Oui à l’information des élèves, non à l’orientation

Les politiques sont au service des désirs de la jeunesse. Non la jeunesse au service des désirs des politiques.

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Olympiades des métiers by Laurent Neyssensas(CC BY-NC-ND 2.0)

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Oui à l’information des élèves, non à l’orientation

Publié le 12 février 2018
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Par Loick Roche1.
Un article de The Conversation

Oui à l’information des élèves à l’entrée du supérieur, non à l’orientation. Et moins encore à cet impératif catégorique qui veut que l’on recherche à tous crins à orienter les futurs étudiants, à les mettre dans les bonnes cases ; c’est-à-dire là où il y a de l’emploi (un rêve de politique), et à les détourner des mauvaises cases, ces filières qui ne débouchent sur aucun métier (un cauchemar de politique).

Ce que je veux dire – et à l’heure où l’on s’intéresse aux recherches en neurosciences dans le domaine de l’éducation, il est étonnant qu’on ne prenne pas en compte les étapes normales du développement de l’individu – c’est qu’on oublie l’essentiel.

Qui peut dire sérieusement à 18 ans ce qu’il veut faire de sa vie

D’une part, à 18 ans, il est normal de ne pas toujours savoir ce que l’on veut faire. Et c’est heureux ! Les choses ne se font pas d’un claquement de doigts ou d’un geste du menton. Elles mûrissent petit à petit, par essai et erreur. Elles sont le résultat de tentations et de tentatives, d’objets de rencontres, d’expériences. Comme elles sont aussi et parfois, et il faut l’accepter, d’une part de hasard.

D’autre part – et là est l’essentiel – une grande Nation est avant tout une Nation qui encourage, respecte et prend en compte les désirs (ici professionnels) de la jeunesse. Si elle les met sous le boisseau, les éteint ou les cadenasse, ce qui revient au même, par instrumentalisation de leurs choix, elle va au plus court, et le plus court c’est toujours l’expression d’une forme de totalitarisme.

La tentation de l’instrumentalisation est toujours une tentation totalitariste

Cette tentation n’est pas l’apanage de la gauche, de la droite, ou aujourd’hui de la majorité. Elle est consubstantielle aux politiques dès lors qu’ils oublient l’essentiel : mettre ou remettre, et pour de bon, les hommes et les femmes – les citoyens – au cœur de leurs préoccupations.

Cette tentation totalitariste est récurrente. Nous avions déjà eu un bon aperçu de celle-ci avec le tirage au sort des étudiants pour leurs études dans le supérieur, une honte pour la Nation, parce que crime contre la jeunesse. Il est donc positif que le gouvernement d’aujourd’hui ait décidé d’y mettre fin. Décider avec une pièce jetée en l’air de l’avenir professionnel d’un étudiant n’a pas de nom. Comme sont inacceptables les scories du nivellement par le bas et de l’égalitarisme en lieu et place d’un vrai et très urgent travail à faire sur l’équité dans l’éducation et l’enseignement supérieur.

Non à l’orientation mais oui à l’information

Pour revenir sur l’orientation, il faut lui préférer une amélioration de l’information des élèves. Multiplions les occasions de rencontres avec les professionnels, travaillons à leur donner envie. Travaillons à éveiller le plus important, le désir de faire quelque chose. « Quelle serait la profession de mes rêves » « Quel domaine me donnerait envie d’aimer et de créer ? » « Quel métier ai-je envie d’exercer ? » Ouverture et clé de voûte de la joie d’apprendre et de se voir apprendre des étudiants et futurs étudiants.

C’est là la responsabilité du politique à l’égard de la jeunesse. Mettre en place les conditions d’éveil, d’expression et si possible de mise en œuvre de leurs désirs professionnels. Les politiques sont au service des désirs de la jeunesse. Non la jeunesse au service des désirs des politiques.

