Par Johann Rivalland.
Isao Takahata est décédé le 5 avril. Réalisateur de films d’animation, il était le cofondateur, avec Hayao Miyasaki, du studio Ghibli. Parmi les œuvres qu’il a réalisées, en voici deux qui ont particulièrement retenu mon attention.
Le tombeau des lucioles
Ce film d’animation au titre poétique n’est pas tout à fait comme les autres.
Si j’apprécie particulièrement les créations japonaises, du moins certaines d’entre-elles, et encourage à les faire découvrir à vos enfants, même si les sujets sont peut-être parfois un rien complexes pour eux, je ne conseillerais pas de voir celui-ci trop jeune, à moins d’avoir des discussions régulières avec vos enfants et de les avoir déjà éveillés à un peu tous les sujets de la vie.
Par contre, pour un jeune adolescent (à partir de 11 ou 12 ans, par exemple) et, à condition qu’il soit, là encore, bien éveillé à la vie, l’histoire, l’actualité, la connaissance des côtés sombres de notre existence, la guerre, la misère, alors ce peut être tout indiqué. Cela peut permettre d’enrichir sa connaissance, sa sensibilité, sa conscience. Et pour des adultes, bien sûr, à découvrir sans réserve.
Il s’agit ici de la situation bien réelle, à travers l’itinéraire de deux enfants japonais, des affres de la guerre, de côtés sombres que l’on aimerait bien ignorer mais qui ont été, hélas, pendant des siècles, et continuent hélas d’être, le lot commun de populations si nombreuses.
Comment parvenir à se débrouiller entièrement seuls dans un pays totalement ravagé par la guerre, la misère, la désolation, la pénurie de tout, lorsque, comme ces deux enfants, vos parents viennent de périr dans un bombardement (ici dans la ville de Kobé) qui n’a pas même épargné votre maison ni aucun de vos biens ?
Une situation cruelle et difficile, loin de n’être réservée qu’à eux deux, surtout, et dans un contexte où personne n’est en mesure de vous venir en aide, chacun cherchant simplement à tout juste subsister.
Un film terrible, très triste, terrifiant, et plein de dignité, qui vous laisse totalement impuissant et révolté. Un hommage important à la mémoire de tous ces enfants qui sont les victimes totalement innocentes de l’horreur humaine, à toute époque et encore aujourd’hui.
Le tombeau des lucioles, Isao Takahata, DVD Kazé Animation, 2002.
Le conte de la princesse Kaguya
Ce conte traditionnel japonais adapté à l’écran est une véritable merveille.
Plein de beauté, de délicatesse, de subtilité, il réunit tous les ingrédients du conte par excellence, et sans que l’on ait la garantie de l’habituelle fin où tout se termine bien. Il conserve sa part de mystère et d’incertitude jusqu’au bout. À propos de quoi ? Je me garderai bien de vous le dire.
Où il est question de magie de la nature, d’extase face à ses éléments, mais aussi de l’opposition entre liberté et conformismes, de recherche du bonheur d’autrui mais qui pourrait bien aboutir à son contraire, du conflit latent entre l’authenticité et la force de la ruse ou de l’illusion, d’amour et d’incapacité à se révolter contre les conventions, de bienveillance et d’aveuglement, de courage et de petites lâchetés, de beauté et d’artifices destructeurs, de joies et de regrets. Toute une palette de sentiments et d’émotions servie par de belles images et couleurs, valorisée en certaines occasions par l’art du mouvement devenant expression.
Le tout apparaît tour à tour poétique, cauchemardesque ou envoûtant, sans que les mots soient en reste, puisque même dans les moments les moins propices à la construction du bonheur, le langage véhicule des formes de beauté inattendues.
Et, à mesure que l’histoire se déroule, celle-ci gagne en intensité, atteignant des sommets de magnificence dont je vous souhaite de ne pas vous priver.
Le conte de la princesse Kaguya, Isao Takahata, DVD Studio Ghibli, 2015
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