L’inflation, la plus grande menace dans un monde de taux d’intérêt négatifs

Le système financier est-il en danger ?

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L’inflation, la plus grande menace dans un monde de taux d’intérêt négatifs

Publié le 2 juillet 2019
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Par Thierry Godefridi.

Dans la rubrique « The Long View » du Financial Times du week-end des 22 et 23 juin, Michael Mackenzie, constatant l’arrivée d’une nouvelle vague d’assouplissement quantitatif au niveau global et le fait que le montant global d’obligations affectées d’un taux nominal négatif avait atteint un record historique de 12 500 milliards de dollars, analysait les perspectives à long terme d’un monde de dettes à taux négatifs, un environnement d’investissement particulièrement inapproprié pour les investisseurs privés et institutionnels, comme les assureurs, les fonds de pension et autres gestionnaires d’actifs, qui dépendent d’une source de revenus récurrents à long terme :  « Les émissions d’obligations à taux négatif étaient retombées à 6000 milliards de dollars l’an dernier avant que l’économie ne rencontre des turbulences au niveau global et que ne ressurgissent avec fracas les forces de la répression financière. »

Dans un tel environnement, les investisseurs se précipitent sur les alternatives, entre autres les fonds de private equity et les obligations plus risquées assorties d’un taux positif, et ils entraînent les marchés vers des niveaux de valorisation époustouflants. N’y aurait-il pas lieu de s’en alarmer pour la stabilité du système financier ?

Quand le rendement d’une pierre angulaire du marché des obligations comme le Bund allemand à 10 ans plonge sous le taux de – 0,30 %, il emporte à la baisse les autres titres phares du marché, comme les bons du Trésor américain, et il attise l’intérêt pour les obligations bien plus rémunératrices de rang inférieur, comme les obligations de l’État italien, et ce en dépit des inquiétudes d’ordre politique à propos de la situation budgétaire de l’Italie et ses relations avec l’Union européenne.

Ce que provoque l’assouplissement monétaire

La mission d’un banquier central n’est actuellement pas facile, remarquait encore Michael Mackenzie, d’une part, en raison des tensions dans le commerce international, lesquelles pourraient concourir à provoquer une récession économique, à diminuer la croissance et à éroder la confiance et l’investissement dans les entreprises, et d’autre part en raison du caractère limité des moyens dont les banques centrales disposent pour faire face, à savoir la réduction des taux à un jour et la reprise d’achats massifs d’actifs.

Reste que l’assouplissement monétaire et la répression des taux d’intérêt aboutissent à une distorsion de l’allocation des capitaux et du comportement des investisseurs. Ces politiques détournent les flux monétaires vers des investissements spéculatifs et ne relancent pas l’économie, mais elles lestent au contraire le système financier d’une telle masse de dettes qu’il ne supporterait pas la moindre hausse des coûts d’endettement sans imploser.

La menace la plus grave à laquelle s’exposent les investisseurs en obligations à long terme, mais pas qu’eux, consiste en un retour de l’inflation, laquelle impacterait immanquablement et sévèrement la valeur de leurs portefeuilles. Or, certaines banques centrales sont apparemment prêtes à accepter un taux d’inflation supérieur à leur objectif et à adopter une approche plus flexible.

Étant donné que les politiques d’assouplissement quantitatif et de répression financière n’y sont pas parvenues, certains préconisent désormais d’adopter la voie budgétaire plutôt que la voie monétaire pour relancer l’économie et réduire l’endettement, c’est-à-dire d’augmenter les déficits publics, ce qui ne manquerait évidemment pas d’attiser l’inflation. Sera-ce l’inflation ou la révolution ?

Toutes les classes d’actifs seront touchées. En effet, l’inflation inversera le rapport entre prix des obligations et des actions, contraignant les gestionnaires d’actifs à réviser leurs choix entre ces deux classes d’actifs et suscitant une flambée de volatilité. Michael Mackenzie conclut : « En entrant dans la prochaine décennie, les investisseurs en titres à revenus fixes doivent sérieusement réfléchir à un monde qui se propulse au-delà des politiques d’assouplissement quantitatif et des banques centrales accommodantes. »

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  • Et une fois de plus, les politiques keynésiennes feront exploser les déficits ET l’inflation !

    On se dit parfois que le monde n’est, hélas, qu’un éternel recommencement…

  • 1) l inflation existe. c est plus l inflation des annees 70 avec l augmentation des prix du pain ou des voitures mais on a une inflation des actifs. Il y a qu a voir le prix des actions ou de l immobilier pour se rendre compte qu il y a un Probleme

    2) l inflation « classique » (celle de la nourriture ou des produits manufactures comme les voitures) a ete tuee par la mondialisation. Vous ne pouvez plus vous proteger derriere des frontieres et augmenter vos prix. si vous faites ca, vos clients vont simplement aller acheter chez le concurrent etranger
    Peut on avoir de nouveau ce type d inflation ? peu probable car le monde est globalement en sous-production : si vous augmentez vos prix, le concurrent n aura aucun Probleme pour augmenter sa production et vous piquer vos part de marché

    Reste la question a 1000 francs: que faire de la montagne d argent qu imprime la BCE ou la FED …

      • Du PQ électronique, vu les techniques modernes d’impression. Génial.