Plaidoyer pour le droit à l’échec

Cela ne veut pas dire que tous les étudiants vont réussir, la réussite, elle – une fois que l’État a mis tous les moyens en œuvre, et s’est attaché, chantier encore immense, à faire en sorte que chacun, quelles que soient ses origines, son milieu social, etc., puisse bénéficier des mêmes chances et conditions de réussite – est de la responsabilité de l’étudiant. Et alors ?

Quand bien même des étudiants échoueraient. Ce n’est pas grave, l’échec. C’est d’ailleurs ce qu’on essaie d’enseigner également dans l’entreprise. Ce qui est grave c’est de ne pas avoir essayé. Ce qui est grave c’est de ne pas avoir eu la chance de pouvoir tenter sa chance. Il est très différent d’avoir essayé-échoué ou d’avoir été empêché d’essayer et de vivre avec ces regrets. C’est pour cela aussi qu’une partie de l’échec en licence n’est pas si grave que cela – voire peut même être dit extrêmement sain – dès lors qu’il peut être attribué à des essais non réussis.

Un véritable impératif pour notre Nation

Faire de la centralité du désir et de l’équité des chances de réussite, l’axe fort de notre enseignement supérieur, parce que cela fait condition pour les étudiants d’exercer un travail vivant, est un véritable impératif pour notre Nation !

Si nous voulons éviter que les enfants, demain, ne succombent aux tentations des extrêmes, nous devons retisser du commun. Fil rouge de la consistance de notre tapisserie commune pour prendre un joli mot de Félix Guattari, tous nos efforts doivent être tendus pour permettre à chacun, à partir de son désir, d’exercer un travail vivant, premier et plus sûr rempart à la désolation et folie des hommes.

Sur le web-Article publié sous licence Creative CommonsThe Conversation

  1.  Directeur Général Ecole de Management & Vice-président de la Conférence des Grandes Écoles, Grenoble École de Management (GEM).
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  • Tant qu’il y a de la sélection… je suis d’accord!

  • Bonjour

    Plaidoyer pour le massacre des jeunes qui perdent leur temps en faculté. Je ne voit pas l’utilité de faire des études pour 80% des jeunes. Ils feraient mieux de commencer à travailler dès 16-18 ans, à gagner leur vie, être autonome et au final plus heureux que de traîner d’échec en échec dans des formations stupides.

    A 16 ans on sait ce que l’on veut faire, tout au moins on peut tester réellement un job.

    • Non à 16 ans, on a envie de faire des conneries, de draguer et de se marrer.

      « Gagner sa vie », c’est un discours de politicien qui voudrait mettre tout le monde en servitude : avoir de bon petits contribuables qui paient des cotisations et des impôts.

      16 ans, bon âge pour commencer à faire la Grève.

      • Bonjour Stéphane.

        Tjs des posts à l’emporte pièce.

        Faut-il mieux travailler à 16 ans et payer un peu d’impôts que d’être à la charge de l’état avec Alloc et autres CROUS et au final être dépendant de l’état?
        Quant à la Grêve, l’état s’en contrefout. Les zétudiants sont des clients fidèles de l’état. Etude d’histoire, chômage puis p’tits boulots aidés.. L’état est tétanisé de peur.

        • Mais tout le monde est dépendant de l’Etat dans ce pays.

          Pourquoi financer ce système pourri qui vous prendra tout et ne vous donnera rien ? Autant vivre à 100% de contrats aidés, de faire des études interminables, histoire d’avoir la sécu pas chère, une bourse et le gite et le couvert subventionné.

          Une fois que la pompe est cassée, partir en Australie ou ailleurs, de toute façon là bas, un diplôme Français, même d’une « grande école » vaut zéro. Et en ramassant des cerises en Tasmanie, vous gagnez net plus en 3 mois qu’un cadre débutant ici en un an.

