Par Ulrich D’Pola Kamdem.
Un article de Libre Afrique
Depuis 2009, les autorités camerounaises ont adopté une vision de développement à long terme pour faire du pays « un pays émergent démocratique et uni dans sa diversité à l’horizon 2035 ». Divisée en 3 parties, la Vision 2035, inscrite dans le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi, sert de boussole dans la mise en application des politiques publiques.
Elle se décompose ainsi :
- Phase 1 : 2010-2019 avec pour objectif la modernisation de l’économie et l’accélération de la croissance ;
- Phase 2 : 2020-2027 dont l’objectif est de franchir le stade de pays à revenu intermédiaire tranche supérieure ;Â
- Phase 3 : 2028-2035 qui vise à atteindre le statut de nouveau pays industrialisé.
Que retenir au terme de la première phase ? Comment envisager la deuxième phase ?
Une économie camerounaise dynamique mais exposée à des menaces réelles
Au terme de la première phase de la Vision 2035, on observe que le Cameroun bénéficie de taux de croissance économique positifs sur une tendance haussière (3,5 % en 2017 ; 3,8 % en 2018 ; 4,4 % et 4,7 % projetés en 2019 et 2020 respectivement). Les taux de 2019 et 2020 sont supérieurs aux taux de la région Afrique (4 % en 2019 contre 4,1 % en 2020 pour la région). Le pays connaît aussi des taux d’inflation assez bas et inférieurs à 3 % : norme dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale. On note aussi une baisse relative des niveaux de pauvreté depuis quelques années.
Cependant, malgré ces signaux positifs, le pays fait face à de nombreux défis et menaces. Nous avons :
- une forte exposition aux variations des cours mondiaux de matières premières ;
- le problème de sous-emploi et de la création d’emplois ;
- la vulnérabilité de la dette publique, la dette publique camerounaise étant majoritairement constituée de dettes à court terme provoquant ainsi un service de la dette élevé d’environ 1 058 milliards de FCFA en 2019) ;
- la dégradation de la situation sécuritaire dans le nord-ouest et le sud-ouest.
Au regard de ce qui précède, il est urgent de consolider les acquis et surtout d’actionner des leviers nouveaux pouvant permettre au pays de franchir le cap de pays à revenu intermédiaire tranche supérieure d’ici 2027.
Investissements directs étrangers et industrialisation comme moteurs de la phase 2
Nous pensons que le Cameroun a besoin de deux choses pour atteindre le seuil de pays à revenu intermédiaire tranche supérieure d’ici 2027. Premièrement, il faut attirer davantage les investissements directs étrangers (IDE). Deuxièmement, il faut urgemment réduire la pression fiscale des entreprises.
Les statistiques de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement montrent que, sur la période 2009-2016, les IDE ont contribué marginalement au total des investissements au Cameroun. C’est tout le contraire des pays comme Maurice ou bien le Sénégal. Par exemple, en 2016, les IDE représentaient respectivement 16,61 % et 12,39 % du niveau des investissements en Ile Maurice et au Sénégal. Par contre, au Cameroun, sur la même année, on n’avait que 9,15 %.
En vue d’attirer davantage d’IDE, l’État doit plutôt se charger de veiller au respect des lois qui garantissent les libertés individuelles, la sécurité des biens, la sécurité des contrats et la sécurité des personnes. Il ne doit plus être le premier employeur comme c’est le cas actuellement. Il faut changer de paradigme en migrant vers un système économique de type libre entreprise. Cela passe par trois notions fondamentales :
- la primauté des règles de droit ;
- la compétition, la Recherche & Développement ;
- une présence marginale de l’État dans l’économie.
Par ailleurs, parce que le tissu des entreprises au Cameroun est relativement jeune, il est urgent de réduire la pression fiscale. En effet, suivant le Recensement général des entreprises No.2 de l’Institut National de la Statistique (2016), la fiscalité est considérée comme le premier obstacle au développement de l’entrepreneuriat. Cette tendance était la même lors du premier recensement en 2009 où 58,8 % des répondants considéraient la fiscalité comme obstacle majeur dans leurs activités. Ils étaient 53,5 % en 2016.
Réduire la fiscalité liée aux entreprises permettrait de densifier et de solidifier l’écosystème entrepreneurial camerounais. En effet, les entreprises pourront dégager davantage de ressources aux fins d’investissement. Grâce à ces investissements, les entreprises individuelles (97 % du total des entreprises recensées en 2016) pourraient migrer vers des segments supérieurs. Cette politique pourra rallonger l’espérance de vie des entreprises puisque seulement 77,5 % des entreprises dénombrées en 2016 avaient au plus 6 ans d’âge.
Au final, le changement de paradigme implique aussi un changement d’orientation. Pour une économie qui souhaite émerger, produire et exporter des biens manufacturiers devra rester le leitmotiv.
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croire que le Cameroun pourrait entamer une croissance irrésistible sans tenir compte des pays qui l’entourent , plus ou moins instables, est une chimère..les problèmes l’atteindront par capillarité..
L’Afrique ne pourra décoller que lorsque l’éducation des jeunes se fera partout sur le continent.