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La Banque du Canada a augmenté mercredi son taux d’intérêt directeur (connu sous le nom de taux cible du financement à un jour) de 1,0 % à 1,5 %. Il s’agit de la deuxième augmentation de cinquante points de base depuis avril et de la troisième hausse du taux cible depuis mars de cette année. Le taux cible du Canada était resté stable à 0,25 % pendant vingt-trois mois, après que la banque a réduit son taux cible à partir de mars 2020.
Comme aux États-Unis et en Europe, les taux d’inflation au Canada atteignent des sommets inégalés depuis plusieurs décennies, et les pressions politiques exercées sur la banque centrale pour qu’elle soit perçue comme « faisant quelque chose pour l’inflation » s’intensifient.
La banque suit à peu près les mêmes règles que la Réserve fédérale lorsqu’il s’agit de laisser le taux cible augmenter en réponse à l’inflation des prix. La position officielle de la banque est qu’elle pourrait recourir à des augmentations de taux très agressives à l’avenir afin d’atteindre l’objectif d’inflation de 2%.
Comme aux États-Unis, il est important que les banquiers centraux donnent l’impression d’être des faucons, même si leurs mesures réelles sont extrêmement modérées.
Les banques centrales du monde sont toujours attachées à l’inflation monétaire
Cependant, malgré leur manque d’action réelle, les banquiers centraux du Canada sont relativement radicaux si l’on considère les principales banques centrales du monde. Avec un taux cible encore très bas de 1,5 %, la banque centrale du Canada a fixé un taux plus élevé que les banques centrales des États-Unis, du Royaume-Uni, de la zone euro et du Japon. En effet, dans le cas de la Banque centrale européenne et de la Banque du Japon (BOJ), la hausse de l’inflation n’a toujours pas entraîné une augmentation du taux cible au-dessus de zéro.
- Réserve fédérale : 1,0 %
- Banque centrale européenne : -0,5 %
- Banque d’Angleterre : 1,0 %
- Banque du Japon : -0,1 %
De plus, la BCE et la BOJ n’ont pas bougé sur leurs taux cibles inférieurs à zéro depuis de nombreuses années. Le taux du Japon est négatif depuis 2016, et celui de l’Union européenne (UE) l’est depuis 2014.
La Banque d’Angleterre (BOE) a récemment augmenté son taux cible à 1 %, ce qui constitue le taux le plus élevé pour la BOE depuis 2009.
Aux États-Unis, la Réserve fédérale a porté son taux cible à 1 %, soit le taux le plus élevé depuis mars 2020.
Cependant, il est clair qu’aucune de ces banques centrales n’est prête à s’écarter des politiques des douze dernières années environ, au cours desquelles la politique des taux d’intérêt ultra-bas et l’assouplissement quantitatif sont devenus des politiques pérennes.
La Réserve fédérale a tenu un discours musclé sur l’inflation, mais n’a jusqu’à présent osé que porter son taux cible à 1 % alors que l’inflation est proche de son plus haut niveau depuis quarante ans.
La Banque d’Angleterre souffre apparemment du même problème, comme l’a souligné Andrew Sentence du quotidien britannique The Times :
Il existe un sérieux décalage entre l’inflation et le niveau des taux d’intérêt en Grande-Bretagne. Le taux d’inflation des prix à la consommation mesuré par l’IPC est maintenant de 9 %, soit quatre fois et demie le taux cible officiel de 2 %. La Banque d’Angleterre prévoit que l’inflation de l’IPC atteindra des niveaux à deux chiffres d’ici la fin de l’année… La mesure plus ancienne, l’indice des prix de détail (IPD), qui est encore largement utilisée, affiche déjà un taux d’inflation à deux chiffres (plus de 11 %). Pourtant, le taux officiel de la Banque a été porté à 1 % seulement, soit une hausse de 0,9 point de pourcentage seulement par rapport au taux quasi nul enregistré pendant la pandémie.
