Afrique : comment régler la crise énergétique ?

Riche en matière première, l’Afrique est pourtant régulièrement plongée dans le noir par manque d’électricité. Comment sortir de cette crise ? L’exemple du Nigéria.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Ampoule électricité (Crédits serguei_30, licence Creative Commons)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Afrique : comment régler la crise énergétique ?

Publié le 6 janvier 2018
- A +

Par Shakir Akorede[*].

Un article de Libre Afrique.

Actuellement, près de 95 millions de Nigérians vivent dans l’obscurité quotidienne imposée par la crise énergétique qui dure depuis des décennies. La situation s’explique par l’échec du secteur de l’électricité contrôlé par l’État. Notons que même après qu’une grande partie du secteur ait été confiée à des opérateurs privés, rien n’a changé. Les pannes d’électricité continuent de perturber les ménages et la vie sociale, sans parler de la paralysie qu’elles infligent aux activités industrielles et commerciales de plus de 180 millions de Nigérians. Où réside la racine du mal ?

Depuis 1999, les gouvernements successifs consacrent environ 2 milliards de dollars américains par an à la production d’électricité. Dans le but de revitaliser le secteur de l’énergie, le régime Jonathan a lancé une feuille de route pour la réforme du secteur en 2010. Ainsi, la gestion des services de l’électricité a été transféré au secteur privé, avec notamment la privatisation de la Power Holding Company (PHCN). En 2013, «cinq centrales électriques et onze sociétés de distribution dégroupées de la PHCN ont finalement été privatisées». Pourtant, en 2016, le gouvernement a augmenté le tarif de l’électricité à dessein pour le ramener au véritable coût de l’énergie arguant du fait que cette augmentation serait à même de stimuler les investissements privés. Malheureusement, cela s’est produit à un moment où le Nigeria a été touché par l’effondrement des cours mondiaux du pétrole le plongeant dans une forte récession. En conséquence, la réforme a été bloquée par l’opposition ferme des syndicats et de la majorité des citoyens. Même si le Nigeria a récemment réussi à sortir de la récession, les mauvaises infrastructures énergétiques restent un handicap de taille, qui rend difficile la diversification de l’économie dépendante du pétrole.

Faire fonctionner la privatisation

Il est important de mentionner pourquoi l’implication du privé a été considérée comme la solution au problème énergétique. Clairement, la mise à niveau des infrastructures et l’augmentation de la fourniture d’énergie propre exigent d’importants investissements que le gouvernement ne peut pas se permettre. En fait, le gouvernement ne faisait qu’emprunter pour financer les dépenses. Malheureusement, le pays a déjà un haut ratio « dette/PIB», ce qui signifie qu’il est proche de la limite de surendettement.

Etonnamment, alors qu’il n’y a pratiquement pas eu de résultats concrets, le Nigéria est déjà au stade de s’interroger sur la suite à donner à la privatisation. Le Magazine The Economist a élaboré une analyse claire stipulant que rien ne devrait changer jusqu’à ce que les obstacles rencontrés par les opérateurs privés soient enlevés. Et d’ajouter : « Il est peu probable que les investisseurs privés placent de l’argent dans des projets d’infrastructure s’ils croient qu’il y a peu ou pas de chance d’obtenir des rendements élevés sur leurs investissements».

Pour donner un exemple, la politique de prix du gouvernement est responsable de la pénurie de gaz et cela malgré les importants gisements de gaz naturel au Nigeria. De plus, les faibles prix payés par les compagnies d’électricité n’encouragent pas les compagnies pétrolières internationales à investir davantage dans la construction des installations pour collecter et traiter le gaz du pays destiné à la consommation domestique. Ce sont des questions urgentes auxquelles le gouvernement doit s’attaquer.

Diversification

L’énergie est au cœur de la réforme économique au Nigeria dans une perspective de développement durable. Dans cette optique, « le gouvernement doit diversifier les sources d’énergie dans les secteurs domestique, commercial et industriel et adopter de nouvelles technologies pour réduire les gaspillages d’énergie et réduire les coûts», écrit Sunday Oyedepo dans une revue détaillée intitulée Energy and sustainable développement au Nigeria: la voie à suivre.

