Comment coloniserons-nous l’espace ?

Un court voyage interstellaire ayant pour but l’exploration et la colonisation est théoriquement possible : nous pourrions ainsi implanter l’espèce humaine sur une autre planète.

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Comment coloniserons-nous l’espace ?

Publié le 31 mai 2018
- A +

Par Frédéric Marin.
Un article de The Conversation

Cet article est publié dans le cadre du colloque « Transmission » organisé par l’Université de Strasbourg et l’IUF, qui se tiendra les 28, 29 et 30 mai prochains, et dont nous sommes partenaires.


En 1995, les astrophysiciens Michel Mayor et Didier Quelozm découvraient la toute première exoplanète orbitant autour d’une étoile autre que notre Soleil : 51 Pegasi b. La découverte de ce monde extraterrestre inaugura dès lors la quête d’un monde habitable pouvant abriter la vie. Vingt-trois ans plus tard, le nombre d’exoplanètes à l’existence confirmée dépasse les 3700 : ainsi, la possibilité de trouver un monde semblable au nôtre se rapproche.

La détection récente de Proxima Centauri b, l’exoplanète la plus proche de la Terre que nous puissions trouver, puisqu’elle orbite autour de l’étoile la plus limitrophe de notre Soleil, ouvre une autre possibilité intéressante, pour nous autres, habitants de la planète Terre… Ce corps céleste très probablement rocheux et ayant une masse proche de celle de notre planète, est d’un très grand intérêt car sa température d’équilibre implique que l’eau pourrait être liquide à sa surface. Située à 1 295 parsecs (40 000 milliards de kilomètres), Proxima Centauri b est donc une destination idéale. Un court voyage interstellaire ayant pour but l’exploration et la colonisation est théoriquement possible : nous pourrions ainsi implanter l’espèce humaine sur une autre planète.


Proxima Centauri b, vue d’artiste.

ESO/M., CC BY-SA

Toutefois, même si une fusée pouvait se propulser à un pour cent de la vitesse de la lumière, vitesse bien plus rapide que celle de nos engins spatiaux habités actuels, le voyage vers Proxima Centauri b durerait tout de même plus de 423 ans… Dans ces conditions, pas de voyage vers les exoplanètes possibles dans le temps d’une vie humaine. Comment faire ? Les chercheurs doivent trouver une solution pour que l’équipage survive des centaines d’années dans l’espace lointain.

Pourrait-on, par exemple, congeler les corps ? Malgré les avancées dans le domaine, les technologies de cryogénie ne sont pas encore viables car une fois les cellules congelées, des cristaux de glace se forment au niveau des parois cellulaires (vitrification), menant à la destruction du corps une fois qu’il est réchauffé.

Alors, une hibernation ? Des scénarios d’animation suspendue, où les fonctions physiologiques des membres d’équipage sont ralenties jusqu’à l’arrivée du vaisseau, doivent encore être explorées. Ou bien une maternité volante, où des embryons humains en phase précoce, chouchoutés par des robots, mûriraient tranquillement jusqu’à destination ? Le problème majeur est l’absence de parents humains pour élever les enfants. De plus, il n’y a jamais eu de population entièrement issue de la fécondation in vitro. Il n’est peut-être donc pas souhaitable que la mission s’appuie sur cette méthode…

La meilleure option pourrait être de compter sur des navires géants autonomes qui voyageraient dans l’espace pendant que leur population serait active. On vivrait et on mourrait à bord jusqu’à arriver à destination. Plusieurs idées de structures et de conceptions ont été présentées dans le recueil de textes Islands in the Sky : Bold New Ideas for Colonizing Space » en 1996 mais leurs hypothèses mathématiques et statistiques ne sont plus adaptées à notre technologie actuelle.

L’anthropologue John Moore a été le premier à utiliser un outil ethnographique dénommé Ethnopop pour estimer numériquement le nombre minimum de colons pour un voyage multi-générationnel. Ethnopop simule la situation matrimoniale et démographique de petits groupes de colons et utilise des modules externes pour créer épisodiquement des épidémies et des catastrophes. Mais ces modules n’ont jamais été utilisés dans le contexte d’un vol spatial puisque ce programme a été conçu pour calculer et analyser les migrations historiques des premiers groupes humains.

Éviter la consanguinité

Considérant un voyage spatial où l’immigration et l’émigration ne sont pas possibles, Moore a conclu qu’une mission de 200 ans devrait avoir un équipage initial de 150 à 180 personnes. Selon lui, l’équipage devrait être jeune et autorisé à ne procréer que tardivement durant le cycle de reproduction des femmes afin de retarder l’apparition de la première génération aussi longtemps que possible. Ces conditions permettent d’éviter une surpopulation ainsi qu’un taux élevé de consanguinité.

Des calculs plus récents réalisés par l’anthropologue Cameron Smith tendent à réviser ces chiffres à la hausse. Selon lui un équipage initial de 14 000 à 44 000 membres est bien mieux optimisé pour assurer une transmission saine du patrimoine génétique humain. Selon son étude, un équipage de 150 personnes serait toujours au bord de l’extinction dans le cas d’une catastrophe de grande ampleur. Smith préconise un échantillon génétique initial beaucoup plus important, ce qui se traduit par de plus grands équipages.

