Désindustrialisation : France Stratégie se plante dans ses prédictions

L’étude de France Stratégie a la vertu de démontrer que nous allons droit dans le mur, ce qui n’était nullement son objet.

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Désindustrialisation : France Stratégie se plante dans ses prédictions

Publié le 16 mars 2022
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France Stratégie, en collaboration avec la Dares, vient de publier un rapport de 200 pages intitulé Les métiers en 2030, un très intéressant exercice de prospective fait pour éclairer les pouvoirs publics sur l’évolution des besoins de main-d’œuvre selon les professions.

Cette étude à l’attention de tous les organismes chargés de la formation des personnels en vue de leur permettre d’adapter leurs programmes aux besoins du marché nous éclaire, incidemment, sur la façon dont va évoluer notre économie durant les toutes prochaines années. La période couverte va jusqu’en 2030, et c’est là que nous nous apercevons que le pays court à la catastrophe. En effet, ces travaux réalisés par France Stratégie, l’organisme qui a remplacé ce qu’était autrefois le Haut Commissariat au Plan, montrent où nous conduisent les évolutions en cours si nous ne prenons pas le soin de les corriger.

Ce travail de prospective va être précieux pour éclairer les équipes qui seront au pouvoir demain.

 

Chiffres et prospectives

Il s’agit de scénarios solidement bâtis, construits à l’aide du modèle NEMESIS du laboratoire ERASME intégrant tous les éléments à prendre en compte dans le cadre des politiques déjà décidées, avec notamment :

  • une baisse pérenne des impôts de production de 10 milliards d’euros par an,
  • une augmentation du télétravail,
  • les mesures déjà arrêtées en faveur de la rénovation énergétique,
  • une réduction des gaz à effet de serre très significative mais inférieure à ce qu’exigerait la trajectoire visant la neutralité carbone à l’horizon 2050,
  • etc.

 

Tout cela conduit à une France dont la croissance du PIB sera de 1,3 % par an, avec des gains de productivité de 1,1 % par an, en moyenne et un taux de chômage ramené à 7 % en 2030.

Le scénario de référence conduit à la création d’environ un million d’emplois nouveaux d’ici à 2030, avec la ventilation suivante :

 

Pour un total de 945 000 emplois nouveaux

  • Bâtiment…………………………………………………  190 000
  • Services d’aide à la personne, et santé……….   370 000
  • Services aux entreprises……………………………. 165 000
  • Commerces, hôtellerie, restauration…………… 175 000
  • Industrie ………………………………………………….   45 000

 

Et c’est là que l’on découvre que le chemin sur lequel nous sommes conduit directement dans le mur : selon France Stratégie, l’industrie cesserait certes de perdre des emplois comme elle l’a fait encore ces dernières années, les auteurs de l’étude rappelant que 170 000 emplois ont disparu entre 2009 et 2019, mais seulement 45 000 postes nouveaux seraient créés dans ce secteur (et 65 000 dans le cadre du scenario bas carbone) ; et ce malgré la volonté de « redonner à la France une plus grande autonomie en matière industrielle ».

Cette étude montre que le secteur industriel français en restera à 10 % du PIB : donc, rien de changé dans ce domaine. C’est ce qui est extrêmement préoccupant pour l’avenir du pays.

La France est un pays sinistré du fait de l’affaissement très important de son secteur industriel qui ne contribue plus aujourd’hui que pour 10 %  seulement à la formation du PIB, alors qu’il devrait s’élever à au moins 18 %, sinon 20 %. Elle est le pays aujourd’hui le plus désindustrialisé d’Europe, la Grèce mise à part, ce qui explique tous les déséquilibres de son économie :

  • taux de chômage anormalement élevé que les pouvoirs publics depuis plus de 20 ans ne parviennent pas à réduire,
  • balance commerciale régulièrement déficitaire et gravement ces dernières années,
  • dépenses sociales records,
  • prélèvements obligatoires atteignant des sommets et devenus les plus élevés de tous les pays de l’OCDE,
  • endettement extérieur en augmentation constante et à un niveau dangereux.