Aujourd’hui, compte tenu de la consommation d’énergie dans le monde, le Nigeria (et bien sûr les pays africains) a les taux de consommation les plus bas. Pourtant, il souffre d’une alimentation électrique erratique. C’est paradoxal parce que le pays n’est pas seulement «riche en ressources énergétiques conventionnelles, qui comprennent le pétrole, le gaz naturel, le lignite et le charbon. Il est également doté de sources d’énergie renouvelables telles que le bois, l’énergie solaire, l’hydroélectricité et l’éolien».

Le mix énergétique doit être diversifié. Le Nigéria peut transformer ses abondantes ressources en énergie renouvelable et renforcer la sécurité de l’approvisionnement en installant une infrastructure appropriée et en faisant une large sensibilisation. Encore une fois, le Nigeria dispose de ressources importantes en biomasse pour répondre aux usages énergétiques traditionnels et modernes, y compris la production d’électricité.

Le rôle des entreprises

A côté de la privatisation et de la diversification, le rôle des grandes entreprises nigérianes est important, notamment via leurs investissements, le financement des projets et la diversification du secteur grâce aux énergies renouvelables.

Certaines entreprises locales, telles que le groupe Aiteo, agissent dans ce sens. Aiteo Group, un conglomérat énergétique nigérian intégré et global, a été fondé par Benedict Peters en 1999. La société est aujourd’hui l’une des sociétés énergétiques les plus prospères et les plus importantes qui aident le Nigeria à gérer ses ressources naturelles. D’autres géants industriels, dont l’homme le plus riche d’Afrique, Aliko Dangote, ont plus de rôles à jouer. Alors que Dangote a fait des millions de dons privés à des programmes d’éducation et d’autonomisation en Afrique de l’Ouest, il reste encore beaucoup à faire dans le secteur de l’énergie.

En conclusion, il est nécessaire d’investir massivement dans les infrastructures d’énergie alternative et dans les micro-réseaux pour aider les habitants des zones reculées à avoir accès à l’énergie, au lieu des grandes entreprises de production d’électricité, comme le prétend Peters. Dans l’ensemble, le Nigeria doit metre en place des mesures incitatives pour les investisseurs sans quoi, la privatisation ne résoudra jamais le problème énergétique.

[*]Shakir Akorede est écrivain, contributeur au Forum économique mondial et fondateur de 501Words. Article initialement publié en anglais par African Liberty – Traduction réalisée par Libre Afrique


Sur le web

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
5
Sauvegarder cet article

Comme chaque année, les chiffres de la balance commerciale sont minorés et présentés en retirant les frais de transport du montant de nos importations.

Les frais de transport sont pourtant une partie intégrante du coût de revient et sont répercutés sur le prix de vente au consommateur. Mais pourtant, ils sont retraités afin de les comparer aux chiffres des exportations qui, eux, n’intègrent pas les frais de transport. L’opération semble contestable…

Les « vrais » chiffres de la balance commerciale de 2022 avaient ainsi frôlé les... Poursuivre la lecture

La nécessité de décarboner à terme notre économie, qui dépend encore à 58 % des énergies fossiles pour sa consommation d’énergie, est incontestable, pour participer à la lutte contre le réchauffement climatique, et pour des raisons géopolitiques et de souveraineté liées à notre dépendance aux importations de pétrole et de gaz, la consommation de charbon étant devenue marginale en France.

Cependant, la voie à emprunter doit être pragmatique et ne doit pas mettre en danger la politique de réindustrialisation de la France, qui suppose une... Poursuivre la lecture

Entre désamour de son parc nucléaire, illusions renouvelables, pressions allemandes et injonctions de l’Europe, la France, dont le puissant parc de production d’électricité était décarboné avant l’heure, a lentement sapé la pérennité du principal atout qu’il représentait. Après des fermetures inconsidérées de moyens pilotables, l’apparition du phénomène de corrosion sous contrainte qui a affecté les réacteurs d’EDF dès 2021 a cruellement révélé l’absence de renouvellement du parc depuis que l’ASN en avait exprimé la nécessité, en 2007. En ent... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles