Par Johan Rivalland.
Le journal de mon père, dans la droite lignée de Quartier lointain, le manga qui m’avait tant touché et donné l’envie de découvrir ce créateur de talent, est le deuxième volume de Jirô Taniguchi que j’ai lu. Loin de me décevoir, après l’excellence du premier, à sa lecture il m’avait beaucoup touché à son tour.
Une quête intimiste
Intimiste et particulièrement émouvant, il est d’une certaine manière un peu une projection de la propre enfance de l’auteur, puisque Taniguchi raconte, en fin de volume, comment il est retourné dans sa ville natale de Tottori après qu’un vieil ami y ait insisté au téléphone, et alors qu’il n’y était pas retourné depuis au moins quinze années. À une heure d’avion à peine de chez lui, ce fut l’occasion de revoir ses parents, sa famille, et ses amis, de retrouver ses racines, mais aussi de revoir ces lieux métamorphosés, dont certains étaient cependant demeurés intacts. Et c’est ce qui l’inspira à son retour, dit-il, pour imaginer cette histoire, dont un certain nombre d’éléments sont authentiques, à commencer par les paysages, bien sûr, mais aussi des événements tels que le grand incendie de Tottoro en 1952, qui est partiellement retranscrit dans cette narration.
Enfance et nostalgie
L’histoire est celle d’un homme qui apprend par téléphone la mort de son père, qu’il n’avait pas revu depuis longtemps. L’occasion de revenir dans sa ville natale (la même que Taniguchi…)  et de se remémorer son enfance, puis son adolescence, en famille, auprès de ce père très travailleur et secret, qui tenait un salon de coiffure et était tout dévoué à son métier comme à sa clientèle.
La petite enfance heureuse, les moments passés dans le salon de ce père pudique, plein de gentillesse, mais qui parlait peu, la vie en famille avec la grande sœur, la douleur de la séparation avec la mère, les souffrances secrètes, les questions sans réponse, la recomposition, autant d’élément marquants qui vont resurgir du passé et nous permettre de comprendre peu à peu quels étaient les rapports de ce fils avec son père, et pourquoi il semble éprouver tant de ressentiment à son égard.
Un récit expressif et captivant
Une fois encore, Jirô Taniguchi, s’appuyant sur un dessin subtil aux traits minutieux et détaillés, particulièrement expressifs, parvient à captiver le lecteur et susciter avec cette histoire des émotions d’une vive intensité.
Les expressions, les silences, les regards, les paysages urbains même, tout concorde à créer un ressenti très fort de la psychologie des personnages, qui est finement analysée ou révélée à travers une multitude de détails.
Le format de cette intégrale lui-même (pour ceux qui souhaiteraient se la procurer, car le manga existe aussi en d’autres formats), est digne de trôner fièrement dans une bibliothèque (c’est le cas pour la mienne). Avec, en prime, une couverture une nouvelle fois tout à fait magnifique, reflet du chef-d’œuvre artistique et littéraire qui se trouve à l’intérieur.
Jirô Taniguchi, Le journal de mon père, Casterman, novembre 2007, 274 pages.
Merci à l’auteur. Je note la référene.