Voilà bien longtemps qu’un livre de Thomas Sowell n’avait pas pénétré le paysage français. Ce livre a été traduit par un trio composé de Stéphane Geyres, Daivy Merlijs et Pascal Boustingorry et est accompagné d’une préface de Laurent Obertone.
On ne peut que les remercier pour leur important travail, ainsi que pour nous avoir permis d’avoir à portée de main un livre d’une pointure telle que Thomas Sowell.
Je reviendrai brièvement sur les éclairages fournis par l’économiste tout au long de son ouvrage, sans pour autant m’arrêter sur tous, tant Thomas Sowell nous apporte de nombreux éléments de réflexion.
Premier chapitre : définir les termes de l’étude
Il s’interroge d’ailleurs sur la validité théorique et sémantique des races comme des intellectuels. Il relève d’ailleurs que les intellectuels ont tendance à éluder certains faits qui saperaient les fondements de leurs théories.
Thomas Sowell prend comme exemple l’introduction des données des populations asiatiques dans les études raciales comparatives pour montrer que l’écart qui existe entre les populations noires et blanches (page 14) ne sont pas nécessairement d’une nature spécifiquement discriminante : en effet, en introduisant ces données, on se rend compte qu’il existe un écart du même ordre entre celles-ci et les populations blanches, à leur détriment.
Deuxième chapitre : quels facteurs pourraient expliquer ces différences raciales
Il prend certains exemples d’ordres circonstanciel et géographique : l’absence de chevaux chez les peuples indigènes, ou même de bœufs, à l’inverse de l’Europe et de l’Asie. Par exemple, la roue est présente chez certaines tribus d’Amérique latine, mais sans bête de somme, cette invention n’a pas d’intérêt pratique dans la lutte pour la survie.
En effet, les circonstances jouent beaucoup.
Mais d’autres facteurs peuvent aussi avoir leur importance, comme les cultures, les différences d’âge médian des diverses populations, etc. Comme Thomas Sowell le relève également, on ne peut s’étonner de l’écart de développement entre les sociétés qui étouffent une partie des talents de leurs populations avec des différences rigides entre castes et sexes et celles qui ne le font pas.
Il est aussi important de soulever que parfois, la volonté d’éviter un groupe n’est pas le fait d’une discrimination avouée ni d’une malveillance, mais une manière de s’économiser de la connaissance (cost-economizing knowledge) : par exemple, avant l’arrivée massive d’immigrants irlandais, le choléra était inconnu des Américains.
Lors des épidémies de choléra à Philadelphie et New York, on savait que cette maladie se répandait principalement par les quartiers irlandais, et on évitait d’y traîner. Mais cela s’est estompé dans le temps, notamment avec l’action de l’Église catholique en vue d’aider les populations irlando-américaines à s’intégrer.
Par la suite, Thomas Sowell revient sur le déterminisme génétique qui était le fer de lance des intellectuels de l’ère progressiste, d’un spectre à l’autre de l’échiquier politique. Ce point de vue des intellectuels changera au cours du XXe siècle, notamment avec l’ère liberal (liberal ici est en anglais : le terme traduit sa dérive sociale-démocrate dans les pays nord-américains) qui débutera avec un livre : An American Dilemma, de Gunnar Myrdal.
L’ère progressiste attribue tout à l’hérédité et au déterminisme génétique. C’est un mouvement eugéniste dont les vues sont partagées par des hommes de gauche comme des conservateurs (de Keynes à Churchill, en passant par les Webb et jusqu’à Henry Louis Mencken). Ces intellectuels étaient dans l’air du temps, et ce point de vue était diffusé partout grâce à l’ouvrage de Madison Grant, The Passing of the Great Race.
C’est sous la direction de Woodrow Wilson, progressiste et président des États-Unis, que la ségrégation raciale commença au sein du Bureau du Recensement et du Bureau de l’impression et de la Gravure. La mort de Madison Grant en 1937 lui épargnera de connaître le résultat de ces idées fallacieuses.
Un point intéressant relevé par Thomas Sowell est que les progressistes défendaient le salaire minimum pour se protéger des races dites inférieures, afin de ne pas nuire au niveau de vie des travailleurs américains en concurrence avec les travailleurs chinois, car du fait de leur productivité, ces races risquaient d’évincer les hommes blancs et les nordiques (être nordique étant considéré durant l’ère progressiste comme le haut du panier génétique).