        • C’est pour cette raison qu’il faut convertir ce PQ virtuel en PQ réel que vous trimballerez dans une brouette pour payer vos achats alimentaires… C’est du tangible…
          C’est le cas au Vénézuela.

          • Comme dans l’affaire, seule la brouette vaut encore quelque chose, à quoi bon y trimballer du papier puisque c’est elle seule que vous pourrez échanger contre la nourriture ?
            On ne distingue pas suffisamment la valeur liée à une utilité, et la valeur faciale (pour le PQ, c’est plutôt pile que face…). L’inflation n’est qu’un moyen de changer la valeur faciale, au profit de l’émetteur de monnaie. Mais ceux qui auront fait leurs choix en fonction de la valeur d’utilité deviennent, au contraire des phases de confiance dans la monnaie, ceux qui s’en sortent le mieux.

            • Du tout, tout ce qui peut être utilisé s’échange, bon j’exagère avec la brouette, mais il faut bien marquer le trait, mais au Vénézuela les gens échangeaient des produits d’hygiène, parce que cela se garde assez longtemps, comme le PQ, les couches pour bébé, ou les serviettes hygiéniques, sans oublier les savons.
              Cependant, il arrive un jour dans la descente aux enfers, ou le stock de produits hygiéniques est épuisé, et à ce moment, il ne rest plus qu’à trouver un paysan qui en aurait besoin. Gros challenge.
              Quand vous avez une inflation à plus de 10% par an, vous avez tendance à fuir la monnaie manipulée, et vous auriez tord de ne pas le faire. Vous stockez donc ce que vous pouvez stocker.

              Cela se passera-t-il avec l’Euro ❓ Je pressent une loi interdisant de stocker des produits chez soi, à la demande de la France.

    • « que faire de la montagne d argent qu imprime la BCE ou la FED … »
      —-
      Décréter le changement climatique…. Inventer des secteurs 100% artificiels et inutiles comme les moulins à vents ou les panneaux solaires…
      Investir des milliasses dans ces secteurs inutiles.
      Signer des contrats mirifiques à 100$/MWh.
      Faire exploser nos factures d’électricité, qui dans mon Ontario d’adoption ont doublé depuis 10 ans. C’est beaucoup plus que les 2% / an d’inflation officielle 🙂

  • Dans un premier temps, la création monétaire par endettement excessif maintient en vie les zombies économiques, entreprises comme Etats, qui auraient dû faire faillite. Cette création monétaire a d’abord un effet déflationniste, notamment importé. Elle a également pour effet le ralentissement de la croissance par découragement des productions saines devant faire face à une concurrence inattendue. Les mauvais investissements chassent les bons, se soldant par une crise de surproduction qui ne peut s’écouler qu’en sacrifiant les prix.

    Deux exemples emblématiques de notre époque : le cas de la production d’électricité inutile et fatale par éoliennes, et le cas de la vente à perte sur internet. Ces activités qui auraient dû faire faillite rapidement dans une économie saine survivent par la grâce d’un endettement sans fin alimenté par l’argent gratuit des banques centrales. Elles concurrencent également les producteurs sains jusqu’à menacer leur survie.

    Mais il suffit d’une étincelle, d’une moindre contrariété, pour que cette construction économique absurde s’effondre soudainement. En cas de faillites en chaîne, les masses monétaires précédemment créées ne pouvant plus être détruites seront libérées dans une vague d’inflation. L’inflation est l’autre moyen d’équilibrer les comptes quand le processus normal de destruction monétaire (remboursement des dettes) devient inopérant. Les banques centrales seront démunies face au phénomène, perdant le contrôle du monstre qu’elles ont créé. Elles seront peut-être tentées par une politique monétaire restrictive mais, trop tardive et appliquée à contretemps, elle serait pire que le mal, détruisant les activités saines autant que les zombies économiques. En réalité, c’est maintenant, tout de suite, avant la crise, qu’il faudrait appliquer une politique monétaire restrictive, s’il n’est pas déjà trop tard. Mais face à la pression politique, l’effort paraît insurmontable. Les banques centrales ne sont visiblement pas équipées du personnel en mesure de prendre les bonnes décisions en environnement hostile, capable de faire preuve d’indépendance.

    L’hyperinflation systématique de tous les actifs n’est qu’un prélude à l’hyperinflation généralisée. Pire, une fois la promesse d’endettement éternel évanouie, il y aura un mouvement de fuite des actifs dont la valeur ne manquera pas de retourner à un niveau correspondant à une fraction de leur valeur actuelle, libérant encore plus de masse monétaire dans l’économie.

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