Ce décalage ne se limite pas au Royaume-Uni. Aux États-Unis, où l’inflation est actuellement de 8,3 %, le taux officiel des fonds fédéraux est également de 1 % seulement. Et dans la zone euro, où l’inflation est de 8,1 %, la Banque centrale européenne n’a procédé à aucune hausse des taux d’intérêt.
En d’autres termes, même avec ces petites hausses de taux que nous observons aux États-Unis et au Royaume-Uni, la Fed et la BOE ne sont pas aussi en retard que la BCE, qui a laissé entendre fin mai qu’elle avait commencé à envisager de mettre un frein à ses politiques d’argent facile. Mais dans le langage typique des banques centrales, cela signifie mettre en place de petits changements dans plusieurs mois.
Plus précisément, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a déclaré :
Sur la base des perspectives actuelles, nous sommes susceptibles d’être en mesure de sortir des taux d’intérêt négatifs d’ici la fin du troisième trimestre.
Traduction : « Nous ferons peut-être quelque chose dans cinq mois ».
Anticipant la réponse évidente à ce manque d’action, Lagarde a également insisté :
Nous sommes dans une situation très différente de celle des États-Unis et nous sommes en fait parfaitement dans les temps et pas en retard.
Pendant ce temps, la Banque du Japon ne montre aucun signe de relâchement de sa politique modérée. Bien que le yen soit au milieu d’une chute historique par rapport au dollar et à l’euro, le gouverneur de la BOJ, Haruhiko Kuroda, a clairement indiqué qu’il n’envisageait aucun changement.
Un dollar fort par défaut
Tout cela est bon pour le dollar, et comme nous l’avons vu ces dernières semaines, le discours sur un « dollar fort » est revenu alors que d’autres grandes banques centrales font paraître leurs propres monnaies fiduciaires encore plus mauvaises que le dollar. Bien sûr, celui-ci est rapidement dévalué, mais pas autant que le yen ou l’euro.
Malheureusement, cela donne à la Fed aux États-Unis une marge de manÅ“uvre encore plus grande pour mener une politique monétaire inflationniste. D’ailleurs, nous avons même commencé à entendre des plaintes concernant ce « dollar fort », comme le font souvent les exportateurs, les économistes de haut vol et les banquiers centraux qui pensent qu’un dollar faible aide l’économie.
Le plus grand danger ici pourrait être l’adoption d’une version actualisée des accords du Plaza de la fin des années 1980, destinée à affaiblir le dollar. Si les partisans du dollar faible gagnent ce combat, nous assisterons à une spirale descendante continue du pouvoir d’achat du dollar, le tout justifié par le « problème » d’un dollar trop fort par rapport aux autres devises. Les partisans du dollar faible y travaillent déjà .
À court terme, cependant, il est très peu probable que le dollar soit le premier domino à tomber si le monde se dirige vers une crise de la dette souveraine ou des devises. Une crise pourrait en fait déclencher une fuite vers le dollar et vers les monnaies concurrentes. Les gens ordinaires, cependant, continueront d’être confrontés à de mauvaises options : la poursuite d’une forte inflation des prix avec des augmentations de salaire modérées – ce qui signifie une baisse des salaires réels – ou une récession qui fait baisser l’inflation (à la fois l’inflation des prix et l’inflation monétaire) mais fait augmenter le chômage. Enfin, il pourrait y avoir une stagflation, avec à la fois un ralentissement de l’économie et une forte inflation des prix. Aucune de ces options probables n’est une bonne nouvelle.
Taux directeurs
Réserve fédérale : taux des fonds fédéraux
Banque d’Angleterre : taux officiel de la banque
Banque de réserve d’Australie : taux au comptant
Banque du Japon : taux d’appel au jour le jour (observé) ; (taux cible)
Banque du Canada : taux cible du financement à un jour
Banque centrale européenne : taux de la facilité de dépôt
Banque populaire de Chine : taux au jour le jour
Traduction Contrepoints.
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Des faucons ? Non, nous ne tomberons ni dans la tentation des jeux de mots faciles, ni dans celle des remarques déplacées sur le physique !