Défendre l’eugénisme faisait partie du programme de promotion du bien-être social contre les forces égoïstes de l’intérêt privé : cette rhétorique en vue du contrôle social par des intellectuels n’a pas changé depuis.
Or, corrélation ne vaut pas causalité : s’appuyer sur la rhétorique de Grant (étant donné le pauvre niveau de données fournies par ses travaux, cela mérite le titre de rhétorique) pour promouvoir une politique d’épuration raciale n’est qu’une des nombreuses façons pour les intellectuels d’appuyer et de vendre leur vision au monde.
Ces intellectuels vouaient une adoration aux peuples du Nord, alors que « lorsque les Grecs et les Romains posèrent nombre de fondements de la civilisation occidentale,[…] les peuples de Grande-Bretagne et de Scandinavie vivaient dans des sociétés analphabètes et bien moins avancées. »
Mais c’est une perspective que les intellectuels de l’ère progressiste ont rapidement évincée puisqu’elles ne leur servaient pas.
Quatrième chapitre : le rôle des intellectuels dans certains conflits
Par exemple, il appuie le rôle qu’a joué la surproduction d’intellectuels dans les sciences molles de l’Empire des Habsbourg.
En effet, cela a entraîné un déplacement des ressources intellectuelles, non pas vers des emplois productifs mais vers le militantisme nationaliste tchèque (on y observe notamment une sur-représentation des intellectuels dans ces mouvements nationalistes, comme des étudiants d’université et des enseignants). Il en a été de même au Sri Lanka, ainsi qu’au Kampuchéa avec les Khmers rouges, où les « massacres de masse furent de même principalement dirigés par des intellectuels, dont des étudiants et des universitaires ».
Les intellectuels doivent bien vivre des idées qu’ils vendent : le malheur des uns est dû au bonheur des autres. Voilà bien toutes les contributions des intellectuels dominants. En effet, les intellectuels doivent mettre en avant qu’il n’y a aucune différence de performance entre les groupes et que toute supériorité est une question de privilège.
De cet état de fait lié à des forces discriminantes, ceux-ci pourront rétablir la « justice cosmique », puisqu’il ne peut exister que des causes externes et non internes à cette réalité. La possibilité même que toutes les cultures ne se valent pas, qu’ils puissent y avoir des causes internes, n’a aucune possibilité d’existence dans la sphère hermétique des intellectuels dominants.
Non seulement les preuves empiriques que A rendit B plus pauvre sont rarement considérées comme nécessaires, mais les preuves considérables que la présence de A évita à B d’être encore plus pauvre sont souvent écartées. Dans les pays du tiers-monde, où la pauvreté fut souvent attribuée à l’exploitation par les nations occidentales, il n’est pas rare que les populations autochtones les plus en contact avec les Occidentaux dans les villes portuaires et autres lieux soient visiblement moins pauvres que les populations autochtones vivant dans l’arrière-pays, loin des contacts ou de l’influence des Occidentaux.
Considérer que certaines personnes sont simplement plus performantes que d’autres, pour quelque raison que ce soit, est une menace pour la vision dominante d’aujourd’hui, car cela fait implicitement peser sur le groupe en retard la charge d’accomplir davantage ; et, peut-être plus important, prive l’intelligentsia de son rôle de lutte du côté des anges contre les forces du mal. Le concept même de réussite passe au second plan, ou disparaît complètement, dans certaines des formulations verbales de l’intelligentsia, où ceux qui finissent par mieux réussir ex post sont décrits comme ayant été « privilégiés » ex ante – Thomas Sowell, Intellectuels et Race
Les intellectuels sont en quête d’une « justice cosmique », formule abstraite reprise avec ironie de John Rawls cherchant dans l’injustice des causes externes : certains sont des anges, soucieux du bien-être des autres, à l’inverse des conservateurs.
Que cela soit aux États-Unis comme au Royaume-Uni, les intellectuels véhiculent une culture du ressentiment, les uns se faisant les défenseurs de la cause noire (alors même que, par exemple, une majorité des individus noirs tués chaque année le sont majoritairement par d’autres individus noirs) et les autres des classes inférieures.