Le redressement du secteur industriel contre la désindustrialisation est vital pour le pays

Depuis la fin des Trente glorieuses, la France n’a cessé de se désindustrialiser, passant d’un peu plus de 6 millions d’emplois dans ce secteur en 1975 à 2,7 millions aujourd’hui.

Quelle que soit leur coloration politique, les dirigeants au pouvoir n’ont pas réagi, se fiant à la loi dite d’évolution des trois secteurs de l’économie de Jean Fourastié qui veut que lorsqu’un pays se développe il passe du secteur primaire, l’agriculture, au secteur secondaire, l’industrie, puis du secteur secondaire au secteur tertiaire, celui des services.

Ainsi les différents gouvernants qui se sont succédé ont-ils trouvé tout naturel que la France se désindustrialise pour en venir à n’avoir plus, finalement, que des activités de service : ils ont confondu les évolutions en termes d’emploi, évoquées par Fourastié, avec celles en termes de valeur ajoutée. À cette époque, la vision du monde était celle de pays en voie de développement en charge des activités industrielles grâce à leur main-d’œuvre abondante, peu chère et corvéable à merci, les pays développés se réservant les tâches nobles qui relèvent d’une société dite de l’intelligence et des services.

On constate combien ces vues étaient théoriques : il est vrai que nous en étions encore à l’ère de la domination de l’Homme blanc sur la planète.

Ce que nos dirigeants n’ont donc pas vu, c’est que la production industrielle est l’élément clé de la richesse d’un pays. Il existe en effet une corrélation très étroite entre la production industrielle d’un pays et le PIB/capita de ses habitants.

Ainsi, avec une production industrielle de 6432 dollars par habitant, la France a un PIB/capita de 39 030 dollars ; avec un ratio de 12 279 dollars, l’Allemagne a un PIB/capita de 46 208 dollars ; avec un ratio record de 22 209 dollars, la Suisse en est à un PIB/capita de 87 097 dollars.

Pour redresser l’économie française il va donc falloir créer de la richesse en se fondant essentiellement sur un secteur industriel à rebâtir complètement. Avec les ratios datant de la période antérieure à la révolution numérique, les seuls à disposition statistiquement, on estime à 1,8 million le nombre d’emplois industriels à créer afin que le secteur secondaire représente 18 % du PIB : les effectifs de ce secteur se monteraient alors à 4,5 millions de personnes, chiffre à comparer à celui de l’Allemagne, dont le secteur industriel est constitué de 6,2 millions de personnes dans les entreprises de plus de 20 salariés.

Comment le pays pourrait-il dans des délais raisonnables permettre la création de 1,8 million d’emplois dans le secteur industriel ? Toutefois, la numérisation, ou troisième révolution industrielle qui s’est développée considérablement ces dernières années, ne rend pas nécessaire la création de 1,8 million d’emplois nouveaux. Mais elle sera en tout cas bien supérieure aux 45 000 postes envisagés par France Stratégie, soit de l’ordre du million de personnes.

Faute de prendre les dispositions indispensables pour relever un tel défi, l’économie française ne parviendra pas à sortir de l’impasse dans laquelle elle se trouve.

Il est donc probable que l’État considérera qu’il ne suffira pas de redevenir compétitifs pour créer un million d’emplois industriels en 10 ou 15 années. Il concevra sans doute des mesures particulières comme des aides à l’investissement afin d’attirer massivement en France les investissements étrangers. Bruxelles évidemment s’y opposera, mais finira sans doute par céder, admettant ainsi que la France est un pays sinistré et surendetté, et que pour rétablir sa situation des dispositions exceptionnelles doivent être temporairement adoptées.

