Par Gilles Frémont.
Le contrat de syndic est un document type, entièrement rédigé par décret. Il est inséré dans la loi du 10 juillet 1965 à l’article 18-1 A par la loi ALUR du 24 mars 2014. On le nomme communément et par facilité de langage : le contrat type.
Il s’impose aux parties qui contractent, sans aucune possibilité de l’aménager ni dans son contenu ni dans sa forme.
Le contrat type est une entrave à la liberté contractuelle. Il est né d’un lobbying. Il est économiquement inefficace.
Et si nous le supprimions ?
Le contrat de syndic type est-il légal ?
La liberté contractuelle découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme (la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui).
La liberté contractuelle constitue un principe fondamental du droit. Elle a été consacrée à l’article 1102 du Code civil par l’ordonnance portant réforme du droit des contrats :
Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi.
La loi ALUR et son décret fixant le contrat type sont-ils une limite à la liberté contractuelle ou en sont-il une privation ? La loi ALUR ne se contente pas d’imposer quelques clauses obligatoires, elle créer de toutes pièces un contrat en se substituant aux parties. Jusqu’où une loi ordinaire peut-elle limiter un principe fondamental du droit ? Le décret d’application du 26 mars 2015 n’est-il pas allé au-delà de ce que la loi lui permettait ?
Le contrat de syndic type est-il légitime?
Le contrat type est né du lobbying des associations de consommateurs mettant en exergue les abus de certains syndics. Ces associations ont dérivé vers une critique permanente et systématique des syndics. Elles entretiennent un antagonisme artificiel entre les intérêts du copropriétaire jugé faible et ignorant (le consommateur) et ceux du syndic décrit comme le dominant sans scrupules (le professionnel). Un antagonisme propre à la culture française de la représentativité, voulu par des inconditionnels de la réglementation. Une réglementation mise en œuvre tôt ou tard par des décideurs politiques partisans ou influençables.
Le contrat type est une barrière entre les copropriétaires et leur syndic. Il empêche la discussion entre eux. Il abaisse le syndic dont il faut se méfier, et infantilise les copropriétaires jugés incapables de s’occuper de leurs affaires. Comme dans d’autres domaines, le contrat type est le fruit de l’étatisme.
Dans la théorie des contrats, au nom de la protection absolue du consentement, le principe du formalisme l’a emporté sur le principe du consensualisme. Le droit de la consommation a envahi le droit civil. Est-ce vraiment notre orientation ?
Le contrat type est-il efficace ?
Trois ans après la loi ALUR, les associations de consommateurs ont admis que le contrat type, tant désiré par elles, n’avait pas produit les effets escomptés. L’équilibre des parties qui était recherché n’a pas été obtenu. Les prix n’ont pas baissé. Pourquoi ?
Certains honoraires auparavant dits particuliers ont dû être transférés mécaniquement vers les honoraires dits de base (gestion des compteurs de fluide, frais de reprographie, Assemblée Générale en journée notamment). Ces honoraires n’ont pas été déduits des honoraires de base, mais additionnés. Ceci est logique, dans la mesure où le syndic n’a pas à subir de pertes financières sur des contrats calculés antérieurement à une nouvelle loi. Rappelons si besoin est, que d’un point de vue économique, la gestion de copropriété est une activité commerciale et non une délégation de service public. Le syndic est un chef d’entreprise, qu’on le veuille ou non.
Certains syndics ont profité de ce transfert dans les honoraires de base pour gagner quelques points d’augmentation supplémentaires. Certes, mais cette majoration n’est pas choquante si l’on considère qu’elle a permis de remettre à niveau des honoraires historiquement bas de la profession. L’activité de syndic est le parent pauvre de l’immobilier, très peu rentable car nécessitant beaucoup de moyens humains. Le syndic est sous-coté, et ses collaborateurs s’en retrouvent en sous-effectif.
La majoration des honoraires de base est aussi induite par la surcharge de travail imposée au syndic suite aux nouveautés de la loi ALUR : gestion des comptes bancaires séparés, gestion des fonds travaux et des livrets, gestion de l’extranet, mise à jour annuelle de l’immatriculation, établissement des fiches synthétiques, gestion des « pré état daté » notamment.
Bien que le syndic parvienne à informatiser certaines tâches et gagner en productivité, il n’en reste pas moins que ce sont des tâches supplémentaires.
Il est tout à fait normal que le syndic soit cher.
Les honoraires particuliers existent (la loi les a même consacré), mais leurs prix étant libres, il est encore possible d’en abuser. Les associations de consommateurs, enfermées dans un raisonnement d’escalade réglementaire, réclament alors l’encadrement des prix. Mais cette solution simpliste se heurte au fondement même de l’économie de marché dans laquelle nous vivons.