Que les intellectuels prennent le parti du déterminisme génétique ou celui de la discrimination oppressive des privilégiés, on ne peut rien faire pour changer cette situation : on ne peut que s’en remettre aux intellectuels.
Nous l’avons déjà soulevé, à l’instar de notre économiste : les intellectuels soutiennent leur cause, quelles que soit les preuves qu’on puisse leur opposer. Ceux-ci doivent faire régner la justice cosmique sur Terre, à n’importe quel prix (aisément calculé avec le nombre de vies innocentes ruinées).
Pourquoi ? Un élément de réponse peut certainement être trouvé dans le fait que les intellectuels retirent un profit substantiel de leur industrie malveillante, que celle-ci soit racialiste ou d’une toute autre nature.
C’est d’ailleurs le propos soutenu par Thomas Sowell dans un autre de ces ouvrages, Intellectuals and Society. Les intellectuels sont des vendeurs d’idées, que celles-ci soient bonnes ou mauvaises. Elles ont cependant plus souvent tendance à être mauvaises, étant donné que les intellectuels n’en paient pas les conséquences.
Une vision réaliste du monde, basée sur une comparaison en termes d’efficience des différentes cultures, impose à l’individu rationnel une lourde charge de travail pour s’améliorer et s’adapter, alors que l’accusation envers autrui permet un gain de temps considérable et permet aux intellectuels d’obtenir une place d’auto-congratulations, eux qui contribuent si manifestement à l’établissement de la justice cosmique : et voilà leur entreprise prisée.
Pourquoi donner au public une vérité désagréable, voire disqualifiante, lorsqu’ils peuvent lui fournir la douceur d’une justice imaginaire ? Les intellectuels sont dans un cadre où ils ne paient pas le coût de leurs idées. Mais des millions de personnes le font pour eux.
Le type d’égalité recherchée par les intellectuels est une égalité fausse, imposée d’en haut, virtuelle. C’est de la poudre aux yeux. C’est peut-être pour cette raison qu’un grand nombre d’intellectuels se sont tournés vers le socialisme ou vers l’eugénisme, ou encore vers le multiculturalisme.
En un mot, à chaque fois que les intellectuels ont voulu imposer leurs vues pour améliorer le bien-être social, ils se sont tournés vers l’État. C’est la civilisation et la coopération sociale que ces hommes mettent en danger.
ah… que voulez vous… il faut dire que l’idée de progrès n’est pas simple..
il n’y pas de clef véritable..
l’espérance de vie..
Pour le reste… le besoin de hiérarchie et d’ordre..et la justification de l’arbitraire..
le singulier respect pour la gastronomie ou pour le luxe me fascine..chacun a un gout et sa propre idée du « bon ». du beau, ses besoins propres en terme de qualité…et pourtant…beaucoup de gens acceptent curieusement d’abandonner au moins en façade leur subjectivité par attrait pour l’appartance à une « élite » dérisoire….
je vais vous apprendre quelle est la bonne andouillette.. fascinant..
la vie en société demande des règles…ces règles sont en général arbitraires..mais les gens ont besoin pour les accepter d’un narratif..elles sont « justes » et justifiées.. le monde roule..
les élites intellectuelles, les gens qui manient la langue et la logique l’élite en mieux que les autres en tirent aussitôt partie..pour justifier un arbitraire qui les favorisent..et le monde roule..pas besoin qu’il roule de façon optimum.. il faut que la roue explose pour virer ces élites..
@jacques « arbitraire » votre propos fleure bon le relativisme. Ne voyez vous donc aucune règle comme bonne ?
je ne dis pas ça je dis les règles emergent..
les sociétés fonctionnent toutes imparfaites..
le fait est que mise en contact elles changent évoluent…
les droits de l’individus n’ont pas toujours été considérés comme allant de soi… pourtant j’en fait mon système de valeur.. par comparaison, par reflection .
par ailleurs, la notion d’interet général va TOUJOURS entrainer que la majorité va empiéter sur les libertés des individus.. toujours… il faut surtout que les gens en soi conscients, soi le dire;.. ce à quoi il ne faut en aucun cas toucher est la liberté d’expression.