Redresser l’économie du pays est la tâche prioritaire qui attend nos prochains dirigeants. Elle ne pourra se réaliser qu’en redonnant au secteur industriel la place qu’il n’aurait jamais dû quitter dans la formation du PIB. Il ne faut pas se faire d’illusion : relever ce défi va être long et extrêmement difficile.

Il semblerait que les candidats à la prochaine élection présidentielle n’en aient aucunement  conscience. L’étude de France Stratégie a la vertu de démontrer que nous allons droit dans le mur, ce qui n’était nullement son objet. C’est ce dont nous alertaient déjà il y a quelques années des auteurs comme Elie Cohen dans son ouvrage Le décrochage industriel paru en 2014, ou encore Agnès Verdier-Molinié, avec On va dans le mur paru en 2015.

 

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  • Cette desindustrialisation est normale et n est pas prête de s’inverser. Pour les écologistes, l’industrie c’est de la pollution. Pour la gauche, l’industrie c est le symbole de la lutte des classes. Pour la droite, c est un centre de coûts et de contestations. Il n y a que dans les partis nationalistes que l industrie présente un intérêt puisqu ils sont pour le « made in france » et l’emploi en France. Sauf que ces partis n’arriveront jamais au pouvoir car le patriotisme économique est vu trop négativement. Donc, rien ne changera jamais.

    • Effectivement la desindustrialisation en France en terme d emplois continue, mais a un rythme nettement plus faible, car les qq mesures prises commencent à porter leurs fruits, mais sont insuffisantes pour inverser la tendance. Tous les partis promeuvent le made in France, mais c est un slogan vide de sens, car des qu il faut réaliser des réformes structurelles, aucun n a le courage de les afficher dans son programme. Mais ce problème est aussi culturel, car localement combien de projets sont refusés par les collectivités locales ( bruit, pollution, odeur…) idem a l éducation nationale ou seules les formations de sociétés sociales et humaines sont valorisées au détriment des matières scientifiques…..

  • La désindustrialisation de la France a commencé juste après l’introduction de l’euro
    Il suffit pour s’en convaincre de lire le dossier sur l’euro établi par l’Institut des Libertés, avec ses graphiques impressionnants.
    Tout le sud de l’Europe a suivi cette évolution. Ne pouvant dévaluer une monnaie trop forte, les pays du Sud ont contracté des dettes monstrueuses dont on ne voit pas comment s’en sortir.
    C’est comme pour le nucléaire, il faudra une révision déchirante imposée par des évènements dramatiques ,
    mais que d’années perdues.

    • La desindustrialisation commence bien avant l arrivée de l euro soit des les années 80 avec la fermeture des mines, la disparition de l industrie textile et le naufrage de la sidérurgie. L italie et l Espagne ont conservé une industrie plus conséquente que la France. C est un problème franco français dont nous sommes entièrement responsables. Évidemment c est plus facile de se cacher derrière l euro….?????

    • La desindustrialisation a commencé bien plus tôt. Vers la fin des années 70.

  • Avatar
    jacques lemiere
    17 mars 2022 at 7 h 25 min

    je ne vois pas la désindustrialisation comme un problème…

    je vois les règles et la fiscalité qui l’entrave pas CHOIX ou idiotie comme un problème…

    mis de coté les écologistes qui disent souhaite run monde sans industrie.. ( synonyme ancien ..sans bosser)

    on emmerde les gens qui veulent bosser!!!!

    n

  • Effectivement la desindustrialisation en France en terme d emplois continue, mais a un rythme nettement plus faible, car les qq mesures prises commencent à porter leurs fruits, mais sont insuffisantes pour inverser la tendance. Tous les partis promeuvent le made in France, mais c est un slogan vide de sens, car des qu il faut réaliser des réformes structurelles, aucun n a le courage de les afficher dans son programme. Mais ce problème est aussi culturel, car localement combien de projets sont refusés par les collectivités locales ( bruit, pollution, odeur…) idem a l éducation nationale ou seules les formations de sociétés sociales et humaines sont valorisées au détriment des matières scientifiques…..

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