La variation importante de l’estimation de la taille minimale est due aux hypothèses sous-jacentes utilisées par l’auteur, qui a calculé le nombre de colons arrivant à destination en utilisant une approche statistique simple. Ainsi, il semble que l’estimation d’un nombre optimal pour la population initiale est difficile, même si nous ne tenons pas compte des effets psychologiques que la perte de la planète mère peut avoir sur l’équipage.

Le projet Heritage

C’est dans ce contexte qu’en 2017, j’ai créé Heritage, qui est un nouvel outil statistique de simulation de type Monte-Carlo. La physicienne des particules Camille Beluffi, l’astrophysicien Rhys Taylor et l’ingénieur en R&D Loïc Grau sont aujourd’hui associés à cette initiative qui vise à fournir des simulations réalistes en vue de l’exploration spatiale future. Notre projet est multidisciplinaire, il utilise l’expertise de physiciens, astronomes, anthropologues, ingénieurs en aéronautique, sociologues, médecins et de bien d’autres. Heritage est le premier code entièrement dédié au calcul de l’évolution probabiliste d’un équipage à bord d’un navire interstellaire. Il doit permettre, entre autres, de savoir si un équipage avec une taille proposée peut survivre plusieurs générations sans aucun stock artificiel de matériel génétique supplémentaire.

La détermination de la taille minimale de l’équipage est, on l’a compris, une étape essentielle dans la préparation de toute mission multigénérationnelle, affectant les ressources et le budget requis pour une telle entreprise mais ayant aussi des implications sociologiques, éthiques et politiques. Ces éléments sont essentiels pour étudier la création d’une colonie autosuffisante afin que des humains puissent établir des implantations planétaires.

Stanford Torus : vue d’artiste d’un habitat spatial.
Donald Davis/NASA

 

Les premiers résultats de notre collaboration ont été publiés dans le Journal of the British Interplanetary Society et un autre article est sous presse. Une présentation publique de nos travaux sera proposée durant le colloque Transmission : on y montrera que les chiffres d’équipages proposés par Moore et Smith ne peuvent être viables sur des voyages de très longue durée.

Il s’agit de déterminer les principes et règles de vie nécessaires à ce qu’un équipage de la plus petite taille possible puisse assurer une mission multigénérationnelle viable et résistante à l’apparition de catastrophes et maladies graves. Le code est actuellement en train d’être développé pour pouvoir prédire les besoins nutritionnels de l’équipage et déterminer ainsi la surface nécessaire à réserver à une agriculture spatiale à l’intérieur même du vaisseau. Pour ce faire les serres hydroponiques sont probablement les meilleures options actuelles et de tels calculs donneront bientôt des contraintes sur la taille minimale d’un vaisseau.

The ConversationAinsi, les premières études étayées d’exploration spatiale commencent à voir le jour. Le sujet est encore vaste et de nombreux facteurs humains, spatiaux, culturels, psychologiques ou sociaux doivent être inclus dans le code informatique. La minutie est indispensable si nous voulons que notre espèce puisse investir de nouveaux mondes extrasolaires.

Frédéric Marin, Post-doc à l’Observatoire astronomique de Strasbourg, Université de Strasbourg

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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  • Amusant. Intéressant scientifiquement. Mais quel est l’intérêt d’aller coloniser d’autres planètes aussi lointaines ?

  • A la suite de la découverte d’une nouvelle catastrophe menaçant l’espèce humaine … trois protagonistes imagineront un incroyable scénario de sauvetage. Avec nos interrogations sur notre avenir, c’est une étonnante solution scientifique et éthique qui nous est proposée.

    https://www.monbestseller.com/manuscrit/fantastique-perpetuation#comment-22409

  • Si c’est pour y aller faire encore la guerre autant rester ici.

  • Article à part, est-ce qu’il y aurait moyen de créditer convenablement la première image ? Elle vient d’un jeu vidéo (EVE Online), que Robert sache appuyer sur F12 sur son clavier je m’en fiche un peu disons.

  • Un cours voyage quand il s’agit de 4 années lumières? Avec notre technologie actuelle il faut compter 80.000 ans de voyage!

  • Comment coloniserons-nous l’espace ?
    Avec une débauche extraordinaire de subventions publiques…

  • il y a une certaine espèce de l’espèce humaine que j’enverrai volontiers sur une autre planète ….celle qui passe sont temps à nous pourrir la vie sur terre….et notamment en douce France….j’ai nommé les politiciens…..

  • Même dans l’hypothèse optimiste, compte tenu de la technologie actuelle, d’un voyage de 453 ans, il est fort possible avec le progrès technique qui se poursuivrait sur Terre, qu’un voyage lancé des centaines d’années après arrive le premier !

  • Beaucoup d’idées, de projets, qui au final ne déboucheront sur rien qui resteront au niveau de délire de scientifiques plus ou moins douteux.

  • vu le caractère profond de l’Homme je pense que l’espèce aura disparue bien avant..et c’est pas plus mal.

  • Ce n’est pas gagné pour trouver des candidats à l’implantation sur une autre planète quand on sait que les médecins ne veulent même pas aller en zone rurale.

  • Les commentaires sont fermés.

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