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l
montrez moi une personne qui ne relativise pas!!! qui se révolte dès qu’une règle est arbitraire!!!
non..subjectivité histoire personnelle, .sentiment aussi de n’etrepas seul pour se révolter..
Le problème des « zélites » est de ne pas comprendre que le cerveau humain a pour fonction de résoudre des problèmes concrets et personnels.
L’imagination peut être un moteur pour trouver des solutions, mais la plupart des « pensées » ne sont qu’un dysfonctionnement du cerveau.
@ lemiere : je vous conseille fortement de lire « L’éthique de la Liberté » de Murray Rothbard. Il montre dans ce livre que des règles claires, universelles et JUSTES de vie en société (des règles politiques quoi) peuvent émerger de l’étude rationnelle de la nature humaine, cad la Loi naturelle ou droits naturels liés à la nature même de l’Homme.
si vous voulez j’ai un doute…il ya toujours un arbitraire, par exemple …la définition de la responsabilité légale d’un individu… un niveau de pollution acceptable ou que sais je encore…
qui ne souhaiterait pas des lois justes et qui oserait dire qu’lles le sont?
Les intellectuels sont aussi des fainéants qui estiment qu’une fois leur diplôme décerné et leur « intellectualisme » acquis, il n’ont plus qu’à produire leurs idées au chaud pour mériter automatiquement du régime, échappant ainsi à l’effort de devoir prouver chaque jour leurs talents par leur courage et leurs innovations dans un marché compétitif . Les systèmes socialistes adorent les rentes de situation, notamment celles qui résultent de l’obtention d’un diplôme de préférence intellectuel, leur assurant définitivement un statut privilégié et une place de choix dans la société. On constate de nombreux cas de cette espèce chez les fonctionnaires du service public.
Mais quand leur bac + 8 ne leur rapporte qu’un salaire de petit fonctionnaire, ils enragent contre leur beau-frère plombier ou charcutier qui, lui, a une résidence secondaire avec piscine… Ça donne le « bobo-intello » aigri électeur parisien.
mais un intellectuel est-il caractérisé par le fait qu’il ait Bac + 8 ???? un vrai intellectuel ne serait ce pas autre chose ? ce que l’on nomme aujourd’hui « intellectuels » ne sont que des gens autoproclamés…
c’ets quoi un intellectuel..sinon un gastronome…une personne qui s’affirme différente du commun et supérieure dans sa subjectivité.??? ça devrait faire rire…
mais c’ets quoi un « scientifique », un chercheur je vois assez..
« Les intellectuels sont dans un cadre où ils ne paient pas le coût de leurs idées. Mais des millions de personnes le font pour eux. » Exactement. Exemple : « toi qui es contre le privé, pourquoi y mets tu tes enfants » « ah, je ne veux pas que mes enfants souffrent de mes opinions politiques » à quoi je réponds invariablement « C est sûr que c est plus pratique de faire souffrir ceux des autres »
Tres bon texte. En fait la dialectique des « intellectuels » est simple : la promesse de la martingale magique. Celle qui evite les efforts et les aleas. Voilà pourquoi les états socialistes sont ceux dans lesquels la corruption est la plus prégnante : c est leur véritable source.
Thomas Sowell est probablement l’esprit le plus brillant du 20e siècle dans sa parti.
Il pose un dilemme insoluble à tous les progressistes de bon poil qui le haïssent. Les gochos ne peuvent réconcilier avec leur idéologie le fait qu’un noir ne verse pas dans le militantisme raciale le plus crasseux, ne soit pas une victime, et ait eu un succès immense personnel et professionnel dans une société supposément irrémédiablement raciste.
Alors bien sûr, ils diront que Thomas Sowell est un oncle Tom, un traitre et autres sobriquets bien sentis. Ce sont dans de telles circonstances que nos humanistes se dévoilent pour apparaître tels qu’ils sont: des enragés.
Si vous lisez l’anglais; un conseil: acheter ses livres.
D’ailleurs, heureusement qu’il soit noir.
J’ose à peine imaginer ce qu’il se serait produit s’il avait été blanc. 🙂 🙂