Et si la Chine payait le pétrole en yuans ?

La Chine est en train de modifier les modalités de son commerce pétrolier avec l’Arabie Saoudite. Va-t-elle payer le pétrole saoudien en yuans chinois plutôt qu’en dollars ?

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Et si la Chine payait le pétrole en yuans ?

Publié le 12 juin 2017
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Par Byron King.

La Chine est en train de modifier les modalités de son commerce pétrolier avec l’Arabie Saoudite. Plus précisément, la Chine planche sur un accord pour payer le pétrole saoudien en yuans chinois, ce qui représente une menace directe pour le dollar.

Si cet accord entre Chinois et Saoudiens est conclu – des yuans contre du pétrole – une nouvelle étape sera franchie, qui rapprochera le pétrodollar de sa fin. Le pétrodollar domine la finance mondiale depuis 1974.

Pour rappel, le pétrodollar s’affaiblit parce que le dollar perd de son pouvoir en tant que monnaie de réserve mondiale. C’est ce qui s’est passé pour la livre sterling, peu à peu tombée en disgrâce avec le déclin de l’empire britannique. Certes, la disparition du dollar n’est pas pour demain mais nous assistons aujourd’hui à une nouvelle étape de son déclin.

Depuis 1974, les Saoudiens acceptent le paiement de la quasi-totalité de leurs exportations de pétrole – vers tous les pays – en dollars. En effet, sous l’égide du président Nixon, un accord entre l’Arabie Saoudite et les États-Unis avait été passé.

Il y a une quinzaine d’années, la Chine a cessé d’être auto-suffisante en pétrole et a commencé à acheter du pétrole saoudien. Comme tous les clients, la Chine devait payer en dollars. Même aujourd’hui, la Chine paye encore le pétrole saoudien en dollars US et pas en yuans, ce qui contrarie beaucoup le gouvernement chinois.

La Chine, premier importateur mondial de pétrole, ne veut plus le payer en dollar

Depuis 2010, les importations chinoises de pétrole ont pratiquement doublé. Selon Bloomberg News, la Chine a dépassé les États-Unis pour devenir le premier importateur au monde de pétrole. Voici un graphique qui montre bien cette tendance :

À mesure qu’augmentent leurs importations de pétrole, il devient de plus en plus impérieux pour les Chinois de payer ce pétrole en yuans au lieu de le payer en dollars. La Chine ne veut pas utiliser des dollars pour acheter du pétrole. C’est pourquoi elle commence à faire pression sur l’Arabie Saoudite en abaissant fortement ses achats de pétrole saoudien.

Actuellement, les trois plus importants fournisseurs de pétrole de la Chine sont la Russie, l’Arabie Saoudite et l’Angola. Outre ces trois principaux fournisseurs, la Chine se fournit également en Iran, en Irak et à Oman, ce qui permet aux Chinois de diversifier leur chaîne d’approvisionnement.

Ces dernières années, Pékin a diminué ses achats de pétrole auprès des Saoudiens alors que les exportations de pétrole russe sont passées de 5% à 15% du total des importations chinoises.

La Chine importe plus de pétrole de Russie, d’Iran, d’Irak et d’Oman et moins d’Arabie Saoudite.

La part des Saoudiens dans les importations chinoises a chuté, passant de plus de 25% en 2008 à moins de 15% aujourd’hui. Pendant ce temps, les concurrents des Saoudiens – la Russie, l’Iran, l’Irak et Oman – ont vendu plus de pétrole à la Chine.

L’Arabie Saoudite aimerait bien inverser cette tendance.

Toutefois, il existe une bonne raison pour laquelle les ventes de pétrole russe à la Chine augmentent. Les flux commerciaux et financiers sont souvent étroitement liés. Au cours de ces dernières années, la Chine a accru ses échanges commerciaux avec la Russie – aujourd’hui, la Chine paie le pétrole russe en yuans. En échange, la Russie utilise le yuan pour acheter des marchandises en Chine.

Chine, Russie et le retour furtif de l’étalon-or

Au-delà du commerce de marchandises, au cours des six derniers mois, la Russie a installé une branche de la Banque de Russie à Pékin. De là, la Russie peut utiliser ses yuans pour acheter de l’or sur la Bourse de Shanghai. En un sens, le commerce pétrolier sino-russe est aujourd’hui soutenu par un « étalon-or. »

À l’avenir, l’Arabie Saoudite se retrouvera progressivement mise à la porte du marché pétrolier chinois si elle n’accepte pas de vendre du pétrole contre des yuans. Les Saoudiens doivent s’éloigner des dollars US – et des pétrodollars – s’ils veulent garder et augmenter leur accès au marché du pétrole chinois.

Si les Saoudiens commencent à accepter des yuans contre du pétrole, tous les paris sont ouverts sur le pétrodollar. Le « pétroyuan » bouleversera fortement la dynamique monétaire des flux d’énergie mondiaux. Selon moi, le dollar américain ne pourra en sortir qu’affaibli.

Les informations sur le pétroyuan sont publiques. Pourtant, pour une étrange raison, les décideurs politiques et les médias occidentaux font preuve d’une forme d’aveuglement au sujet des implications de ce pétroyuan. L’idée leur paraît si saugrenue que beaucoup de responsables politiques préfèrent tout simplement l’ignorer.

Qu’ils continuent à ignorer. Mais un beau matin nous pourrions bien nous réveiller au cœur d’une énorme crise monétaire avec une baisse du dollar et une violente hausse des prix du pétrole.

Vous connaissez notre antidote contre cette crise : achetez de l’or tant qu’il est accessible. Il cote actuellement moins de 1 300 $ l’once… mais jusqu’à quand ?

Pour plus d’informations de ce genre, c’est ici.

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  • allez hop !! une petite révolution orange à Riyad pour installer une « vraie » démocratie et on n’en parle plus , on continue avec le dollar.
    sinon , c’est le début de la fin du dollar qui n’aura plus que sa vraie valeur , celle du papier sur lequel il est imprimé.

  • La FED est persuadé d’avoir trouvé la pierre philosophale avec son $ en papier, et les autres banques centrales veulent à tout prix les imiter, ça va mal finir.

    • @ GN
      C’est très clair: le $ ne vaut que tant que les U.S.A. seront l’autorité supérieure mondiale, ce qui est, pou le moins, menacé dans l’avenir et le développement des « B.R.I.C. » et d’autres pays en développement réussi. (l’Afrique, entre autres, très aidée/exploitée par les Chinois: R.D.C.: 81 millions d’habitants!)

  • Les commentaires sont fermés.

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Auteurs : Philippe Aghion, est professeur à l'INSEAD, professeur invité à la LSE et titulaire de la Chaire Économie des institutions, de l'innovation et de la croissance, Collège de France. Céline Antonin est chercheur à Sciences Po (OFCE) et chercheur associé au Collège de France, Sciences Po

 

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