Le contrat type est une usine à gaz. Il contient douze pages, deux annexes, des forfaits ou des vacations, des choix multiples d’heures ouvrables et non ouvrables, des heures de réception des copropriétaires combinées avec des heures de permanence téléphonique, les deux variant suivant les jours de la semaine, et une litanie de prestations particulières. En outre, il prévoit des prestations dites individuelles, au mépris du principe de l’effet relatif des contrats. L’excès de détails finit par perdre l’attention du non professionnel, et offre des possibilités de conflits d’interprétation aux plus procéduriers.
Avec son catalogue de tâches, le contrat type a transformé le syndic mandataire en syndic prestataire de services. Prenons l’exemple des visites annuelles. Fixer à l’avance le nombre de visites annuelles n’a pas de sens pour un mandataire. Le syndic visite un immeuble si nécessaire. Le syndic n’est pas redevable de tant de visites par an, il est redevable d’une bonne gestion. Un conseil syndical qui réclamerait un nombre déraisonnable de visites est assez rare, et il suffit au syndic de dire non en expliquant pourquoi.
Le Conseil d’État a d’ores et déjà annulé certaines des clauses du contrat type pour illégalité. Ce qui démontre une certaine fragilité du contrat dans sa conception.
Le CNTGI doit réviser le contrat type deux fois par an, mais après de multiples concertations entre professionnels et consommateurs dont on présage les lenteurs, les blocages et le coût. De surcroît, les premières propositions du CNTGI n’ont pas été suivies par l’administration. Un simple contrat de droit privé, un mandat intuitu personae, va donc s’ergoter indéfiniment au ministère du Logement. Le contrat type n’a plus de légitimité. Il devient un formulaire administratif amélioré.
Le contrat type est donc long, lourd et complexe.
Pourtant, « ce que l’on conçoit bien, s’énonce clairement ».
Pourquoi pas un contrat global ?
Les honoraires particuliers ont toujours posé problème et ils en poseront toujours. Et si les honoraires particuliers étaient supprimés ?
Le mandat du syndic est général, alors pourquoi son contrat ne serait-il pas global ? Un contrat global et forfaitaire, tout inclus ? Un contrat de mandat d’une seule page, contenant la désignation des parties, la durée du mandat et le prix. Inutile de lister les innombrables missions du syndic puisqu’elles sont décrites dans la loi du 10 juillet 1965 dans ses articles d’ordre public.
Quels en seraient les avantages ?
- Des offres concurrentes lisibles et vraiment comparables entre elles.
- Une meilleure visibilité du syndic sur son chiffre d’affaire moins dépendant des événements particuliers.
- Des tentations d’abus de facturation rendues strictement impossibles.
- Des gestionnaires épargnés de la course au chiffrage dans certaines sociétés.
- Un seul prix à discuter en assemblée générale, des incompréhensions et des tensions en moins.
- Une confiance rétablie entre des copropriétaires rassurés par un contrat simple, et un syndic détourné de toute tentation de facturer et concentré sur sa mission. Au milieu un gestionnaire apaisé.
À côté du contrat global et forfaitaire, les honoraires sur les gros travaux pourraient faire l’objet d’une convention de Maîtrise d’ouvrage délégué (MOD), négociée chantier par chantier, et définissant l’étendue de la mission du syndic-MOD : montage du financement, gestion de l’appel d’offres, élaboration des pièces marché, souscription des assurances, recours à un maître d’œuvre, suivi de chantier, opérations de réception, etc.
Mécaniquement, sans aucun honoraire particulier, le prix global sera encore augmenté, par 1.5, par 2 ? Mais là n’est pas le débat, puisque seule s’appliquerait alors la loi de l’offre et de la demande propre au marché des syndics. Grâce à la clarté du prix global, les bons syndics seraient immédiatement valorisés et les mauvais seraient dépréciés voir éliminés.
Le prix global pourrait s’ajuster librement à la hausse ou à la baisse chaque année en fonction de la charge de travail imposée par la loi ou par le mandant. Les parties sont libres. Libres de négocier leur prix ou libres de ne plus faire affaires si elles ne s’entendent pas sur le prix.
Certains mandats seront déficitaires, mais une plus grande quantité sera bénéficiaire, conformément à loi de Pareto des 80-20 (80% des réclamations proviennent de 20% des clients. Inversement, 80% des clients ne représentent que 20% des réclamations).
Syndics et copropriétaires s’y retrouveront.
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