Par Johan Rivalland.
Rien que le titre est magnifique. Et il symbolise à lui seul la beauté du volume.
Ceux qui ont aimé Quartier lointain, entre autres chefs-d’œuvre de Taniguchi, ne seront pas forcément captivés de la même manière, n’y trouvant notamment peut-être pas le même rythme.
Pourtant, ce volume de huit histoires courtes n’en est pas pour autant moins fort en émotions et en beauté. Il est simplement différent. Encore qu’on y retrouve parfaitement bien le style du dessinateur, qui fait tout son charme.
Pour le reste, les scénarios sont écrits par Utsumi, que Taniguchi adapte ensuite superbement par ses dessins magnifiques et pleins de finesse.
L’Orme du caucase : un récit poignant
On peut parler d’instants poétiques, de moments de réflexion philosophique profonde. Réflexions sur la vie, sur la jeunesse parfois difficile, sur l’attachement, la séparation, la vieillesse ou la mort, l’amour ou l’amitié aussi.
Des instants simples, du moins en apparence, parfois plus complexes ; toujours très profonds. Un vrai ravissement pour le lecteur et une invitation à réfléchir sur les choses ou le sens de la vie.
La relation aux autres, aussi, les erreurs ou tourments de la vie, les réconciliations même tardives ; la force de caractère des uns et les faiblesses des autres. Et surtout, l’idée que les apparences peuvent être trompeuses face aux incompréhensions, et que chacun, dans ce contexte, peut prendre conscience de sa capacité ou son pouvoir d’agir et de changer sa vie.
Les destins peuvent tenir à très peu de choses ; chacune des huit situations le montre bien.
Et même si on n’entre pas toujours aussi facilement dans la lecture que dans les autres Taniguchi, on en ressort ravi et touché par cette manière de percevoir aussi finement et délicatement les choses, en particulier les sentiments.
Loin d’être une simple bande dessinée, cette création de génie est un véritable chef- d’œuvre qui me conduira peut-être aussi au passage à m’intéresser à l’œuvre d’Utsumi, s’il en existe une.
Éloge de la lenteur
Le seul reproche que je pourrais faire tient aux personnages qui, à travers les productions de Jirô Taniguchi, se ressemblent trop souvent. Mais quel mystère et quel éclat dans les yeux, dans les attitudes, les silences, leur manière d’être, qui les rendent très profonds et très attachants. L’inconvénient est donc bien mineur au regard de leur qualité.
On lira enfin avec intérêt en fin d’ouvrage la critique du romancier Ushio Yoshikawa, dont l’analyse est très juste.
Si vous n’avez rien contre la lenteur, la réflexion, la sensibilité et les émotions, alors courez. Nul besoin d’être adepte de lecture de B.D, encore moins de mangas pour apprécier à sa juste valeur ce somptueux volume.
- Jirô Taniguchi, L’Orme du Caucase, Casterman, juin 2004, 222 pages.
“Si vous n’avez rien contre la lenteur, alors courez.” Très bon !