Par Oredje Narcisse.
Un article de Libre Afrique
Selon la loi de finances 2018, le budget général de l’État tchadien se chiffre à 1343 milliards de francs CFA alors que les prévisions de recettes ne sont que de 846 milliards de francs CFA.
Le gouvernement « doit recourir aux financements extérieurs de toutes natures » parmi lesquels, ceux du FMI. À cet effet, les bailleurs de fonds exigent des efforts conséquents pour « améliorer la qualité des dépenses publiques » visant à réduire le déficit public structurel.
Cette exigence de rigueur budgétaire relève du bon sens. Néanmoins, la politique d’austérité prônée cible plutôt les plus démunis, laissant de côté l’essentiel des poches de gabegie et de gaspillages.
Ce sont toujours les mêmes qui payent
Au Tchad, tout le monde s’indigne de la façon dont, depuis 2016, le gouvernement tchadien essaie de trouver des palliatifs pour juguler la crise financière que traverse le pays. Le pétrole a coulé mais la masse populaire a été oubliée.
Conséquence, 47 % des Tchadiens vivent sous le seuil de la pauvreté. Comme tout État rentier, le Tchad dos au mur, après avoir dilapidé les deniers publics, se trouve contraint à une politique d’austérité brutale qui s’est traduite par la coupe dans certains transferts sociaux, l’introduction de certaines taxes et la hausse de prix de certaines denrées.
Il s’en est suivi une dégradation du pouvoir d’achat de la population. Ainsi, le 5 janvier 2018, la population a été surprise par l’augmentation du prix du carburant à la pompe. Les utilisateurs d’engins à moteur doivent désormais débourser pour l’essence 570 FCFA/L au lieu de 523 FCFA. Un prix qui pose déjà problème puisque l’augmentation des prix du carburant entraine celle des transports et influe directement sur celui des denrées alimentaires.
Au bout de la chaîne, c’est la population qui paie le plus lourd tribut. Par exemple, un sac de maïs de 80 kg qui coûtait 20.000 francs CFA en fin d’année se retrouve aujourd’hui à 27.000 francs CFA. Ces mesures ont suscité une vague d’indignation concrétisée par la grève des transporteurs le 22 janvier 2018 ; grève qui allait dégénérer par l’implication des élèves qui n’ont pas pu se rendre à l’école faute de transport.
Si la rigueur budgétaire est louable, il n’en demeure pas moins que le gouvernement tchadien doit s’attaquer aux vraies sources de gaspillages et de gabegie que l’on retrouve aussi bien dans ses dépenses de fonctionnement que d’investissement.
La masse salariale, un mammouth à dégraisser
De 2003 à 2018, la masse salariale est passée de 40 milliards de francs CFA à 380 milliards de francs CFA. Une augmentation qui se justifie par le nombre de fonctionnaires qui a presque triplé.
En 2014, la commission interministérielle chargée du contrôle de personnel a conclu que 84.000 agents émargent régulièrement sur le budget de l’État, dont 10.000 agents fictifs.
Une politique d’austérité devrait déjà commencer à renvoyer tous ces fonctionnaires fictifs afin de récupérer une dizaine de milliards de francs CFA. Rien n’a été fait, et trois ans plus tard, le nombre d’agents de l’État a encore explosé, passant à 150 000 agents désormais.
Comment l’État a-t-il fait pour en recruter 66.000, alors qu’à l’époque déjà la question de la masse salariale se posait. Trop d’agents vivent sur le dos de l’État sans que leur présence dans l’effectif ne soit justifiée.
Si le gouvernement avait voulu faire une véritable cure d’austérité, il aurait du commencer par maîtriser ses effectifs. Ceci impliquait la révision des conditions d’accès à la fonction publique de tous les agents, et la réorganisation du système de recrutement afin qu’il prenne en compte les besoins réels de l’État.
Prévenir les fuites dues à la corruption et aux détournements
La politique d’austérité exige aussi la revue des dépenses de fonctionnement de l’administration. Il est question de revoir tout le circuit pour que les fonds alloués pour le fonctionnement de l’administration ne partent pas dans des comptes privés.
Le cas récurrent est celui de l’Assemblée nationale qui tourne autour de 15 milliards de francs CFA mais qui est citée dans plusieurs affaires de surfacturation et dont le président a été récemment accusé d’avoir viré sur son compte personnel 800 millions de francs CFA, équivalent à trois à quatre mois de primes de l’actuelle législature.
Comme elle, plusieurs autres services de l’État devraient subir un toilettage budgétaire. Certains, comme le Conseil Économique Social et Culturel ou encore le Collège de Surveillance des Revenus Pétroliers, méritent purement et simplement une dissolution puisqu’ils ne font pratiquement rien.
Il ne s’agit plus d’attribuer des fonds aux institutions en fonction de leur rang ou de leur grandeur mais plutôt en fonction de leurs besoins. Besoins qu’il faut inventorier pour mieux budgétiser.
Faire la chasse aux éléphants blancs
Depuis une dizaine d’années, le Tchad a investi d’énormes ressources dans des projets ambitieux visant à l’amélioration des conditions de vie de la population mais à l’arrivée, aucun impact réel n’est aperçu.
Le projet de « La Ceinture Verte » par exemple, censé protéger la ville de N’Djamena de l’avancée du désert avec ses 12 milliards de francs CFA sur cinq ans, n’est que l’ombre de lui-même. Les agents recrutés pour l’entretien des plants ne sont même pas payés et sur le terrain le désert avance allègrement. De même, la mécanisation de l’agriculture pour assurer la sécurité alimentaire a été un fiasco.
Pourtant, l’État avec l’appui des partenaires a débloqué plus de 20 milliards pour la commande des tracteurs. Sans suivi et laissés à la merci de quelques vautours qui en ont fait leurs biens personnels, le projet est d’abord mal géré, ensuite, la quasi-totalité des tracteurs sont en panne et les agriculteurs n’adhèrent même pas au projet pour diverses raisons.
Faire de vraies économies
En conséquence, et pour faire de vraies économies, l’État doit améliorer la gouvernance de ses investissements publics en veillant d’abord à la réalisation de vraies études de faisabilité et d’impact, ensuite à des mécanismes effectifs de suivi, et enfin à une véritable évaluation indépendant et rigoureuse.
Somme toute, le gouvernement tchadien fait fausse route en choisissant la voie de la facilité, celle consistant à faire des coupes brutales dans son budget sans tenir compte des équilibres économiques et sociaux du pays.
Il aurait été plus opportun d’élaborer un pacte national répartissant de manière équilibrée le fardeau de la rigueur budgétaire. Ce serait à l’État de donner l’exemple en redéfinissant son rôle et ses missions afin de cesser de vivre au dessus de ses moyens, ce qui permettrait de faire de vraies économies, au lieu se contenter des économies de bouts de chandelle.
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et ce sont toujours les mêmes qui paient la facture ;
Le Tchad.? mais c’est plus ou moins le problème de toute l’Afrique en général.
À part le désert qui avance la situation est identique en France…