance du printemps dans les cultures primitives.
Excalibur (1981)
L’ascension du roi Arthur, fils d’Uther Pendragon, en tant que roi de Bretagne jusqu’à son face à face final avec Mordred, son fils maudit, le tout filmé par le britannique John Boorman (Délivrance, Rangoon). Film entièrement tourné en Irlande, on y découvre Liam Neeson jeune et Patrick Stewart chevelu, bien avant son rôle de Picard dans Star Trek. Des actes chevaleresques, des armures étincelantes qui donnent aux héros des faux airs de footballeurs américains sur fond de Carmina Burana et Wagner : sans doute le film le plus immergé dans la mythologie deux décennies avant la sortie de la trilogie du Seigneur des Anneaux.
Time Bandits (1981)
Dieu s’est fait voler sa carte des Portes temporelles par son équipe, des nains qui voyagent dans le temps et les dimensions pour voler les grands de ce monde. Ils atterrissent par mégarde dans la chambre du jeune Kevin, un garçonnet à l’imagination délirante et l’emmenent dans leurs aventures. On croise dans ce film de Terry Gilliam un Sean Connery en Agamemnon, John Cleese en Robin des bois ou encore Ian Holm, qui interprétera plus tard Frodon dans la trilogie du Seigneur des Anneaux, dans le rôle de Napoléon à la bataille de Castiglione. Le film n’est pas tant un affrontement manichéen du bien contre le mal qu’entre le pouvoir de l’imagination contre l’univers étroitement matérialiste qui appauvrit tout et s’impose à la sortie de l’enfance. Terry Gilliam aurait pu à lui seul faire l’objet d’un top : on lui doit un très british -alors qu’il était le seul Américain des Monty Python- Sacré Graal ! (1975), Jabberwocky (1977), Fisher King (1991) avec le regretté Robin Williams et Les aventures du baron de Munchausen (1988).
Labyrinth (1986)
David Bowie en roi des Gobelins dans un film de fantasy qui lorgne sur la comédie musicale, vous y croyez ? En tout cas, le public à l’époque n’a pas suivi : ce film de Jim Henson, écrit par Terry Jones (encore un ex-Monty Python !) fut un flop monumental, malgré les 6 chansons originales de l’auteur roi de la pop. C’est bien dommage : on y retrouve une jeune fille obligée d’aller sauver son jeune demi-frère Toby des griffes de Gobelins qu’elle a eu le malheur d’invoquer sur un coup de tête. Des fées, de la magie, des contes extraordinaires à dévorer avec une tasse de chocolat chaud au fond de la couette.
Dark Crystal (1982)
Le cristal qui fait vivre le monde Thra en parfaite harmonie s’assombrit depuis mille ans, jusqu’à ce qu’il se brise, déclenchant la montée en puissance de la race des Skeksès sur le monde. Ce film américain également signé Jim Henson est entièrement joué par des marionnettes inspirées de l’univers du Muppet Show. Netflix en décline une version série en 2019, le côté kitsch en moins : les effets spéciaux se sont nettement améliorés en l’espace de 20 ans. Mais ne vous laissez pas décourager par l’aspect marionnettes, c’est sans doute l’une des intrigues les plus complexes des films de fantasy de l’époque.
Willow (1988)
Willow, fermier Nelwyn (comprenez nain) de son état, recueille un bébé abandonné de la race des Daikinis (les humains). Le bébé, en fait une princesse promise à abattre la tyrannie qui oppresse les Daikinis, finit par mettre en danger tout le village Nelwyn. Willow va donc chercher à la rendre à son peuple, et là commence une longue quête qui s’achèvera sur la chute de la reine Bavmorda. On retrouve dans Willow des aspects de l’œuvre de Tolkien. C’est au sein d’un petit peuple pacifique qu’on trouvera un héros pour renverser le tyran, comme c’est chez les Hobbits qu’on trouvera le porteur de l’Anneau jusqu’à la montagne du destin dans le Mordor. Heureusement, la performance de l’excellent Warwick Davis (Star Wars, Leprechaun, Harry Potter) porte littéralement tout ce film (comment, il y aurait aussi Val Kilmer ?) de Ron Howard.
Pour les nouvelles générations, Disney va proposer le retour du plus célèbre des Nelwyn sous forme de série dès cette année.
The Neverending Story (1984)
En fuyant ses harceleurs, le petit Bastien se réfugie dans le grenier de son école pour lire L’Histoire sans fin, un livre mystérieux trouvé dans une vieille librairie. On y découvre le monde merveilleux de Fantasia, menacé par le Néant que seul le vaillant Atreyu sur son cheval blanc peut sauver après de multiples épreuves. Ce film germano-américain de Wolfgang Petersen est devenu culte, et pas seulement grâce à la BO de Limahl. Ses héros sont des enfants, Fantasia est peuplé d’animaux fantastiques et son public a ri et souffert avec Atreyu (ah ! la mort d’Artax !). Encore une ode à la lecture et à l’imagination qui tranche radicalement avec notre époque de désenchantement du monde.