          Et pour la retraite, de toute façon il n’y a pas à se prendre la tête, ça variera entre le minimum vieillesse et 2 000 euros par mois quelque soit ce que soit ce que vous avez cotisé (personne ne cotise 25 ans au dessus du plafond de la sécu)

          Pourquoi se prendre la tête à 16 ans ?

    • Bonjour,

      Pourquoi parlez-vous uniquement des facultés ? Il ne faudrait pas oublier les cursus plus courts (BTS entre autre) ainsi que l’apprentissage/contrat d’alternance.

      De plus, à 16 ans, uniquement une minorité de personnes est capable de dire : je veux faire tel métier et je vais faire les études nécessaires pour y arriver (ou aller bosser directement).

      Je pense que le coeur de cet article est justement sur l’information à transmettre, faire découvrir les métiers possibles. Oui vous pourrez objecter qu’entre exercer un métier et juste discuter avec quelqu’un il y a monde mais à défaut de pouvoir tout essayer, avoir une discussion avec un professionnel du secteur peut aider à prendre conscience des réalités. Et idem pour les études supérieures, il faut faire prendre conscience que même si tout le monde peut aller en faculté de droit, médecine, etc. tout le monde n’est pas capable (je parle bien de capacité intellectuelle) de faire 10 ans d’études pour être médecin.

  • euh qui paye décide…

    et si on doit aider les enfants pauvres car c’est la seule question qui importe il faut le faire de façon claire et qui responsabilise leurs parents.
    Il y a quelque chose qui m’ennuie, c’est que beaucoup d’acteurs dans le milieu éducatif cachent le fait qu’ils n’ont aucune idée de ce qu’on doit enseigner aux enfants pour leur permettre de réussir à se faire une vie.. l’inertie de la société et de l’économie leur permet de ne pas être trop à coté de la plaque mais aussi tout à fait à coté en ce qui concerne ce qui change…

    le système éducatif promet des choses qui ne dépendent pas de lui…

    • Vous êtes gentils : en terme d’économie et de sociétal, l’Ednat est une machine de propagande gauchiste qui répète et glorifie des bêtises que l’on racontait au XIX° siècle entre 2 verres d’absinthes et 10 gouttes de Laudanum.

  •  » orienter les étudiants là ou il y a de l’emploi « ….en mes vertes années , je souhaitais apprendre le métier de toiletteur de chiens ; cette formation m’a été refusé car  » il n’y avait pas d’ouverture dans ce métier  » m’a t’on dit ; dans les futures réformes pour l’entrée en apprentissage , il a bien été souligné par le gouvernement qu’il fallait que les apprentis soient formés pour des emplois recruteur ( restauration , boulanger , BTP ….) ; les temps n’ont pas changé , on ne laisse pas plus qu’avant le choix de leur métier aux uns et aux autres ;

  • Encore un auteur pour lequel l’enseignement ne coûte rien…

    • L’auteur en question est directeur de GEM. S’il y a un auteur qui doit connaître le coût de l’enseignement c’est bien lui.

      Avant de faire la leçon à l’auteur, peut-être devriez-vous vous renseigner sur les difficultés de financement actuelles des écoles de commerce…

    • L’enseignement universitaire public coûte en effet très cher, surtout si on le rapporte au résultat. C’est gratuit pour l’étudiant et ruineux pour le contribuable. Il serait normal que ce dernier ait son mot à dire en exigeant sélection et orientation.
      Le financement public devrait se limiter à détecter et soutenir les étudiants brillants et nécessiteux.

  • Excellent excellent article. Il me semble qu’en France, il y a effectivement trop d’orientation, souvent inepte, et pas assez d’information. Les enseignants et les conseillers d’orientation ne sont pas les seuls en cause dans les échecs, certains parents aussi sont responsables, et pas les moins éduqués.

    • Reste à voir ce que les étudiants feraient de plus d’information. La grande majorité n’a aucune envie d’utiliser cette information pour entrer dans la vie active et abandonner la belle vie d’étudiant.

  • Les commentaires sont fermés.

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