Panique sur les marchés financiers : la secousse avant la crise ?

Si les récentes secousses sur les marchés relèvent sans doute plus d’une correction technique que de prémices d’une véritables crise financière, elles interrogent néanmoins sur les conséquences d’un retour de volatilité sur le moyen-terme.

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Panique sur les marchés financiers : la secousse avant la crise ?

Publié le 17 février 2018
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Par Louis Malbète.
Un article de Trop Libre

Loin de passer inaperçues, les secousses ayant ébranlé les marchés financiers la semaine passée (le Dow Jones ayant perdu 5,21% sur 5 séances, et le CAC 40 perdant 5,33% sur la semaine entière) ont contribué à faire émerger de nouvelles interrogations quant aux conséquences d’un retour d’inflation sur l’environnement de taux et la volatilité des marchés financiers sur le moyen et long-terme.

La cause initiale de ce courant de peur sur les marchés provient de l’annonce d’une hausse manifeste des salaires aux États-Unis, de 2,9%, supérieure aux chiffres attendus.

Cette hausse généra à son tour des craintes quant à un potentiel retour d’inflation bien plus important que prévu, alors que les taux sont depuis plusieurs années maintenant très bas de manière générale, suite aux politiques d’assouplissement quantitatifs de la Réserve Fédérale Américain (Fed) et de la Banque Centrale Européenne (BCE).

Des taux qui vont remonter ?

Le raisonnement étant le suivant : un retour inattendu de l’inflation pourrait contraindre les banques centrales à remonter leurs taux bien plus tôt que prévu, ce qui a poussé les investisseurs à clôturer leurs positions afin de prendre leurs bénéfices avant le renchérissement du “coût de l’argent” que sont les taux d’intérêts.

Les marchés financiers ayant un biais psychologique les rendant particulièrement vulnérables aux effets de prophétie autoréalisatrice, la panique s’en est vue d’autant plus accrue que les bourses continuaient à chuter.

Ce n’est d’ailleurs pas au final l’inflation en elle-même qui fut vectrice de panique, mais plutôt les anticipations d’inflation future. Combinez cela au fait que les ordres de marché sont de plus en plus effectués par des algorithmes de trading qui ont, de manière agrégée, une tendance procyclique naturelle : les effets de baisse ou de hausse s’en voient donc amplifiés, et par conséquent la volatilité aussi.

Des secousses surestimées

Le Volatility Index (VIX), indice de volatilité établi par le Chicago Board of Exchange (CBOE), a ainsi augmenté de plus de 115% pour toucher le niveau des 50 points, un plafond qui n’a pas été atteint depuis la fameuse crise des subprimes de 2008. Une forte augmentation du VIX qui a généré de grosse pertes chez tous les investisseurs ayant des positions dites short sur cet indice, qui furent pris à revers en l’espace de quelques jours.

Pourtant, ces secousses financières semblent avoir été surestimées et devraient, selon beaucoup d’économistes s’étant exprimés sur le sujet ces derniers jours, être relativisées quant à leur importance.

Tout d’abord car, économiquement, il n’y a effectivement rien d’anormal à ce qu’une hausse des salaires entraîne une inflation accrue. Néanmoins, l’inflation n’est pas négative en soi, c’est plutôt son niveau qui devrait être déterminant.

L’indice des prix à la consommation

C’est en ce sens que la publication de l’indice des prix à la consommation US était très attendue ce mercredi 14 février : il s’est avéré que cette dernière s’établit annuellement à 2,1%, soit 0,1 point de pourcentage au-dessus des prévisions, mais à un niveau qui n’est pas non plus démesurément élevé.

Par ailleurs, il convient de différencier selon les secteurs : si l’inflation est forte dans le secteur tertiaire, elle est historiquement bien plus basse dans l’industrie. De plus, l’atomicité de certains secteurs fait qu’il n’est pas non plus certain que les entreprises des services aient un pouvoir de marché suffisant leur permettant de répercuter cette hausse dans les prix qu’ils pratiquent, du fait d’une concurrence toujours plus vive au niveau mondial.

Néanmoins, la question des taux, mais aussi de la volatilité sur le plus long-terme, continue de se poser. Si les taux obligataires courts ont logiquement augmenté, les données les plus surveillées vont rester les taux des opérations dites d’open market auprès des banques centrales, soit les fameux taux directeurs.

Derrière la courbe

Les investisseurs craignent en effet que non plus trois mais quatre hausses de taux soient nécessaires si la Fed ne veut pas risquer de se retrouver “derrière la courbe” d’après le jargon consacré dans le milieu, c’est-à-dire avec une inflation repartie plus vite que prévue, la poussant à augmenter plus drastiquement ces taux de manière à contenir cette dernière, et de manière plus que proportionnelle à l’inflation.

C’est là la première épreuve du nouveau président de la Fed Jerome Powell, dont les moindres paroles seront minutieusement scrutées dans les prochains mois, tout comme celles des membres du directoire de la BCE en Europe, bien que l’inflation soit légèrement plus contenue de ce côté-ci de l’atlantique.

Une hausse des taux pourrait en effet rendre les marchés obligataires plus attractifs relativement aux marchés actions, et donc engendrer un report plus ou moins généralisé sur les obligations, alors que ces dernières restaient peu intéressantes ces dernières années en raison de l’environnement de taux très bas imposé par les différentes banques centrales.

L’exposition des marchés à l’inflation

De plus, bien qu’effectivement l’inflation puisse d’une certaine manière rogner les bénéfices des investisseurs, l’exposition des marchés à l’inflation reste à relativiser car bien que les acteurs financiers soient contraints de rechercher de plus forts retours sur investissement en période de plus forte inflation, il est globalement admis que cela génère aussi une chute des ratios cours/bénéfices (PER, de l’anglais Price-Earning Ratio), qui reflète la valeur d’un titre par rapport aux prix des titres similaires ou du même secteur : plus le PER est faible, plus les titres sont considérés bon marché. Des PER faibles sont donc vecteurs d’accessibilité et de dynamisme, mais aussi, in fine, de volatilité.

En conclusion, si les récentes secousses sur les marchés relèvent sans doute plus d’une correction technique que de prémices d’une véritables crise financière (en témoignent les séances positives enchaînées par les principales bourses mondiales ces derniers jours), elles interrogent néanmoins sur les conséquences d’un retour de volatilité sur le moyen-terme, et surtout sur ce qui sera décidé dans les mois à venir quant à la politique monétaire des principales banques centrales, et notamment de la Fed.

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  • Il est surtout surprenant que personne n’ait trouvé la longue absence de volatilité inquiétante. Comment a-t-il pu y avoir si longtemps un tel consensus sur la valeur des titres boursiers, sans divergences de vues ?

  • toutes ces grosses societes brassent l argent des actionnaires et raclent pour les dividendes …ou est la rentabilité de facebook ou de uber …!!

  • Les commentaires sont fermés.

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Charles-Henri Colombier est directeur de la conjoncture du centre de Recherche pour l’Expansion de l’Économie et le Développement des Entreprises (Rexecode). Notre entretien balaye les grandes actualités macro-économiques de la rentrée 2024 : rivalités économiques entre la Chine et les États-Unis, impact réel des sanctions russes, signification de la chute du PMI manufacturier en France, divergences des politiques de la FED et de la BCE...

 

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